Grenier, la grande et tortueuse ascension

PORTRAIT - Clément Grenier était attendu au sommet. Bourré de talent, professionnel depuis plus de trois ans, “Clem” explose enfin, en ce début de saison. Après des années de travail et des remises en question salvatrices. (Article paru dans le magazine Lyon Capitale du mois de novembre 2011).

31 août 2011. C’est l’effervescence à Tola-Vologe. “Miré” Pjanic est en partance pour l’Italie, Yoann Gourcuff et Ederson squattent l’infirmerie. L’OL est orphelin de meneurs de jeu. Le grand public, les supporters, s’inquiètent. Pas Jean-Michel Aulas. Du moins devant la caméra. Le président lyonnais répète à l’envi son désir de s’appuyer sur les pépites de son centre de formation. Sur ses jeunes. Et surtout l’un des meilleurs d’entre eux, Clément Grenier. Une très bonne pioche, auteur d’un début de saison remarquable, à tel point qu’il s’est imposé comme un véritable titulaire en puissance. Pourtant, l’Ardéchois revient de loin. Talent précoce, professionnel à 17 ans, champion d’Europe des moins de 19 ans, il s’était perdu en route, dépassé par sa nouvelle vie, son nouveau statut.

Son père revient sur ces moments difficiles : “Il a tout de suite gagné beaucoup d’argent. Il n’était pas prêt. Il est devenu, entre parenthèses, un petit con. Ça a duré six mois. On l’a recadré. Il ne venait plus beaucoup chez nous. Heureusement, on a vite retrouvé notre Clément.” Le principal intéressé acquiesce, tout en s’exprimant posément et totalement librement : “Je me suis perdu, je croyais que j’allais réussir rapidement. Alors qu’à 17 ans – il ne faut pas se voiler la face – je n’avais pas du tout le niveau pour évoluer en pro.” Rémi Garde, pour avoir dirigé le centre de formation, le connaît parfaitement. Le coach de l’OL abonde dans ce sens : “Il a traversé des périodes un peu difficiles. Il a su les analyser, ne pas rejeter la faute sur les autres, faire son autocritique et en tirer profit.” Au grand bonheur de l’OL, où il vient de prolonger jusqu’en 2014 “pour continuer longtemps l’aventure avec mon club formateur”, un club qui souhaite ardemment le conserver. Flashback.

Dodo chez Enzo

À 3 ans et demi, l’Ardéchois touche ses premiers ballons au FC Annonay avec son frère Bertrand, de deux ans son aîné. Très vite, le futur numéro 7 de l’OL est au-dessus des autres. Chapeauté par sa mère, Annie, généreuse et toujours aux petits soins, son père et un entraîneur qui l’a beaucoup marqué – Jacky Reynaud, ancien joueur de Ligue 2 –, Clément va s’attirer la convoitise de l’OL, impatient de s’attacher ses services. À 9 ans, puis à 10, le petit milieu offensif est dragué par Lyon. Sans succès. Michel Grenier refuse de laisser partir son fils, trop jeune. À la troisième tentative lyonnaise – Clément a alors 11 ans –, il cède, conseillé par Jacky Reynaud : “T’as déjà refusé deux fois, si tu refuses encore, l’OL ne reviendra peut-être plus…”

Clément migre donc à Lyon, et partage ses journées entre l’internat au collège Saint-Louis Saint-Bruno et les entraînements à la plaine des jeux de Gerland. Loin de sa famille. Il s’accroche, non sans mal. À 13 ans, à la réunion de fin d’année avec les éducateurs, Clément accuse le coup : “Il a dit spontanément : J’arrête tout, je ne veux pas retourner à l’internat”, se rappelle son père. Finalement, “Clem” trouve refuge chez un de ses partenaires, Enzo Reale, aujourd’hui professionnel à l’OL lui aussi, qui brille actuellement en prêt à Boulogne-sur-Mer (Ligue 2). Christine Reale, la mère d’Enzo, se souvient : “Il était comme mon sixième fils (les Reale ont cinq garçons). Il ne voulait même plus rentrer chez lui le week-end. Je lui faisais des lasagnes et sa mère des légumes (rires).” Un souvenir partagé pleinement par Clément : “Ç’a été une année formidable. C’est aussi grâce à eux que j’en suis là aujourd’hui.”

Garde : “Clément aura toujours un effort à faire”

Petit à petit, le natif d’Annonay pointe le bout de son nez. En “16 ans nationaux”, il perce en tant qu’ailier droit, sous la houlette d’Armand Garrido : “Armand m’a fait passer des paliers. Il m’a beaucoup apporté. Au début, je me braquais, car les coachs étaient toujours derrière moi. Mais il fallait être derrière moi et me pousser.” À 17 ans et demi, Clément signe son premier contrat professionnel : “Soit je restais à l’OL, soit je partais à l’étranger. L’OL m’a fait signer car d’autres clubs étaient sur moi”, souffle-t-il. Un aboutissement ? Un rêve ? Non, le début des ennuis. Et de la période compliquée.

Aujourd’hui beaucoup plus libéré, il peine toutefois à se défaire d’une image qui lui colle à la peau, celle d’un garçon un peu hautain, difficilement analysable. “J’en ai conscience. C’est peut-être mon style de jeu qui fait que je suis assez nonchalant. Les gens ont l’impression soit que j’ai la grosse tête, soit que je joue la facilité.” Rémi Garde, son entraîneur à Lyon, le confirme : “Clément aura toujours un effort à faire. Les gens sont exigeants avec lui car il a du potentiel et une allure qui peut parfois être jugée comme prétentieuse. Il sera toujours comme ça. Il sait que, pour combattre ça, il doit faire preuve d’humilité et de travail.”

Un avenir doré ?

Dans la vie “civile”, Clément est adepte de loisirs simples : sorties familiales ou amicales, shopping. Sur le terrain, replacé parfois milieu défensif en CFA par Bruno Genesio, Clément progresse, incontestablement. Il devient plus agressif dans les duels, son talon d’Achille d’antan. Car sinon, le meneur de jeu lyonnais – le poste où il exprime le mieux ses capacités – voit le jeu avant les autres. Et, petit à petit, il se fait une place de choix dans l’effectif rhodanien. À force de travail. Depuis début septembre, l’Ardéchois a pris une autre dimension. Gourcuff et Ederson blessés, il a su saisir sa chance.

Très vite, il a surpris de nombreux observateurs. Par sa justesse de jeu. Par sa classe. À commencer par certains de ses coéquipiers, tel Michel Bastos : “C’est un jeune joueur avec énormément de qualités. Il a une technique extraordinaire. Il est en avance par rapport aux autres. C’est un joueur qui va énormément apporter dans le futur à Lyon.” Mais le plus bel hommage vient sans doute de son coach actuel : “Il peut encore beaucoup progresser. Il est capable de faire jouer les autres. Il met en valeur le collectif et, petit à petit, de plus en plus, il va encore plus se mettre en valeur.”

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