La "mère Hugon", du bouchon Chez Hugon (Lyon 1er), rend son tablier. Une autre femme reprend les pianos. Concerto 100% féminin.
C'est la fin d'une temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. Le bouchon Chez Hugon (rue Pizay, Lyon 1er) passe la main. Arlette, l'une des dernières mères lyonnaises, et son fils Eric, rendent leur tablier (de sapeur).
"Même si elle est en pleine forme, au bout du moment, il faut bien qu'elle profite aussi un peu de la vie. Et personnellement, j'ai un autre restaurant sur Genève, il faut que je m'en occupe un petit peu plus." explique Eric.
Entre le Café du Jura, qui voit les Josserand mère et fils partir début octobre et Chez Hugon qui ne sera plus... hugonnesque, tout fout le camp.
Le temps passe. Les patrons grisonnent. Mais la tradition perdure. Chez Hugon sera repris par une ancienne employée, associée à une autre jeune femme.
De Mme Millet en 1885, à Mme Barbet en 1937, en passant par Mme Dussaud en 1974, Arlette Hugon en 1985, et prochainement Paola en 2023, l'établissement de la rue Pizay n'a eu que des femmes en cuisine... depuis 138 ans !
La reine est "morte" vive la reine !
Ecoutez aussi le "6 minutes chrono" avec Benoît Josserand , patron du Café du Jura
Retranscription textuelle et intégrale de l'entretien avec Eric Hugon
Bonjour à tous bienvenue dans ce nouveau rendez-vous de "6 minutes chrono". Nous recevons aujourd'hui Eric Hugon bonjour.
Bonjour.
Eric Hugon, vous êtes le patron avec votre mère de Chez Hugon que le New York Times, j'ai retrouvé ça, que le New York Times, il y a longtemps, avait décrit comme étant "l'âme de la cuisine lyonnaise", rien que ça. Alors le bouchon, fréquenté depuis 1885, la famille Hugon, vous êtes là, aux manettes depuis 1985 de cette mémoire culinaire de la ville. Gâteau de foies de volaille, quenelle au brochet, poulet aux écrevisses, poulet au vinaigre, j'en passe. À la fin du mois vous rendez votre tablier c'est-à-dire que vous mettez quoi... Boutique de tacos de kebab ?
On avait une idée de kebab oui grâce à nos fenêtres qui étaient sympathiques, comme ce sont des guillotines, mais à l'andouillette, mais bon c'est passé on a oublié on a laissé le projet de côté.
Trêve de plaisanterie pourquoi vous rendez le tablier ?
Bah, il y a déjà ma maman , elle commence à prendre de l'âge elle a droit à sa retraite...
Une des dernières maires lyonnaises
Une des dernières mères lyonnaises. Même si elle est en pleine forme mais au bout du moment il faut bien qu'elle profite aussi un peu de la vie. Et personnellement, j'ai un autre restaurant sur Genève où je m'en occupe un petit peu plus.
Et c'est quoi ? C'est un bouchon là-bas sur Genève ou pas ?
À mi-chemin. C'est-à-dire que j'ai gardé la tradition comme ils travaillaient auparavant et j'ai amené un peu de lyonnaiseries aussi. J'ai pas fait totalement lyonnais donc un mix de cuisine traditionnelle et cuisine lyonnaise.
Donc voilà votre mère Arlette elle prend sa retraite et vous vous avez côté un peu chez nos amis suisses.
Voilà je vais naviguer mais on restera toujours sur Lyon on restera Lyonnais et on va toujours accompagner les filles qui vont reprendre le tablier.
Alors voilà parce que donc qu'on rassure tout le monde chez Hugon ça ferme pas c'est les propriétaires, voilà c'est le cycle naturel on se renouvelle. Simplement qu'est-ce qui reprend ? Comment ça se passait maintenant ?
Alors là donc Paola qui était une serveuse qu'on avait il y a dix ans en arrière qui nous a quittés pour aller prendre de l'expérience un peu de partout. Elle est revenue, on lui a fait une proposition, elle est intéressée. Elle avait son amie Fatima, associée, pour reprendre le restaurant. Donc des filles bosseuses et qui méritent, c'est ça qui est très important, qui ont envie de travailler qui sont assez jeunes donc encore la patate. Et puis surtout Paola elle a l'âme un peu d'une future mère lyonnaise.
Alors voilà c'est ça qui est intéressant c'est-à-dire qu'effectivement c'est repris par des jeunes mais qui ont encore cette volonté de faire perdurer le bouchon c'est-à-dire les recettes.
Faire perdurer l'esprit à l'ancienne. Pas moderniser du tout et garder vraiment toute la tradition c'est ça qui est important.
Mais ça veut dire que le… Parce que c'est vrai que pour ceux qui ne connaissent pas Chez Hugon, c'est quand même , je ne sais pas quand date la déco...quelques années ?
Loin. Non mais loin en tout cas voilà il y a une ambiance… chez les Barbet ça existait depuis 37 et avant les Barbet ils n'ont pas trop touché non plus. Et c'était une dame aussi qui tenait… Ça a toujours été des femmes en cuisine.
Ça a toujours été une femme en cuisine ? Donc là finalement c'est une femme qui va reprendre...
C'est deux filles deux femmes, une en cuisine et une en salle. À l'époque de Barbet, de Dussaud, de Hugon et même avant Barbet, avant 37, c'était une épicerie porte-pot et c'était une femme. Ils avaient un poêle au milieu de la salle et voilà elle ouvrait un bocal, faisait réchauffer un petit salé aux lentilles. Ça a toujours été un établissement féminin en fait.
Et comment vous expliquez qu'aujourd'hui il y a encore des jeunes qui veulent faire perdurer la tradition des bouchons qui sont dans cette cuisine un peu traditionnelle, historique ?
À mon avis je pense que la tradition c'est quand même ancré en nous et c'est très bon... de plus en plus on la perd ou on la bafoue. Et là ce qui est important je trouve, c'est des jeunes qui ont encore envie, qui ont vécu ça jeunes aussi avec leurs grands-parents, ils allaient au restaurant et l'ambiance. C'est vrai que chez nous on a une ambiance qui est magnifique. Vous êtes à côté de la cuisine vous pouvez voir ce qui se passe la chef peut vous amener comme disait ma maman vous amenez les plats sur la table. Donc c'est vraiment une autre façon de travailler et dans la détente.
Alors il y a aussi cette façon de travailler.... je ne sais plus ce que je veux dire parce que j'ai l'eau à la bouche. Non, voilà votre père, c'était un vrai patron de bouchons, gouailleur, grande gueule, il ne fallait pas trop lui marcher sur les pieds. Est-ce qu'aujourd'hui les bouchons sont un peu en train de changer ? C'est-à-dire que j'avais eu ici sur le plateau Benoît Josserand du Café du Jura dont la famille Josserond rend son tablier. Et son point de vue disait qu'aujourd'hui il partait parce que c'était le client qui dictait un peu sa carte. Est-ce que vous ressentez la chose ou continuez-vous à faire vos recettes ?
Alors j'ai mon caractère et il y a caractère de maman aussi, donc on ne se fait pas marcher sur les pieds, ça c'est sûr. Il est vrai qu'au niveau de la clientèle, les gens sont peut-être moins patients, ont oublié le passé. On parlait de la traditionn, ça en faisait partie : se faire chatouiller, engueuler, titiller on ne le fait plus trop. Il est vrai on n'est plus à l'époque de M. Barbet on n'est plus à l'époque de M. Fulchiron même avant. Il y avait tout un jeu dans la salle mais bon c'était assez percutant. Donc il fallait doucement. Ill y a le problème des réseaux sociaux qui commencent à des fois vous mettre des trucs qui n'existent même pas chez vous. Moi ça ne me fait pas quitter Lyon pour ça, je serais toujours lyonnais mais ça a un petit peu changé. C'est peut-être des fois pas plus mal, ou alors il faut être plus dans l'humour et plus souple. Mais il est vrai que c'est toujours ennuyeux qu'on perd vraiment une tradition. Et dans nos bouchons, après ils deviennent aseptisés à cause des clients ou d'autres systèmes ou d'autres associations ou autre chose.
En tout cas voilà le bouchon chez Hugon c'est plus les Hugon mais ça sera remplacé par des jeunes donc l'esprit va perdurer. Et on s'en réjouit parce qu'effectivement ça permet de contrebalancer un peu les pseudo-bouchons qu'on a beaucoup qui pulluent beaucoup à Lyon. Donc café Chez Hugon rappelez c'est rue Pizay. Merci beaucoup à très bientôt.
Merci beaucoup.
Au revoir.