PORTRAIT - Philippe Sauze a quitté en juillet dernier, son poste de vice-président d’Electronics Arts pour rejoindre l’Olympique Lyonnais en qualité de directeur général. Portrait de celui qui souhaite apporter du “fun” au club lyonnais.
Parcours atypique que celui de Philippe Sauze. Le nouveau DG de l’OL n’aurait jamais imaginé un jour travailler pour un club de foot. Encore moins pour l’un des plus grands clubs français. Titulaire d’un BTS commerce international, Philippe Sauze fait ses classes chez Pernod Ricard et rejoint en 1989, le géant américain Reebok en qualité de chef des ventes. Une expérience qu’il qualifie “d’extrêmement enrichissante”. À cette époque, il fait la connaissance de nombreux sportifs de haut-niveau dont John McEnroe, Marie-José Perec ou encore Shaquille O’Neal.
Après une furtive collaboration avec Gilles Moretton au sein de la société GMO, spécialisée dans l’organisation d’événements sportifs dont le feu GPTL, il est nommé en 1995, directeur général Europe du Sud de l’éditeur de jeux vidéo Electronic Arts. C’est à cette époque, qu’il croise la route de Jean-Michel Aulas, alors PDG de la Cegid dont une partie des locaux est louée à Electronics Arts. Une proximité géographique qui va rapprocher les deux hommes. “Je ne connaissais Jean-Michel Aulas qu’à travers les médias. Au fil de nos rencontres, j’ai découvert un véritable capitaine d’industrie donnant envie de collaborer avec lui", confie-t-il.
“Il faut du fun !”
À Electronics Arts, Sauze réussit rapidement à se faire un nom. Toutefois, dans le monde vidéoludique, son franc-parler lui crée quelques inimitiés. En faisant le choix de “mass-market” (grand public), il se met à dos de nombreux joueurs passionnés, lui reprochant de simplifier les jeux vidéo à des fins mercantiles. Sauze assume la politique commerciale d’Electronics Arts, mais en homme de consensus, il finit dans les années 2000 par tendre la main aux initiés. C’est l’image qu’il va nous renvoyer tout au long de cette entrevue. Celle d’un homme, excellent orateur, affirmant haut et fort ses convictions, tout en sachant être un fin stratège. Quitte parfois à en faire un peu trop. En juillet dernier, après quinze années de bons et loyaux services, Philippe Sauze quitte l’entreprise américaine pour OL Groupe. “Je tiens à préciser, que contrairement à ce qui a été écrit dans les médias, je n’ai pas succédé à Marino Faccioli (qui a quitté l’OL pour devenir directeur administratif de l’équipe de France, NDLR) mais qu’il était prévu que je rejoigne l’OL, même si Marino avait gardé son poste.”
“Je ne suis pas un intime de Gérard Collomb”
Lorsqu’on lui parle de ses rapports privilégiés avec Gérard Collomb - ils sont nombreux à prétendre qu’il a eu son poste à l’OL grâce au maire de Lyon -, il fait mine d’être surpris. Puis s’en sort par une pirouette. “J’apprécie l’homme puisque je l’ai connu lorsqu’il était maire du 9ème arrondissement. Mais je ne suis pas un intime de Gérard Collomb”. Et d’ajouter un brin agacé : “je n’ai pas pour habitude d’afficher mes idées politiques.” En tout cas, la relation Sauze-Collomb fait beaucoup jaser dans le microcosme politico-médiatique. Il faut dire que l’épouse du principal intéressé Karine Dognin-Sauze (Socialiste apparentée) est vice-présidente du Grand Lyon, chargée de l’Innovation et nouvelles technologies d’information et de communication (NTIC). “Karine est une femme complètement indépendante. Comme vous l’avez écrit dans votre enquête sur les conflits d’intérêts (Lyon Capitale du mois de septembre), il n’y a aucun lien entre ses missions au Grand Lyon et mon poste à l’OL. Elle n’intervient pas dans le dossier du Grand stade", justifie-t-il.
Lors de son intronisation à l’OL, il se met tous les salariés du club dans la poche en prônant par exemple le tutoiement. “Il faut mettre en place des méthodes de management modernes, avec des notions de décloisonnement. En somme, il faut du fun !”, lâche-t-il tout sourire. Après quelques mois à l’OL, il se dit surpris par la surmédiatisation du football et de l’Olympique Lyonnais en particulier. “L’OL est un club très exposé. J’ai été surpris par le contraste de ce qu’on vit à l’intérieur et ce qui est véhiculé à l’extérieur. La moindre petite chose devient une affaire d’État. Que les médias soient critiques c’est une chose. Mais par moment, je trouve que ça va trop loin", regrette-t-il.
Commercialiser la marque Yoann Gourcuff
Le natif de Saint-Étienne, “j’en étais sûr que vous alliez me parler de mes origines stéphanoises. Mais vous savez, cela fait plus de vingt-ans que je réside à Lyon. Je suis très attaché à cette ville”, - a connu son premier fait d’arme à l’OL lors de l’arrivée de Yoann Gourcuff en organisant une présentation publique au stade de Gerland devant plus de 15 000 personnes. “De voir autant de monde, j’ai vécu un de mes premiers grands moments à l’OL. Un bonheur intense.” La venue de Yoann Gourcuff conforte la volonté de l’OL de concilier football et business. Ce qu’assume parfaitement Philippe Sauze tout en précisant que c’est avant tout le sportif qui guide le reste et pas l’inverse. “Je ne sais pas s’il faut avoir des complexes par rapport à ça. L’OL, c’est un club de football mais c’est également une entreprise. Le foot business est une réalité. Nous allons commercialiser la marque Yoann Gourcuff. Il y aura une gamme de parfums, de montres à son nom, etc.”
L’OL souhaite se développer tout en n’oubliant pas l’historique du club. Philippe Sauze reconnaît notamment que le club rhodanien a “commis une erreur” à l’intersaison en optant pour des maillots ne respectant pas les couleurs de la ville. “De voir évoluer les joueurs avec un maillot de couleur grenat, m’a particulièrement choqué !” Pour les saisons futures, le club a incité Adidas, l’équipementier officiel de l’OL, à respecter les couleurs du club. “Sur les trois maillots, deux respecteront parfaitement nos couleurs. Il y aura un maillot dit “plus fun” mais pas plus”, annonce-t-il. On l’aura compris, Philippe Sauze compte bel et bien marquer de son empreinte l’Olympique Lyonnais.