Cahuzac

Affaire Cahuzac : pourquoi le malaise persiste ?

Les autorités suisses viennent de transmettre des informations aux services fiscaux français au sujet de l'existence, ou non, d'un compte du ministre du Budget à la banque UBS, (possibilité indiquée par Lyon Capitale dès le 7 décembre, lire ici). Si quasiment toute la classe politique, gauche et droite confondues, s’est réjouie de la teneur supposée du document helvète, elle est sans doute allée un peu vite en besogne. Explications.

Pierre Moscovici, interviewé par Patrick Cohen ce matin sur France Inter, a laissé entendre, avec un certain soulagement, que les documents fournis par les autorités suisses montreraient que Jérôme Cahuzac n'a pas fermé de compte à l'UBS en février 2010. Laissé entendre seulement, car dans cette affaire, depuis le début, les uns et les autres manient périphrases, épiphrases et litotes avec un art consommé (lire ici et ici). "Je n'avais pas de doute sur le résultat que pouvait engendrer cette procédure", a ainsi indiqué M. Moscovici, répondant simplement "non" à la question de savoir si son doute avait été ébranlé ces dernière heures. Nos amis suisses seraient ainsi remontés jusqu’en 2006 (avant, les faits seraient prescrits) et leurs recherches seraient tout aussi négatives. Les informations recueillies ont été remises aux policiers de la Dniff (Division nationale d'investigations financières et fiscales), qui poursuivent leur enquête préliminaire pour blanchiment de fraude fiscale, à la demande du procureur de la République de Paris, M. Molins.

Vous pouvez répéter la question ?

En réalité, si le document transmis par les autorités helvètes va dans le sens des affirmations réitérées du ministre du Budget, il semblerait au final -si l’on a bien compris les différentes périphrases- que ledit document indique "seulement" que M. Cahuzac n’a pas fermé de compte en Suisse. Une fois encore, tout dépend de la question posée. Répondre qu’un compte n’a pas été fermé ne signifie pas qu’il n’a jamais été ouvert. En outre, cela ne règle pas la question du prête-nom, car en Suisse il est tout à fait possible d’ouvrir un compte en procédant de cette manière, les ayants droit économiques signant seulement une déclaration en révélant leur identité, que la banque garde secrète.

"On a affaibli Jérôme Cahuzac d’une manière injuste"

Hier, M. Cahuzac a déclaré qu'il appartenait aux autorités françaises de dire si la réponse de la Suisse sur l'existence supposée d'un compte lui appartenant à la banque UBS l'innocentait ou non. « Comme moi je connais la vérité, je n'ai aucun doute quant à la nature de cette réponse », a-t-il dit lors de l'émission Questions d'info LCP-AFP-France Info. Le président de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone (PS), a quant à lui affirmé n'avoir "jamais douté" que Jérôme Cahuzac n'avait pas eu de compte secret à la banque suisse UBS : "On a affaibli Jérôme Cahuzac d'une manière injuste à un moment où la France a besoin de ses convictions et de son talent", a-t-il ajouté.

La vérité, toute la vérité

La boucle serait donc en voie d’être bouclée et Médiapart bientôt voué aux gémonies. L’affaire présentée ainsi, on serait presque dans la théorie du complot. Cela dépend, en fait, de quelle "vérité" on parle. On aimerait en effet, pour la France, que M. Cahuzac, dont nul ne conteste le talent, soit sincère et dise la vérité, toute la vérité. Or, pour que le doute soit définitivement levé dans cette affaire, il faudrait que la question soit vraiment mieux formulée et embrasse l’ensemble de la problématique. Pour être clair : y-a-t-il jamais eu ouverture ni fermeture de compte en Suisse, de façon directe ou indirecte ? On passerait alors de la périphrase à la paraphrase et l’on pourrait enfin clore cette comédie à la façon d’Alfred de Musset : Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée. Vœu pieu sans nul doute, tant la classe politique a spontanément fait bloc autour du ministre du Budget, et souhaite ardemment la mort de Médiapart.

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