Rhône-Alpes n'est plus une région de droite, c'est désormais acquis. Après les régionales de 2004, les municipales viennent de confirmer un incroyable basculement. Après deux vagues roses, la gauche dirige désormais, outre la Région, 16 des 20 villes de plus de 30 000 habitants et 4 des 8 départements. La gauche, toujours aussi inconsistante sur le plan national, est aux manettes localement. Elle sort de cette élection avec tous les leviers, et avec des leaders incontestés, relégitimés par les urnes. Symboliquement, Gérard Collomb sort renforcé de ces municipales par une victoire très personnelle, qui s'est jouée avant tout sur son nom. Jean-Jack Queyranne, lui, peut se targuer d'une victoire très collective. Il n'était pas candidat. Mais les batailles remportées par nombre de ses "poulains", des jeunes pousses qu'il a choisies comme vice-présidents à la Région, met aussi en lumière la réussite de son "modèle" régional. Jean-Jack Queyranne et Gérard Collomb ont sans doute devant eux une occasion historique de démultiplier les effets de leurs politiques, de démontrer l'efficacité à long terme d'un socialisme local, et ainsi de faire émerger des idées politiques d'envergure nationale.
Pour cela, il faudra sans doute qu'ils surmontent leur rivalité historique, en se disant que chacun bénéficie de la dynamique de l'autre. En attendant de voir ce qu'ils peuvent faire ensemble, chacun joue sa partie et entend compter au PS sur le plan national. Jusqu'ici, Queyranne, ancien ministre, semblait avoir un certain avantage. Mais après sa victoire au premier tour de Collomb a impressionné tous les caciques du PS. Et Collomb a profité de l'entre-deux tours pour tisser des contacts, avant de prononcer dimanche soir un discours empreint d'ambitions nationales, ce qui pour l'instant ne lui ressemblait guère (lire ci-contre). Le discours lui a valu des applaudissement enthousiastes de ses partisans, réunis à l'Hôtel de Ville. "Il ne se sent plus pisser" ont lâché quelques rabats-joie, qui témoignent de la difficulté de l'exercice pour Collomb : il a construit sa popularité et sa légitimité sur une démarche très lyonno-lyonnaise. Peut-il aujourd'hui s'en extraire sans se couper de ce terrain auquel il doit tout ? Il va en tout cas essayer. Et se voit déjà présenter sa propre motion, "une motion des villes", au prochain congrès du PS. Histoire "d'exporter le modèle lyonnais" auprès de jeunes maires socialistes qui cherchent peut-être des conseils pour réussir. Dans la Région, le maire de Grenoble Michel Destot (PS) semble prêt à lui emboîter le pas. Prudent, le maire de Saint-Etienne Maurice Vincent (PS) se tient à distance : "Pour les enjeux d'avenir du PS, j'ai des idées, elles sont complémentaires de celles de Queyranne et Collomb." Christiane Demontès (PS), nouvellement élue à Saint-Fons et "première fédérale", entend les réconcilier : "Je dis travaillons ensemble, élus et militants. Je souhaite que Queyranne et Collomb puissent s'impliquer, sans tirer la couverture, parce que le PS a besoin d'eux pour construire le socialisme du XXIe siècle, qui n'est pas seulement urbain : on a gagné des villes et des cantons ruraux !" En résumé : il n'y a pas que Collomb ! Mais il est incontournable.