Rooftops, food trucks, food courts... Si Lyon peut aujourd'hui se targuer d'avoir réussi à réunir toutes les tendances, c'est bien lors du Lyon Street Food Festival (qui s'ouvre ce soir) que les tendances gastronomiques de demain s'inventent.
“Quand j'étais à San Francisco, tous les vendredis soir, j'allais dîner dans une base navale désaffectée où se réunissaient une trentaine de food trucks dans une super ambiance. De retour en France, j'ai voulu organiser un truc similaire, très festif. À l'époque, à Lyon, il y avait cinq ou six food trucks qui s'activaient dans leur coin. On a proposé aux Nuits sonores un “Extra!”, sorte de petit événement off au festival, avec tous ces food trucks, de la musique, de la mode, bref tout un univers autour. On a eu 5 000 personnes, ç’a été un gros succès. À tel point que Nuits sonores nous a demandé de revenir l'année suivante avec ce concept de stands mais sur le festival in.”
On est en 2014. Avec sa toute jeune société, Food Trucks Gourmet, spécialisée dans la mise en place et la gestion de villages gourmands lors de grands événements sportifs, culturels et festifs, Thomas Zimmermann (plus tard rejoint par Émeric Richard) voit déjà plus loin : l'organisation d'un grand festival de street food en plein cœur de Lyon.
L'ADN : une marmite géante de chefs sortis de leur cuisine et mis au défi de confectionner sur place, aux Subsistances, des plats hors les murs, de porter la cuisine là où on ne l'attend pas. Pour simplifier, un food court géant hors les murs conçu comme un voyage culinaire et culturel qui chahute les codes de la gastronomie. La première édition réussit le tour de force d'attrouper (avec quelques minicouacs, somme toute assez logiques pour une première) 12 000 personnes. Le second jet rassemble 18 000 personnes sur trois jours. À l'époque, Lyon Capitale va même jusqu'à parler de Lyon comme d’une “tour de Babel de la street food”. “Quand a germé cette idée un peu folle de festival, nous nous doutions un peu qu'elle pouvait répondre à un besoin d'aborder la cuisine autrement, surtout à Lyon, où le poids de la cuisine est considérable”, explique le duo de fines gueules.
Appel d’air
Effectivement, ça donne un sacré appel d'air à Lyon. Lyon qui commence à bouillonner, portée par une jeune génération de cuisiniers décomplexés qui a bourlingué à droite à gauche et qui fait sérieusement bouger la ville. La cuisine qu'ils défendent se nourrit de leurs expériences de voyages et de leur vorace soif de découverte. “Toutes ces influences qui se retrouvent dans la cuisine de chacun d'entre nous viennent enrichir le travail qu'on fait sur le terroir lyonnais”, explique Ludovic Mey, du restaurant Les Apothicaires. “Aujourd'hui, la nouvelle génération ne fait pas tant dans le blockbuster que dans la cuisine de rue, la cuisine personnelle, la cuisine d'auteur”, complète Arnaud Laverdin, chef et manager de La Bijouterie, aux Terreaux.
Il n'en reste pas moins que personne n'avait encore vu de food court entre Rhône et Saône. Le concept est donc lancé. En mars dernier, a ouvert La Commune, un food court de 1 500 m2 ! Et les projets vont bon train, avec la future Food Traboule dans la mythique Tour Rose (Vieux-Lyon), Heat au sein de la future French Tech sauce lyonnaise, à la Confluence ou encore un incubateur de chefs sur le toit de la Part-Dieu, au printemps 2020.
Lire : la folie des food courts
Les projets fous s'enchaînent, avec le Mob Hotel et son restaurant en (quasi) rooftop de la Confluence (on est plus proche de la terrasse d'étage quand même), l'ouverture, il y a quelques jours, de la Maison Nô, avec son restaurant perché à 22 mètres de hauteur sur le toit d'un immeuble de la Presqu'île. Le parking des halles (Paul-Bocuse), plus vieux parking de la ville (aujourd'hui géré par Lyon Parc Auto), a lui aussi fait le pari d'un toit-terrasse panoramique : 1 800 m2 végétalisés à 25 mètres de hauteur, avec petite restauration, bancs et tables publics pour les pique-niques, et les rubans métalliques de l'artiste Mengzi Zheng déroulant depuis l'anneau central, qui offriront une nouvelle lecture du bâtiment. “L’esprit du projet est de rendre l’espace à ceux qui n’ont pas de voiture et de créer un lieu touristique”, explique Louis Pelaez, le président de LPA. Et puis, donc, il y a le gros morceau : la rénovation du centre commercial de la Part-Dieu, prévue pour 2020, partie intégrante du grand projet urbain conduit dans le centre d'affaires éponyme, avec immense toit-terrasse. C'est l'agence néerlandaise MVRDV qui est chargée du projet. “Nous adoptons une approche de la conception de Lyon Part-Dieu pour la rendre plus humaine, explique Winy Maas, l'un de ses fondateurs. Nous avons prévu un vaste jardin public sur le toit, conçu comme un réconfort, loin des rues animées, avec des espaces de loisir et sociaux. Il y aura aussi plus de liaisons entre la ville et le toit pour augmenter les relations avec les environnements : la ville, mais aussi le ciel, avec le toit.”
Nouveaux codes culinaires
Les rooftops, “c'est aussi une question d'image, selon l'agence d'urbanisme de Lyon. Lyon construit son image, et les toits-terrasses peuvent participer à ce que la ville veut renvoyer à l'extérieur”. À l'instar des food courts ou de cette multitude de petits bistrots design, pas chers, dans l'air du temps – la scène lyonnaise est très en pointe parmi les grandes métropoles mondiales dans ce domaine. Relations humaines, aussi. Ces nouveaux concepts chamboulent les codes de la restauration. On pourrait presque parler de démarche artistique (c'est le cas au Lyon Street Food Festival, coréalisé avec les équipes des Subsistances). “De la restauration culturelle”, déclare Cathy Bouvard, codirectrice des Subs. Dans le 7e arrondissement, La Commune se présente comme “une coloc’ géante dans laquelle on partage la bonne humeur avec une tribu improbable autour d’une cuisine de chefs inspirés”. Tabatha Mey, qui porte le projet de Food Traboule avec son mari Ludovic, parle de “lieu de vie dans un endroit unique que l’on veut à la fois familial et festif, où l’on vient boire un verre, manger, écouter de la musique, se retrouver entre amis quand on veut”.
Si les mérites culinaires d'une ville se mesurent aux tables étoilées (13 une-étoile et 3 deux-étoiles à Lyon, dont la moitié dans le 6e arrondissement), c'est aussi à ses marchés, ses food markets, ses bistrots, sa cuisine de rue qu'ils s'apprécient. Et Lyon est clairement en train de se réveiller à cet égard. “Il y a un truc qui prend”, reconnaît d'ailleurs le critique culinaire Andrea Petrini (proclamé “god of food” par les magazines Vogue et Time), ancien chairman pour la France du World's 50 Best Restaurants.
Car ce que veulent renvoyer à l'extérieur les cuisiniers aujourd'hui, c'est, comme ils le disent tous, qu'ils “s'éclate(ent) vraiment à Lyon !”
Allez donc flâner, ces prochains jours, au Lyon Street Food Festival, qui se tient au cœur des Subsistances (quai Saint-Vincent). Vous vous rendrez vite compte que c'est bien là qu'émergent les tendances qui percent un peu partout en ville.
Arithmétique du Lyon Street Food Festival
• 35 heures de festival étalées sur 4 jours
du jeudi 13 au dimanche 16 septembre aux Subsistances
https://lyonstreetfoodfestival.com/
• 3 destinations invitées : Hong Kong, Izmir et Montréal
• 70 chefs
• 6 food trucks
• + de 60 000 portions servies
• 7 espaces scénographiés
• 11 groupes de musique
• 1 500 m2 de halle street food
• 20 000 festivaliers attendus
• 7 € l'entrée
• 1 jeton “miam” = 2 € (part des portions entre 4 et 5 €)