LIGUE DES CHAMPIONS - Lyon est décidément maudite lors des tirages au sort des 8èmes de finale de la Ligue des Champions. Après Manchester et le Barça ces deux dernières saisons, les Lyonnais ont hérité du Real Madrid cette année. Un club mythique qui a recruté deux ballons d’or cet été et dispose de la plus grande densité de talents au m2 de la planète foot. Lyon est-il capable de réaliser l’exploit ? Lyon Capitale a demandé l’avis d’un collège d’experts. Réponses.
Le jour du tirage au sort des huitièmes de finale de la Ligue des Champions, Jean-Michel Aulas s’est lancé dans un exercice de communication positive dont il a le secret. “C’est un privilège de jouer le Real Madrid”, avait déclaré le président de l’Olympique Lyonnais. Le 10 mars, au soir du match retour, Jean-Michel Aulas pourrait bien regretter que les privilèges n’aient pas été abolis dans le monde du football. Depuis que le Real est redevenu galactique cet été, les madrilènes apparaissent injouables. Au moins sur le papier.
Cinq raisons d’y croire
1. Le groupe est de nouveau au complet
Tout n’est pas à jeter à Lyon mais à huiler. En répétant ses gammes, en installant une équipe type, l’OL peut renouer avec le fil de son jeu estival basé sur la circulation du ballon et une animation offensive digne d’un prétendant au quart de finale de la Ligue des Champions. Les hommes qui avaient enflammé Gerland en août sont enfin tous aptes à jouer. “Cet été, on sentait dans leur jeu une vraie maîtrise collective. Ils ont les joueurs pour avec Toulalan, Källström, Lisandro ou Gomis. Pjanic a un super coup d’œil mais il est jeune. Il essaie encore de démontrer des choses alors qu’il doit penser à jouer pour son équipe. S’il y arrive, Lyon a un vrai coup à jouer”, estime Raynald Denoueix, ancien entraîneur de la Real Sociedad (championnat espagnol) et commentateur pour Canal + les soirs de Ligue des Champions. “Lyon a toujours les facultés pour mettre à mal une équipe comme le Real, c’est juste qu’aujourd’hui on les voit moins. Je les trouve en progrès”, estime Guy Roux. L’arrivée de Dejan Lovren lors du mercato hivernal pourrait changer la donne. S’il a le temps de se créer des automatismes, il évitera à la défense centrale de transformer la double confrontation avec le Real Madrid en un long chemin de croix.
2. Le Real n’est toujours pas une équipe
Sur n’importe quel jeu de football sur console, le Real est la meilleure équipe du monde. Sur un terrain, un vrai, la juxtaposition de ballons d’or ne se révèle pas être une science exacte. “Le Real n’est pas une équipe épanouie. Ils ne sont pas équilibrés du tout”, plaide Guy Roux. Depuis le début de saison, Manuel Pellegrini, l’entraîneur madrilène a tout expérimenté 4-4-2, 4-2-3-1, 4-2-4, etc... Rien à faire la mayonnaise ne prend pas totalement. Ou du moins pas avec toutes les stars. “Ils n’ont pas de projet de jeu. Depuis le début de la saison, ils ont joué de 100 façons différentes. Dès que Pellegrini change un joueur, tout est remis en question. Du coup, ils sont nerveux et leur jeu devient trop direct. En Liga, le Real est l’équipe qui tire le plus au but mais pas celle qui marque le plus. Kaka est bon, il a une belle gueule mais il est très égoïste. Son équipe n’a pas besoin de cela, il doit faire tourner le ballon”, soutient Javier Gomez, journaliste espagnol et consultant sur Canal + à l’Équipe du Dimanche. “Aucun joueur ne se dévoue pour les autres. Ils sont trop concurrents”, estime Raynald Denoueix.
3. Jouer la carte des ailes
À Madrid, le poste d’ailier n’est pas à la mode. Ça tombe bien le coach n’est pas fan de ce poste. Donc le Real n’aligne aucun joueur de côté hormis ses latéraux. Lyon devra donc profiter de ce vide pour mettre en danger les espagnols. En phase de poule, le marseillais Mamadou Niang les avait mis au supplice en récitant son petit précis du débordement sur l’aile. Sergio Ramos le latéral droit bondissant de Madrid passe la moitié du match dans le camp adverse laissant son couloir en jachère. Offensivement, l’OL devra concentrer ses efforts sur la droite de la défense madrilène. Avec Bastos ou Lisandro Lopez, les Lyonnais peuvent torturer les Merengues.
4. Lyon a les joueurs pour casser le Real
Les supporters s’exaspèrent depuis le début de saison : pourquoi faire jouer côte à côte Makoun et Toulalan. Il est reproché aux deux milieux d’évoluer sur le même registre. Contre le Real Madrid, leur association pourrait enfin être judicieuse. Lyon devra gagner la bataille de l’axe. “Le Real n’a pas de joueurs de couloirs ou alors ils finissent tous par repiquer dans l’axe. Si Lyon arrive à bloquer cette zone du terrain, ils auront une chance. Bilbao et Osasuna les ont battus de cette manière en janvier. Il faut créer un bouchon dans l’axe”, dévoile Javier Gomez. Les joueurs madrilènes s’entassent dans l’axe, gagner cette bataille, c’est amoindrir la capacité de nuisance. Avec Toulalan, Makoun ou même Gonalons, Lyon a en stock la capacité de le faire. Pour battre le Real Madrid, l’inspiration tactique sera plus à piocher chez les inventeurs du catenaccio (le cadenas italien) que du "tiki-taka" (le jeu à une touche de balle) barcelonais. “Ils n’ont que des milieux et des attaquants axiaux. Les lyonnais savent déjà où ils devront défendre”, conclut Raynald Denoueix.
5. Se rappeler l’OM
Lyon, malgré un début de saison décevant, peut raisonnablement espérer être au niveau de l’OM. Sur les deux matches de la phase de poules, les Marseillais ont pris un joli bouillon contre le Real (score cumulé de 6 à 1 dont quatre buts de Ronaldo) mais le déroulé des deux rencontres avait laissé des regrets à Didier Deschamps. À l’aller, à Santiago Bernabeu, les Marseillais étaient dans le match jusqu’à l’exclusion de Souleymane Diawara. Au retour au Vélodrome, sans un penalty raté et une fin de match catastrophique, ils auraient pu arracher un nul de prestige. Un club français peut donc se hisser par intermittence au niveau de l’ogre espagnol. À l’OL d’être plus constant que l’OM.
Cinq raisons d’avoir peur
1. Cristiano Ronaldo
93 millions d’euros pour un footballeur ! Le chiffre fait rêver ou courrouce les pourfendeurs du foot business. Au delà des considérations économiques, Cristiano Ronaldo est le co-meilleur joueur du monde, avec Messi. Demandez aux Marseillais qui ont passé le match retour à essayer de l’arrêter. Sans résultats. Le bellâtre portugais leur a claqué deux pions. Il est l’actuel meilleur buteur de la Ligue des Champions avec six buts en quatre matches (dont un où il n’a joué que vingt minutes). Il est le seul galactique du club à assumer son statut. “Il est le plus régulier et quoi qu’il arrive, on sait qu’il peut marquer”, s’amuse Pablo Polo. “Il y a quelque chose de spécial entre Ronaldo et la Ligue des Champions. C’est là où il est le meilleur et où il marque le plus”, pointe Javier Gomez. Pas très rassurant pour l’OL.
2. Lyon ne fait plus peur
Les dix qualifications consécutives de l’OL pour les huitièmes de finale de la Ligue des Champions n’impressionnent guère. Surtout un club qui a gagné neuf fois la plus prestigieuse des compétitions. “Les joueurs ne voient plus Lyon comme l’équipe qui les a battus il y a quelques années celle des Essien et du grand Juninho. Et puis le Real d’aujourd’hui est plus fort. Pour eux, ce huitième de finale est un point de passage vers la finale”, soutient Pablo Polo, journaliste au quotidien sportif de référence, Marca. Et la finale se jouera dans leur stade. Les Madrilènes sont plus motivés que jamais.
3. Le retour à Bernabeu
Lyon, en terminant deuxième de son groupe dans la phase de poule, a hérité d’un double handicap : un grand d’Europe et un match retour à l’extérieur. Batailler pour la qualification loin de ses bases ne constitue pas en soi un obstacle infranchissable pour Lyon. Sauf peut-être à Madrid. “À Bernabeu, ils auront la "niaque" et même s’ils ne jouent pas très bien, leurs individualités seront là. À domicile, ils s’en sortent toujours”, analyse Raynald Denoueix. Les chiffres donnent raison à l’ancien coach nantais : cette saison le Real n’a perdu qu’une fois à la maison.
4. Des individualités pétries de talents
Le Real compte dans ses rangs des joueurs capables de dynamiter n’importe quelle défense. Petite liste : Kaka ballon d’or, Higuain le meilleur buteur du club, Van der Vaart pur produit de l’école hollandaise, Marcelo le dribbleur fou, Xabi Alonso le distributeur de caviar, Ramos le latéral buteur, Iker Casillas le saint des arrêts décisifs, Lassana Diarra le ratisseur de ballons et puis notre Karim Benzema national. Sur chaque prise de balle, ces joueurs créent du danger par leur technique et leur vitesse. La charnière centrale lyonnaise a montré ses limites en termes de mobilité et de vivacité. Le pire est à craindre.
5. Ne jamais être mené au score
Le Real galère pour construire le jeu mais en contre-attaque les Madrilènes constituent sûrement la meilleure attaque du monde. Avec Cristiano Ronaldo, Kaka, Marcelo ou encore Benzema, chaque situation de contre fera planer le danger sur les cages de Lloris. En obligeant le Real à poser le jeu, les Lyonnais multiplieront leurs chances de réussite. S’ils sont menés au score et qu’ils sont dans l’obligation de se livrer, ils peuvent alors s’exposer à une avalanche de buts.
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