Le restaurant du mois. Un nom un brin niquedouille pour une table immodérément délectable et excitante. Mi frenchie mi nippone.
C’est assez rare pour être noté : sortir d’un restaurant d’un pas imperceptiblement soûl et grisé par une cuisine aussi habile et perspicace, sans avoir la nébuleuse impression de s’être fait embabouiner… Cela relève quasiment de l’exploit. Même dans cette bonne vieille ville de chair. Ce restaurant est une petite bombasse culinaire que les grands guides ont complètement oublié de visiter. Un confrère hebdomadaire le jauge étoilé : on ne peut qu’entériner. Au 14 février, donc. Un repère d’amoureux, d’amants, d’épouses et de concubines au décorum tout droit sorti d’un micro lupanar : pan de mur capitonné de cuir rouge groseille, immense glace au plafond, quelques lithos des Amoureux de Peynet et, ça ne s’invente pas, un propriétaire - dont le premier établissement se niche dans le petit village indrien de Saint-Valentin - organisateur de mariages clés en main au Japon. À la différence près que les ébats sont dans l’assiette. Pas de carte. On ne sait absolument rien de ce qu’on va avaler. Seul indice annoncé par le maître d’hôtel : deux menus surprise du chef Tsuyoshi Arai et du pâtissier Masaaki Shibata, inspirés dans leur petite cuisine sur cour. La parade culinaire commence.
Équilibre et harmonie. Un vrai déjeuner gastronomique à l’ancienne avec mise en bouche, première entrée, deuxième entrée, poisson, viande, fromage, pré-dessert et dessert. Comptez deux bonnes heures. Première impression: une technique évidente, héritée de son mentor Hiroyuki Sakai, grand chef japonais et de Mauro Colagreco du Mirazur, à Menton, listé dans le top 100 des meilleurs restaurants de la planète. La canette, à peine cuite, pourrait quasiment s’envoler sous vos yeux, le dôme sucré de chocolat blanc renferme les fondamentaux: du croustillant avec un biscuit à la pistache, du craquant avec la meringue framboise, du cotonneux avec une guimauve de framboise, de l’acidité avec la glace vanille à l’infusion de verveine, rehaussé de quelques épices sorties de derrière les fagots. Si les envolées gustatives restent du domaine du classicisme - betterave/vieux vinaigre balsamique 25 ans d’âge, beignets d’escargots aux herbes/confiture de tomate - l’ensemble reste néanmoins très agréable en bouche, équilibré, intelligent et sans faute de goût : ravioli de homard bleu et noix de saint jacques accompagnés d’asperges vertes, d’une mousse de parmesan au piment d’Espelette, coquilles, couteaux et seiches sautés, fenouil, purée de poivrons rouges piquants, sauce basilic et encre de seiche. Bravo!
Au 14 février
6, rue Mourguet. Lyon 5e.
0478929139
wwww.au14fevrier.com
Du mardi au samedi uniquement le soir, dimanche midi.
Le chef : Tsuyoshi Arai.
L’addition : Menus surprise à 38 et 52 euros.
Les plats : Bavarois de foie gras, tuile caramel-cacao, compote de petites carottes, sauce jus de carotte-orange et pain aux carottes ; Coquilles, couteaux et seiches sautés, fenouil, purée de poivrons rouges piquants, sauce basilic et encre de seiche ; Filet de canette cuit à température, émulsion de foie gras en sauce mousseline, réduction de vin rouge à la cannelle, légumes printaniers ; Pannacotta à la noix de coco, gelée d’ananas et de fruits de la passion.
Les vins : Bourgogne, Hautes Côtes de Nuits, Meo Camuzet, 2006, 47 euros ; Crozes hermitage, Darnaud, 2007, 36 euros ; Morgon, Côte de Py, Louis Jadot, 2003, 30 euros.