AFFAIRE DE LA PROPRETÉ - La chambre régionale des comptes a rendu un rapport accablant sur les nombreuses irrégularités financières, que Lyon Capitale dénonce depuis deux ans et demi, au sein de la direction de la propreté du Grand Lyon. Évoquant ce rapport lundi soir devant le conseil communautaire, Gérard Collomb estime qu'au contraire la Chambre lui a adressé des bons points. C'est d'ailleurs ce qu'a retenu Le Progrès, le quotidien régional, qui n'a visiblement pas lu le rapport. Nouveau rebondissement ce soir : on apprend que Bruno Coudret, le directeur de la propreté, aurait été écarté de son poste. Explications.
Après une longue enquête, Lyon Capitale avait mis au jour un système de malversations et de corruption présumées de fonctionnaires au sein de la direction de la propreté du Grand Lyon. Nos enquêtes avaient mis en évidence une série de malversations présumées au sein de la subdivision Col-Est notamment, un service de la direction de la propreté. Gérard Collomb, président du Grand Lyon, avait qualifié nos révélations de “calomnies”, prenant pour lui ce que nous racontions de la réalité de ses services.
En prenant ce parti, il s’est de fait placé dans la position de celui qui, tout en voulant protéger l’institution, cautionne les pratiques douteuses. Dans cette affaire, tout est parti d’un fonctionnaire.
Une cadre, l’une des toutes premières femmes au Grand Lyon à accéder à ces responsabilités dans un milieu d’hommes, a constaté de multiples anomalies et des malversations financières présumées en prenant ses fonctions au sein de cette subdivision Col-Est de la direction de la propreté. Près de 800.000 euros avaient en effet disparu de la comptabilité de cette administration du Grand Lyon.Des factures paraissaient douteuses et suspectes. Elle a alerté sa hiérarchie et s’est retrouvée placée sur le banc des accusés puisqu’elle fut suspectée par le directeur de la propreté, Bruno Coudret, d’avoir “piqué dans la caisse”. Ubuesque.
Enquête classée
Sur la base de nos investigations, le parquet de Lyon avait décidé l’ouverture d’une enquête préliminaire confiée à la brigade financière de la police judiciaire de Lyon. Selon nos informations, après plusieurs auditions, l’enquête a été classée sans suite par le parquet de Lyon. La justice est confrontée à plusieurs difficultés avec ce genre de dossier. La prescription des faits, puisque les agissements que nous dénoncions dataient de 2008.
En matière de délits financiers, la prescription est de trois ans. Ensuite, à qui imputer la responsabilité pénale de ces faits ? Des factures étaient payées deux fois, d’autres étaient établies sans la signature d’un responsable et sans que la prestation soit nécessairement réalisée, des malversations générales dans les heures supplémentaires (environ 500.000 euros) étaient relevées. Si les faits n’étaient pas contestés, la justice n’a pu obtenir les témoignages nécessaires pour déterminer des culpabilités précises dans cette affaire. Le rapport de la chambre régionale des comptes vient relancer cette affaire en revenant dans le détail sur les faits sur lesquels nous travaillons depuis juin 2010.
Rapport accablant
L’enquête des magistrats de la chambre des comptes est accablante pour le Grand Lyon et valide deux années et demie d’enquête conduite par Lyon Capitale. Entre le Grand Lyon et la chambre régionale des comptes, les négociations ont dû être âpres autour des 13 pages (sur 45) du rapport consacrées à la direction de la propreté. La chambre des comptes avait terminé son instruction fin décembre 2011 et a entamé des discussions avec la communauté urbaine au mois d’avril suivant. Le rapport d’observations définitives aurait dû être rendu public en juin 2012. Il ne l’a été que dix mois plus tard.
Dans leurs conclusions, les magistrats constatent, eux aussi, des irrégularités dans les heures supplémentaires et relèvent qu’“au moins jusqu’en octobre 2010, ce sont les agents qui déclarent leurs [heures supplémentaires], sans avoir demandé, au préalable, l’autorisation d’effectuer ces heures au supérieur hiérarchique”. Des agents s’octroient “des heures supplémentaires sans motif légitime et sans qu’il y ait contrôle du service fait”. D’autre part, le rapport relève que plusieurs bons de commande ont été signés sans avoir la garantie qu’une prestation était réalisée en retour.
Le rapport passe en revue des marchés publics passés en 2007 par la direction de la propreté et se demande si les offres transmises par les sociétés n’étaient pas “anormalement basses”, ce qui pose la question d’une éventuelle surfacturation des marchés dans les années antérieures. “Il conviendrait de savoir si, entre 2000 et 2007, le Grand Lyon n’a pas payé trop cher l’enlèvement de ses ordures ménagères.”
Présentant les conclusions définitives de la chambre régionale des comptes au conseil communautaire le 18 février, Gérard Collomb a jugé que “lorsque des magistrats examinent de façon approfondie la façon dont a été gérée la communauté urbaine, ils donnent un satisfecit, se contentant de faire des remarques”. Le président du Grand Lyon pariait sans doute que personne ne pousserait la curiosité jusqu’à lire lesdites remarques.
Départ
Ce soir, nous apprenons que le directeur de la propreté, Bruno Coudret, a été remercié et pourrait se voir accorder d'autres missions au sein du Grand Lyon, notamment sur la question de l'eurométropole. Benoît Quignon a convoqué en urgence les syndicats de la direction de la propreté pour une réunion qui doit avoir lieu demain matin. Une "promotion" pour le directeur de la propreté qui intervient donc deux jours après la publication d'un rapport accablant… Difficile de ne pas y voir un lien de cause à effet.
De plus, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) a voté un rapport d'analyse et de préconisations vendredi dernier sur les problèmes de tentatives de suicides au sein de la direction de la propreté. Des dysfonctionnements graves de la ligne hiérarchique auraient été relevés. En juillet dernier, Manuel Gongora, un agent de la propreté, s'était immolé par le feu et un autre fonctionnaire avait tenté de faire le même geste avant d'en être empêché par des collègues de travail.
Ce soir, le Grand Lyon confirme que Bruno Coudret s'occupera désormais de "benchmarking pour l'eurométropole". L'information sera présentée demain matin, jeudi 21 février, aux syndicats de la direction de la propreté qui ont été contactés ce mercredi après-midi.