Le président chinois viendrait bien à Lyon

Gérard Collomb est en passe d’obtenir la visite qu’il souhaitait du président chinois. La venue de Xi Jinping à Lyon est annoncée pour la fin du mois de mars, entre les deux tours des municipales. Une visite officielle qui intervient dans le cadre du cinquantenaire de l’amitié franco-chinoise, mais que le maire de Lyon espère bien transformer en argument électoral.

Lors de sa tournée asiatique de l'été, Gérard Collomb avait évoqué l'éventualité. Elle se concrétise aujourd'hui. Dans son édition de mardi, Le Progrès annonce, en une, que le président chinois Xi Jinping fera escale à Lyon entre les deux tours des municipales. Il s'agirait d'une visite de deux jours. Gérard Collomb se démène pour que Lyon accueille le dirigeant chinois. Il faut dire qu'en pleine campagne le maire de Lyon se verrait bien accueillir un “grand de ce monde”. Le fossé entre lui et Michel Havard s'en trouverait ainsi agrandi en termes d'image et d'expérience. Gérard Collomb, qui ne rate jamais une occasion de se présenter comme le maire des chefs d'entreprise, veut placer la visite de Xi Jinping sous le sceau du partenariat économique plus que des relations diplomatiques.

Une visite économique

"Dans un cadre économique et pour le rayonnement de Lyon, je conçois que l'on ait des rapports avec la Chine, qui est un pays incontournable. Je pense que Gérard Collomb lui parlera des droits de l'homme",croit savoir Alain Giordano, le maire du 9e arrondissement. Interrogée, mardi 21 janvier, sur le sujet, Odile Belinga, tête de liste dans le 1er que Gérard Collomb présente fièrement comme l'ancienne présidente de la Ligue des droits de l'homme, s'est montrée plutôt gênée aux entournures. Elle a fini par nous expliquer que les motifs économiques de sa venue étaient très importants.

De son côté, Michel Havard se retrouve coincé entre la volonté de favoriser les entreprises, qui devraient être les grandes gagnantes de cette visite, et le handicap médiatique que ne manquerait pas de provoquer la venue de Xi Jinping. "Cette visite entre les deux tours va complètement occulter la campagne. Et nous n'allons pas manifester contre, il y a des signatures à la clé",glisse un proche du candidat.

2001, un précédent mal géré

La visite peut aussi s'avérer à haut risque sur le volet des droits de l'homme. Si Lyon a historiquement des liens forts avec la Chine, la ville abrite aussi de nombreuses associations de défense des Tibétains. En 2001, Gérard Collomb avait déjà accueilli Hu Jintao, alors vice-président chinois, quelques mois après son élection. L'épisode avait profondément déçu de nombreux militants des droits de l'homme, d'autant qu'ils venaient de se mobiliser pour faire élire le socialiste à la mairie de Lyon, répondant à son appel de "faire barrage" à Charles Millon, coupable de s'être allié avec le FN au conseil régional en 1998.

La Presqu’île bouclée ?

Ce qui avait choqué largement à Lyon, et pas seulement les habituels militants pro-tibétains, c'est surtout le dispositif policier mis en place pour accueillir le futur numéro un chinois : le centre-ville avait été rendu impénétrable et la place des Terreaux complètement interdite au public. Comme si la démocratie s'était mise entre parenthèses pour accueillir le haut dignitaire chinois.

Quand à Lyon Capitale, nous avions été littéralement assiégés par les forces de l'ordre : un groupe d'intervention avait même été posté sur une nacelle devant les fenêtres du journal, situé alors rue Puits-Gaillot, la petite rue qui longe l'hôtel de ville. Il faut dire que le “journal des esprits libres” avait réussi un coup de maître deux ans plus tôt, en permettant au célèbre dissident Wei Jingsheng d'échapper aux policiers qui le suivaient depuis l'aéroport. Ce militant des droits de l'homme avait tout simplement "traboulé" pour accéder à Lyon Capitale et ainsi interpeller directement Jiang Zemin avec un mégaphone depuis le balcon du journal. C'est la seule fois de sa vie que celui qui a été régulièrement cité pour le prix Nobel de la paix a pu interpeller directement un haut dignitaire chinois. L'image avait fait le tour du monde.

En 2001, Lyon Capitale fait entendre la voix des dissidents

En 2001, Lyon Capitale avait enregistré un nouveau message du dissident sur un CD offert à tous nos lecteurs. Par dizaines, ils avaient ouvert les fenêtres et poussé leur sono à fond sur le passage du cortège officiel. Quelques militants pro-tibétains avaient multiplié les actions symboliques, avec notamment un jeté de quenelles sur la voiture officielle ! Et une petite équipe de Lyon Capitale avait installé (plusieurs jours avant) une énorme sono de concert dans un grenier de la place des Terreaux, et s'y était cachée pendant la nuit. La mairie de Lyon avait aussi prévu une petite sono montée sur une voiture, diffusant de la musique chinoise et censée empêcher que le message du dissident ne soit entendu par Hu Jintao. Raté… la sono de Lyon Capitale était bien plus puissante et le message de Wei Jingsheng a raisonné pendant un bon quart d'heure dans la place des Terreaux, avant que les forces de l'ordre ne parviennent à en identifier l'origine et n'interpellent l'équipe de Lyon Capitale.

Il y a fort à parier que ces antécédents, qui ont marqué les dirigeants chinois, susciteront de nouveau quelques vocations et idées originales. Mais, bonne nouvelle pour les forces de l'ordre et Gérard Collomb, Lyon Capitale a déménagé depuis dans le 9e arrondissement…

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