L’application Optymod est déjà disponible en version Android sur la boutique en ligne Google Play en version test. Ce navigateur GPS multimodal est capable de prédire le trafic à Lyon jusqu’à une heure à l’avance afin en théorie de favoriser le report modal. En pratique, elle rate ses objectifs.
Le navigateur intelligent Optymod, censé arriver officiellement en juin, est déjà disponible en version test sur le Google Play (à télécharger ici). Pendant plusieurs semaines, nous avons testé cette application censée révolutionner la vie des Lyonnais, annoncée depuis plus de deux ans. Gilles Vesco, conseiller délégué en charge de la mobilité intelligente à la métropole de Lyon, avait vendu Optymod en expliquant qu’il s’agissait du “Minority Report” de l’info trafic. Une appellation juste, en théorie, puisque le navigateur GPS multimodal pour smartphone peut donner le trafic en temps réel et prédire la circulation en ville une heure à l’avance. Développée par CityWay pour la métropole de Lyon, Optymod se base sur 20 millions de données quotidiennes, recoupées pour donner les meilleurs itinéraire et mode de transport en fonction du contexte présent, mais aussi à venir. Le système conseille alors quel type de transport choisir entre le bus, la marche, le vélo et la voiture pour arriver le plus vite possible et au moindre coût à destination. Toujours en théorie, Optymod doit favoriser le report vers les modes de transport plus “propres” et partagés. En pratique, le constat est différent.
Un premier effet “waouh”
Lors des premières utilisations, Optymod est bien impressionnant. Le système est effectivement capable de prédire le trafic. Il est aussi possible de trouver en un seul clic les horaires de train, bus, avion, le nombre de Vélo’v disponibles, les stations situées à proximité. Un court questionnaire permet de donner ses préférences en matière de transport (auto, vélo ou marche à pied) et d'être toujours bien conseillé. Optymod donne le sentiment d’avoir tous les modes de la ville à portée de pouce et de pouvoir gagner du temps dans ses déplacements. La chute est aussi rapide que l’effet est grisant : l’utilisateur découvrira qu’Optymod a tendance à faire gagner la voiture dans son comparatif. Ce dernier semble biaisé. Quand il faut marcher ou attendre pour monter dans un bus, Optymod laisse sous-entendre que la voiture peut être prise au pied du lit pour aller jusqu’à la porte de son bureau : pas de problème de stationnement, ni de distance à parcourir pour rejoindre son véhicule.
L’application qui donne envie (à tort) d'acheter une voiture
Pour ne pas pousser ses utilisateurs à se déplacer uniquement en voiture, Optymod ne la donne pas en premier type de trajet et indique une estimation du prix. Là encore, ce dernier est biaisé car il semble très éloigné du coût réel d’une voiture en ville (achat, entretien, stationnement et essence). On aurait aimé une approche inverse, où l’utilisateur découvrirait tous les mois combien il a économisé en prenant les transports en commun, un vélo ou en marchant. De son côté, Gilles Vesco tempère, à deux mois du lancement officiel, cette domination de la voiture : “CityWay doit encore affiner les temps et les coûts réels de l’utilisation de la voiture, qui ont été traités de manière un peu trop théorique, voire idéale, et ne correspondent pas assez à la réalité. C’est le but du Beta-test. En outre, cet assistant personnel de navigation sera constamment améliorable au vu des retours d’usage.”En attendant, les faits sont là. Optymod, qui devait favoriser le report modal et décourager le tout-voiture, donne surtout envie d’aller dans une concession et d’acheter un véhicule. Un peu de bon sens permettra de ne pas croire l’application. D’autres défauts l’empêchent de convaincre totalement.
Quand le système échoue le jour où l’on a le plus besoin de lui
Lundi 30 mars, Lyon est paralysé. La circulation est saturée suite à un accident de camion qui s’est renversé à hauteur de la sortie 39C de l’échangeur de Perrache (lire ici). Il faut jusqu’à trois heures pour quitter la ville, contre une trentaine de minutes en temps normal. Alors qu’on aurait pu penser que le système Optymod trouve tout son intérêt dans cette situation, il n’en fut rien. Selon nos propres constatations, le navigateur n’a pas modifié la durée théorique des trajets possibles en fonction du contexte. Ainsi, pour Optymod, il ne fallait que 34 minutes pour réaliser un parcours entre Bellecour et Saint-Genis-Laval, alors qu’en réalité ce trajet pouvait durer cet après-midi-là deux heures et demie, voire plus. Le navigateur indiquait bien des perturbations, mais n’a pas conseillé d’itinéraires bis, devant sans doute estimer que ces perturbations étaient minimes. De son côté, Google Now, qui permet entre autres de prévenir son utilisateur en cas de perturbation entre son lieu travail et son domicile, a bien indiqué la perturbation et pondéré correctement la durée théorique du trajet. Ce lundi 30 mars, Optymod a donc échoué lamentablement au moment même où il devait prouver toute son utilité. Il est normal que le système n’ait pas réussi à prévoir un accident exceptionnel comme celui-là. En revanche, sa non-prise en compte réelle par la suite, alors qu’il a eu un impact durable sur le trafic, est incompréhensible.
Une application qui n’est pas pensée en matière d’usage
Si Optymod s’appuie sur une technologie révolutionnaire, inédite en France, l’application est encore loin d’être un modèle d’intuitivité et d’usage. Par exemple, elle est incapable d’apprendre les habitudes de son utilisateur, ne fonctionne qu’à la demande et peut retenir un seul trajet. Contrairement à ce que propose Google avec son info trafic, Optymod n’est pas en mesure de recouper les informations sur son utilisateur et de lui conseiller par exemple de partir plus tôt pour ne pas être en retard à une réunion. D’un côté, on appréciera le fait de ne pas être “fliqué”, de l’autre on se rend compte que, quand ce n’est pas le cas, la technologie est tout de suite moins impressionnante. Un équilibre est peut-être possible, pourquoi ne pas indiquer à Optymod ses rendez-vous à l’avance ou ses habitudes ? Parallèlement et au-delà de ce manque de recoupement entre les données publiques et la vie privée de l’utilisateur, on se rend vite compte que l’application n’est pas très pratique à utiliser. L’interface reste brouillonne, tout comme l’expérience de navigation, à mille lieues d’applications comme Google Maps, Nokia Here ou un bon vieux GPS Tom Tom.
Un potentiel à exploiter
Arrive ce qu’il y a de pire pour une application service : il faut parfois se faire violence pour l’utiliser. Pour tout dire, s’il n’avait pas fallu la tester, elle se serait sans doute retrouvée désinstallée ou oubliée. En un sens, l’application est paradoxalement trop sobre et trop complexe et elle pourrait perdre les non-technophiles. Il manque clairement toute une couche de “design” permettant une utilisation simplifiée, avec un minimum d’opérations à faire pour obtenir l’information souhaitée le plus vite possible. Un environnement avec plus d’automatismes aurait aussi été le bienvenu, tout comme une « gamification » des déplacements. Avec cette tendance, popularisée par les capteurs d'activités, tout est prétexte au jeu. S'il le voulait, Optymod pourrait indiquer l'argent économisé en refusant de prendre sa voiture, mais aussi la quantité de calories dépensées en choisissant la marche ou Vélo'V, le nombre de pages d'un roman qu'il est possible de lire si l'on prend le bus... Les possibilités sont infinies, dans un monde où il faut parfois motiver les utilisateurs, ce que ne fait pas le navigateur. Au final, Optymod est l’exemple même de l’application révolutionnaire qui rate ses objectifs à cause de son incapacité à être pensée en matière d’usage simple et efficace. Le potentiel est là, il ne faut pas le gâcher.
Optymod, disponible en version test sur Android, à télécharger ici. Des versions Windows Phone et iOS pour iPhone arriveront plus tard.