Mercredi 6 janvier est célébrée l'Epiphanie, fête chrétienne qui commémore la visite des Mages venus d'Orient adorer Jésus. C'est aussi le jour de la galette des rois.
Quelle est l’origine de la fête de la galette des rois ? Que signifie-t-elle ? Éclairage de l’historienne Nadine Cretin, auteur de "Fêtes de table et traditions alimentaires" (éditions Le Pérégrinateur).
Les menus des repas ou les pâtisseries traditionnelles, comme la galette des rois, ont "toujours" accompagné les fêtes familiales ou villageoises, du berceau à la tombe. Après Noël et le réveillon du jour de l’An, en ce début d’année, la tradition veut que l’on célèbre l’Épiphanie en tirant les rois, chaque 6 janvier ou le dimanche qui suit le 1er janvier.
Quelle est l'origine de la fête de la galette des Rois ?
La première attestation remonte à la fin du Moyen-Âge : le partage de la galette est en effet attesté en 1311 dans une charte de Robert de Fouilloy, évêque d'Amiens. Il est alors question d'un gâteau feuillé, c'est-à-dire sans fourrage, dans lequel est enfermée une fève, le légume. Mais il s'agit d'une attestation tardive de Legrand d'Aussy, un historien qui a vécu cinq siècles plus tard. L'origine de cette pratique pourrait remonter bien plus tôt dans l'histoire, à l'Antiquité, car elle n'est pas sans rappeler les Saturnales romaines, beaucoup moins outrancières que le seul mot le laisse entendre aujourd’hui. Je ne dis pas qu'il y a une filiation directe entre les Saturnales et la galette des rois qu'on connaît car il y a quand même mille ans sans attestation mais ça ressemble. Les Saturnales étaient de grandes réjouissances populaires qui se déroulaient autour du solstice d'hiver. Il s'agissait de grands banquets domestiques qui ressemblaient à nos réveillons, où l'on mangeait très copieusement. Il était alors de coutume d'élire un roi de fantaisie, tiré aux dés ou aux osselets, et à qui l'on devait obéir pendant ces fêtes, sous forme de gages. Il n'y avait pas de fèves dans le gâteau.
À quand remonte la fève ?
Au XVe siècle, dans Les heures d'Adélaïde de Savoie*, une illustration représente déjà l'enfant qui va sous la table et à qui on pose la question, dans une petite banderole, à qui est destinée la fève. La fève dans le gâteau est donc attestée à cette période précise, de même que dans un manuscrit du Mont-Saint-Michel de la même époque.
* un livre d'heures est livre liturgique destiné aux fidèles catholiques laïcs, qui rend accessible certains éléments du bréviaire utilisé par les prêtres. Tous les livres d'heures sont composés selon un même schéma, qui souffre cependant des exceptions. Les livres d'heures commencent par un calendrier rédigé exclusivement en fonction des fêtes religieuses et des saints. Suivent deux longues prières. Puis viennent des extraits des Évangiles racontant des épisodes importants de la vie du Christ. Le tout illustré d'enluminures.
De quoi la fève est le symbole ?
La fève symbolise la fécondité, comme l'oeuf avec son embryon. La fève qui, comme l’œuf, porte en elle-même son embryon, devint très tôt symbole de vie. C'est par sa pourriture que va renaître un autre fève. Déjà chez les Grecs, les Pythagoriciens, au VIe siècle avant Jésus-Christ, la fève était un procédé pour l'élection des magistrats : selon que la fève était blanche ou noire, on était élu. Assez tôt, la fève était donc porteuse d'un sens plutôt positif. Les fèves en porcelaine sont apparues au 19e siècle, en Saxe pour une raison toute simple : la tradition voulant que celui qui trouve la fève offre le pot à l'assemblée, certains avares auraient avalé la fève pour éviter la dépense. L'idée de la fève en porcelaine remonte aux années 1875. Elles représentaient le chiffre 13 , un trèfle à quatre feuilles, une couronne, des symboles de richesse comme de petites voitures ou un petit bébé emmaillotés, d'ailleurs très vite assimilés au petit Jésus.
Ce qui explique qu'on a toujours associé l'Épiphanie à la galette des rois ?
Oui. L'Épiphanie se trouve dans l'évangile de Matthieu. L’origine de l’Épiphanie est très ancienne, encore plus ancienne que Noël. On trouve trace de cette fête célébrée dès les années 150 en Orient. Son origine est religieuse puisqu’on célèbre ce jour-là la "manifestation du Christ" dans le monde. L'évangile Saint Matthieu rapporte que des mages venus d'Orient, guidés par une étoile, sont venus offrir à Jésus de l'or, de l'encens et de la myrrhe, trois cadeaux précieux. On a vite conclu qu'ils étaient trois que la tradition appela Gaspard, Melchior et Balthazar. On les a fait rois rapidement car c'était des personnages puissants étant donné qu'ils étaient riches. On a donc dit les rois mages mais dans l'Evangile de Matthieu, il est question de mages, pas de rois.
La galette des rois n'a donc rien avoir avec la religion...
Effectivement, le partage de la galette n'a rien à voir avec la religion. Au moment du solstice d'hiver, ce qui compte, ce sont des grands repas ou l'abondance promet l'abondance. La galette des rois n'est ni plus ni moins qu'une célébration autour du solstice d'hiver.
Premier dimanche de l'année ou le 6 janvier ?
D'habitude, c'était le 6 janvier mais depuis le concile Vatican II (1962-1965), l'Eglise a décidé que l'Épiphanie serait célébrée le premier dimanche suivant le 1er janvier (si le 1er janvier tombe un dimanche, l'Epiphanie a alors lieu le dimanche d'après).
La galette des rois est une fête nationale dont les spécialités sont régionales...
Galette tire son nom de "galet", la pierre plate qu'on trouve au bord des rivières. Donc, en principe, c’est une galette plate. Mais il y a, dans les faits, deux sortes de galettes : la couronne briochée aux fruits confits au Sud et la galette fourrée de frangipane ou de compote plus au Nord. À Lyon, vous êtes à la limite car on commence à trouver des couronnes briochées.