Lyon : les incidents de la victoire

6 mai, 19 heures. Le Q-Boat est plein à craquer. On refuse du monde. Pourtant, impossible d'entrer sans sa carte de l'UMP : discrimination positive. En ville l'ambiance est déjà un peu électrique. Certains savent, manifestement. Ici c'est bon enfant.
Beaucoup de jeunes avec leurs T-shirts "Sarkozy président" ou des autocollants "jeunes actifs". Quelques élus : Jean-Michel Dubernard, Emmanuel Hamelin.

20h00. Une traînée de poudre. Les résultats tombent sur l'écran géant. Sarkozy : 53, Royal : 47. Les hourras fusent. Avec des cris de victoire "Sarko à l'Elysée". Avec les chants de guerre : "Nicolas Sarkozy LaLaLaLaLaLa". Et d'autres moins délicats : "Mais ils sont où les socialistes ?" et encore "Ségo
on t'encule !", comme dans les tribunes de foot. Sur le pont Wilson deux jeunes passent et font un doigt d'honneur à cette foule sarkoziste. Huées. En remontant le quai vers les Terreaux, les premières réactions hostiles : "Nous les jeunes il va nous mettre la misère". Une voiture passe, tout klaxon hurlant, un drapeau bleu-blanc-rouge à la fenêtre. "Normal, qu'elle ait perdu, elle n'avait pas de programme", confie une jeune fille. Un groupe de jeunes cherche à rejoindre un mouvement quelconque. Est-ce qu'il se passe quelque chose, une manif ? Un rassemblement ? On ne sait pas.

21 heures. Retour sur le Q-Boat. Deux cents jeunes ont caillassé le bateau. Les militants UMP se sont réfugiés à l'intérieur. Une dame offusquée : "Vous avez vu ?" Les cars de CRS ont pris position, ils filtrent. Une vedette de la fluviale remonte le Rhône et scrute l'eau avec son phare. Sur le bas-port Bernard Rey est aux abois "Ca pète de partout, Caluire, Félix Faure. J'ai une blessée je n'arrive pas à joindre les pompiers !". Un jeune UMP a été roué de coups et jeté à l'eau. Il s'en tire par miracle. On parle d'une autre jeune fille avec le bras cassé.

22 heures. Les robocops ont pris position rue de la Barre. Un groupe s'est rassemblé d'un coup place Bellecour. Peut-être un millier. "Vas-y, rejoins-moi, je suis à la place, je suis sous Louis Machin". Tout marche par téléphone. Des drapeaux rouges ou noirs. Drôle de mélange de jeunes des quartiers et de militants
d'extrême gauche. L'un a réussi à se hisser sur la statue, sur les épaules de Louis Machin. Très vite la situation se tend. Les flics lancent les premières fusées éclairantes, rouges. "C'est les sommations !" Des jets de pierres et de bouteilles d'un côté, des grenades lacrymogènes et des flash-balls de l'autre. Les poubelles sont brûlées et aussi des tables et des chaises de chez Pino. Une jeune fille a reçu une grenade lacrymogène directement au niveau du cou. "Ils tirent à l"horizontale !" Elle est évacuée en ambulance. Deux journalistes sont blessés, le photographe Bruno Amsellem et Raphaël Ruffier de Lyon Capitale.

23 heures. La population a changé. Il reste quelques vrais manifestants, des jeunes plutôt cool : guitare, bandonéon, flûte de pan. Toujours des jeunes des quartiers de plus en plus remontés. Et des black blocs, en tenue d'émeutiers qui provoquent incessamment les flics, jettent des projectiles, des barrières, brûlent les poubelles, cassent des vitrines ou des abribus. Les flics chargent sans ménagement. Gazent tout ce qui bouge. Reprennent peu à peu du terrain. Ils ont bloqué toute la place. Aux quatre coins. Pas d'échappatoire.

Minuit. Le regroupement est dispersé. Quelques actions sporadiques continuent une partie de la nuit.

Pierre Gandonnière

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