C’est Jean-Luc Chavent, conteur de rues sur TLM et de loin le moustachu le plus connu de la place lyonnaise, qui s’y colle.
“Il ne faut pas tant regarder ce que l’on mange que celui avec lequel on mange” (Epicure)
“Nom de Dieu, qu’est-ce que c’est que ce guet-apens ! ? Je vous préviens tout de suite, je ne serai pas un bon client, je ne sais pas cuisiner”. Jean-Luc Chavent ne nous refuse rien. Ou presque. On pourrait lui demander de nous décrocher la lune qu’ il partirait avec son sac à dos et sa torche voir de quoi il en retourne. Est-ce l’admiration pléthorique récemment publique que je porte à ses moustaches ? En tous cas, le jour de notre rendez-vous, l’homme-qui-raconte-Lyon-plus-vite-que-son-ombre a avoué ne pas avoir dormi de toute la nuit. Cauchemars à pattes et insomnies frugales au menu. Sur le marché Saint-Antoine (2e), la journée commence par un annonciateur : “comment on fait cuire un poulet ?”. Les dés sont jetés. L’homme qui se trouve en face de nous est un bleu. Chavent, le gone incollable sur Myrelingue la brumeuse, ville des ésotérismes, des brumes et des labyrinthes, désarçonné à la vue d’un petit pois, qui l’eût cru ? Plusieurs personnes le reconnaissent et lui font signe de la tête. Treize ans de Vie de Quartiers, à la télé locale, ça vous forge une réputation. «Tu remarqueras qu’il n’y a que de vieilles mémés qui m’arrêtent, pas de créatures diaboliques”. Les créatures diaboliques vont au restaurant, semble-t-il.
Les cuisses de poulet, c’est fait, les oeufs aussi, le lard okay. “Ah, il nous faut des pommes de terre”. Direction le maraîcher. “Dites donc, on les cuisine comment vos pommes de terre ?”. Explications du maraîcher, un brin décontenancé. Embarquement dans la camionnette de Jean-Luc. Sacs, tapis, banderoles... foin. “Le problème quand t’as une camionnette, c’est que tes potes la prennent pour une poubelle”. Et de nous raconter ses voyages, façon routard avec femme et moutards. On bavarde des souterrains de Lyon, l’une de ses prédilections, qu’il essaie de faire ouvrir par la mairie depuis des lustres. Du lustre, justement, de Perrache, d’un vieux gantier rue Constantine, du projet de Henry Chabert, ancien adjoint à l’urbanisme, de construire un port vers les Subsistances.
Arrivée chez lui, dans sa petite maison bleue, adossée à la colline, comme dans la chanson. Une vue imprenable sur Lyon depuis Fourvière. “Ce qui m’inquiète, c’est qu’ils ont faim” explique-t-il, pendu au téléphone, à sa femme. La cuisine s’anime. Ça coupe, ça émince, ça fouette, ça crépite. 12h30, sa femme, Blandine, arrive : “je tiens à vous le dire, c’est une première pour Jean-Luc”. Et lui, de répliquer: “un exploit tu veux dire !”. On se régale d’un morceau de lard fumé, ballon de rouge en appui. Son pêché mignon, version pique-nique. Pendant ce temps, Jean-Luc Chavent prépare la sauce de salade. Sa femme : “moi j’ai un truc pour faire la vinaigrette”. Lui : “vas-y, dis le”. Elle : “non, après”. Lui : “c’est dégueulasse comme procédé !”. Ça rigole. Une heure plus tard, on finit par déguster le premier repas “officiel” préparé par le moustachu le plus célèbre de Lyon. Jean-Luc Chavent a beau ne pas être le Philippe éponyme de la Tour Rose, il n’en reste pas moins qu’on a passé une sympathique vie de quartier.
La Recette
- Faites revenir les cuisses de poulet dans du beurre.
- Epluchez, coupez et lavez les pommes de terre.
- Les essuyer dans un torchon propre.
- Faites les revenir dans une poêle avec du beurre.
- Pour la salade, le plus compliqué est de réussir son oeuf mollet.
- Jean-Luc Chavent a dû laisser tomber l’affaire et passer la main à son épouse.