L’été dernier, le député du Rhône Jean-Louis Touraine s’est vu confier par Manuel Valls une mission pour le pilotage de la réforme sur le droit d’asile. Avant de rendre son rapport, il nous livre ses premières conclusions.
Avant même que l’“affaire Leonarda” n’éclate à la mi-octobre, Manuel Valls avait chargé, l’été dernier, le député socialiste Jean-Louis Touraine et la sénatrice centriste Valérie Létard de piloter une mission en vue d’une réforme du droit d’asile. “Nous avons régulièrement réuni et consulté quatre groupes de travail depuis cet été pour analyser la procédure du droit d’asile, l’hébergement proposé et les conditions d’investigation de l’Ofpra et de la CNDA*, explique Jean-Louis Touraine. Notre première conclusion, c’est qu’aujourd’hui le droit d’asile est dévoyé.”
“Raisons économiques ou sanitaires”
Sur un peu plus de 60 000 demandes effectuées en 2012, moins de 20 % ont reçu un avis favorable. “80 % des demandeurs sont déboutés parce qu’ils ne relèvent pas du droit d’asile, analyse Jean-Louis Touraine. En France, est admissible au droit d’asile (selon la Convention de Genève de 1951) toute personne “craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques”. “Or, il y a des personnes qui demandent l’asile pour des raisons économiques”, ajoute le député. Faisant ainsi référence au cas de la famille Dibrani et notamment de la jeune collégienne Léonarda, dont l’expulsion est au centre des débats depuis une dizaine de jours : “Le cas de cette famille est assez symptomatique. Elle a épuisé toutes les voies de recours avant d’être finalement expulsée au bout de plus de quatre ans, c’est trop long !”
“Seul un tiers des réfugiés trouve une place dans les centres d’accueil”
“Trop long”, c’est aussi ce qu’a affirmé Manuel Valls, à la sortie du conseil des ministres, ce mercredi 23 octobre. Dans les préconisations que le rapport parlementaire doit apporter au ministre à la mi-novembre : le raccourcissement du délai de la procédure de 19 mois à 9 mois. “L’accélération des délais de traitement doit permettre de répartir les réfugiés dans des endroits dignes de l’accueil”, indique Jean-Louis Touraine. Tout demandeur d’asile doit en effet bénéficier d’un hébergement, d’une allocation mensuelle de subsistance et d’un accompagnement social et juridique. Mais, selon le rapport de la Coordination française pour le droit d’asile rendu en février dernier, “seul un tiers des demandeurs trouve une place dans les centres d’accueil”…
La France compte 273 centres d’accueil de demandeurs d’asile (Cada) et un peu plus de 21 600 places. “Le problème, constate le député, c’est le temps occupé par les demandeurs dans les centres à cause de cette longueur des procédures. Il y a des gens qui sont en Cada mais qui n’ont rien à y faire. L’accélération des procédures à tous les niveaux de l’Administration va permettre de donner des décisions favorables ou défavorables rapides, et du coup favoriser les rotations dans ces centres d’accueil. Il y a des dossiers qui peuvent être traités en trois mois. Un délai bien plus raisonnable pour pouvoir envisager une reconduite à la frontière ou inciter les personnes déboutées à se tourner vers d’autres modes d’intégration.”
Autre préconisation faite par les parlementaires : le renforcement de l’information des demandeurs sur les conditions d’obtention du droit d’asile, dès leur arrivée et dans leur langue maternelle… Pour Jean-Louis Touraine, “la personne qui demande le droit d’asile doit le plus rapidement possible obtenir tous ses droits pour pouvoir s’insérer dans la société française”.
Face à l’augmentation du nombre de demandes au droit d’asile – un rapport de l’Inspection générale de l’administration datant d’avril dernier fait état d’une augmentation de 72 % entre 2007 et 2012 –, l’enjeu va donc être d’accélérer les délais tout en garantissant une procédure juste et équitable à tous les demandeurs. “L’enjeu est de sauver le droit d’asile”, conclut Jean-Louis Touraine.
---
* Office français de protection des réfugiés et apatrides, et Cour nationale du droit d’asile.