Jérôme Cahuzac : un silence médiatique étrange, des soutiens politiques inattendus

Après les révélations de Mediapart sur le prétendu compte suisse de Jérôme Cahuzac, Lyon Capitale, Rue 89, l'édition électronique de L'Express mais aussi Le Temps, le grand journal de Genève, ont évoqué en fin de semaine dernière l'opportunité pour le ministre du Budget de se disculper.

Et même à double titre. En qualité de citoyen, en demandant à l’Union des banques suisses (UBS) de confirmer qu'il n'avait jamais eu de compte ouvert dans ses livres; en qualité de ministre du Budget, en sollicitant l'entraide judiciaire franco-suisse.

De telles démarches auraient à l'évidence du sens et représenteraient un gage de bonne foi.

Comment expliquer alors l'absence de réaction de M. Cahuzac - n'aurait-il pas lu ces organes de presse, ses conseils n'auraient-ils pas vu ces moyens de défense pourtant élémentaires ? De même, comment expliquer l'absence de relais par les grands titres nationaux ?

Imaginons un instant que Mediapart révèle l'existence d'un compte suisse détenu par un autre homme politique de premier plan, de la majorité ou de l'opposition, d'un grand capitaine d'industrie, d'une vedette de l'écran... Le devoir du ministre ne serait-il pas de faire procéder à des investigations et d'interroger les autorités suisses sur l'existence de ce compte bancaire, en se référant aux accords qui lient désormais nos deux pays sur la question de la fraude fiscale ?

Alors ? Pourquoi ce silence ? N'y a-t-il pas au moins, en l'occurrence, et au-delà de la présomption d'innocence à laquelle M. Cahuzac a évidemment droit, un conflit d'intérêts majeur ?

Cahuzac fait l’unanimité… à l’UMP

Tout aussi troublant et inexpliqué, le fait que de nombreux députés UMP -Jean-François Copé en tête- aient apporté leur soutien ostensible au soldat Cahuzac, qu'il semble décidément importer de sauver. Les raisons invoquées toutefois divergent. "Dans cet ensemble gouvernemental tellement amateur et chaotique, il est un des rares ministres dont on peut dire de manière unanime qu’il connaît vraiment bien les sujets dont il parle. J’ai pour Jérôme Cahuzac une estime personnelle, je tiens à la dire ici", a indiqué le président proclamé de l’UMP à l'occasion de son point-presse.

Sur Twitter, les parlementaires n'ont pas fait non plus dans la dentelle de Malines. Lionnel Luca a surpris, en écrivant : "Il n’appartient pas à J. Cahuzac de se justifier mais à Mediapart de donner les preuves de ses accusations". Même tonalité chez Guillaume Peltier, généralement plus belliqueux vis-à-vis de la gauche : "Soutien @J_Cahuzac dont on bafoue la présomption d'innocence. Stop à la tyrannie de la rumeur et de la calomnie de #Mediapart !". Guillaume Larrivé, député UMP de l’Yonne, sort quant à lui la grosse Bertha : "Je déteste ce climat de "chasse à l'homme", lancé par un site Internet trotskiste, contre j_cahuzac La politique n'est pas un caniveau".

Mais la sortie la plus inouïe est sans conteste celle de Benoist Apparu, ancien ministre du Logement de Nicolas Sarkozy, qui est allé bien plus loin que la seule présomption d'innocence, en déclarant, chez nos confrères d'Europe 1, que le ministre du Budget était innocent et quasiment victime d’un complot : "Il y a un moment où la chasse aux sorcières permanente, sans preuves, contre les hommes politiques, ça suffit. Ce n’est pas parce qu’on a les allégations d’une personne, retraitée, publiées par un site Internet, que ça devient la vérité, qu’il faut en faire à chaque fois une affaire d’État. (C'est) un ministre honnête, intègre, au-dessus de tout soupçon. J’espère qu’il va continuer son boulot. Point !".

Point ! Circulez messieurs-dames, il n’y a vraiment rien à voir ni à savoir. Si ce n’est le délire récurrent de quelques journalistes en mal de sensationnel.

Didier Maïsto

Directeur de la publication

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