Fifa : Blatter/Bin Hammam, de l’amitié à la trahison

Ils ont été si proches avant de devenir adversaires, une relation entre deux “fauves politiques” qui se sont servis l’un de l’autre. Pour bien comprendre la manière dont Sepp Blatter a réussi à garder la tête de la Fifa pendant dix-sept ans, la manière dont il s’est débarrassé de Bin Hammam offre un éclairage très particulier : comment le président de l’instance internationale a manipulé le Qatari afin de conserver le pouvoir.

En 1998, Sepp Blatter se présente pour la première fois à la présidence de la Fifa. Dans le cadre de sa campagne, l’ancien bras droit de João Havelange (président de la Fifa de 1974 à 1998) profite du soutien de Bin Hammam, effectue des voyages payés par son nouvel ami. Cette année-là, des soupçons de corruption apparaissent déjà, soupçons d’achat de certains votants africains notamment.

Quatre ans plus tard, en 2002, Blatter se représente mais, loin d’être favori, il va une nouvelle fois être aidé, et de quelle manière, par ce proche si utile en période de crise. La Fifa est secouée par des affaires de conflits d’intérêts mettant en cause son président et Blatter a un adversaire de poids, l’Africain Issa Hayatou, président de la Confédération africaine de football (CAF).

Selon les auteurs de The Ugly Game*, des journalistes d’investigation du Sunday Times qui reviennent dans ce livre sur les affaires de corruption autour de l’attribution du Mondial 2022, dans les heures qui ont précédé la réélection de Blatter en 2002 à Séoul, certains votants sont allés les uns après les autres dans la suite de… Mohammed Bin Hammam. Le Suisse sera réélu largement, 139 voix à 56.

En échange de son soutien, Blatter promet au Qatari d’en faire son successeur. Mais il ne tiendra jamais parole, trop attaché au pouvoir et aux privilèges d’un poste si prestigieux.

Platini impliqué, selon un journal anglais

L’information a été dévoilée par le Daily Telegraph en juin 2014, affirmant que le nom de Michel Platini serait mêlé à l’affaire de corruption dans l’attribution de la Coupe du monde 2022 au Qatar. Le quotidien anglais assure que le président de l’UEFA a rencontré en secret Mohammed Bin Hammam. Selon le site Internet du Telegraph, le petit-déjeuner entre Platini et “BH” aurait eu lieu un mois avant l’attribution de la Coupe du monde à l’émirat.

D’après des proches du milieu, au cœur des discussions : la course à la présidence de la Fifa en 2011, les deux hommes ayant un adversaire commun, Sepp Blatter, président en exercice. Conscient de ses limites, BH aurait proposé au Français de se présenter face au Suisse, mais l’ancien numéro 10 des Bleus déclinera.

Platini, qui était d’abord favorable à la candidature américaine pour la Coupe du monde 2022, ne soutenait pas vraiment le Qatar, en partie à cause de Bin Hammam, adversaire potentiel du Français pour la présidence de la Fifa, mais les deux hommes finiront par se rapprocher… Et Platini votera finalement pour le petit pays du Golfe.

Puis Alex Soosay

Mi-juin 2015, au tour du secrétaire général de la Confédération asiatique d’être impliqué. Le Malaisien Alex Soosay a fini par démissionner, un mois après sa suspension dans le cadre d’une enquête pour dissimulation de preuves. Une vidéo montrait un employé de la Confédération affirmant que Soosay lui avait demandé de “falsifier ou cacher” des documents relatifs aux paiements ordonnés par Bin Hammam. Après ces révélations, l’ancien milieu de terrain, qui a nié, a été suspendu.

BH a-t-il agi seul ? “Difficile à imaginer”

Par ailleurs, BH n’a pas souhaité collaborer à l’enquête de Michael Garcia, l’ex-directeur de la chambre d’instruction du comité d’éthique de la Fifa, chargé de faire la lumière sur les soupçons de corruption autour des attributions des mondiaux 2018 et 2022.

À l’arrivée, une question se pose : Bin Hammam a-t-il agi seul ou sur ordre de Doha ? Interrogé, le président d’une grande fédération européenne, au fait des petites combines et magouilles du milieu, a sa petite idée : “Difficile à dire, mais j’ai quand même du mal à l’imaginer agir sans en référer une seule seconde à ses supérieurs.”

Aujourd’hui, le Qatari a repris sa vie de promoteur immobilier. “Il était riche avant d’entrer dans le monde du football et il n’est pas vraiment dans le besoin”, souligne un proche de l’Émirati. “Le football, c’est fini pour lui, même s’il a gardé des relations avec des présidents de certaines fédérations en Asie, en Europe et en Afrique. Je ne vous donnerai pas de noms, cela pourrait être embêtant pour eux d’être associés à Bin Hammam”, conclut-il.

Suspendu à vie par la Fifa mais jamais condamné par la justice civile, le Tribunal arbitral du sport annulant sa suspension, faute de “charges suffisantes”, Mohammed Bin Hammam se terre désormais dans le silence. BH, le patriote “corrupteur” au service de son pays et qui n’en finit plus de faire parler.

* Heidi Blake et Jonathan Calvert, The Ugly Game – How Qatari plot to buy the World Cup, éd. Simon & Schuster, avril 2015.

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