Des plombes qu'on avalait de travers. Et puis il y eut ce 11 juillet et son fameux dicton : à la Saint- Benoît, le coucou chante dans les bons endroits, ou bien il est mort de froid. On écopa de la deuxième partie de phrase, l'estomac dans les talons. Ce 11 juillet fut publié au Journal officiel le fameux décret sur le "fait maison". Ou comment "mieux informer le consommateur sur les plats qui lui sont servis", permettant de différencier les cuistots qui utilisent des produits frais et ceux qui assemblent les kits Lego de l'agro (alimentaire).
Sur le papier, l'idée faisait saliver. Dans l'assiette, on risque de dégobiller. "On est foutu on mange trop. On est foutu on mange trop. Mais qu'est-ce qu'on fera quand on sera gros ?" chante Souchon. Car peuvent entrer dans la composition d'un plat fait maison les produits "épluchés, à l'exception des pommes de terre (NdlR : imaginez du McDo en "fait maison !), pelés, tranchés, coupés, découpés, hachés, nettoyés, désossés, dépouillés, décortiqués, taillés, moulus ou broyés, fumés, salés" mais aussi tous ceux qui sont "réfrigérés, congelés, surgelés, conditionnés sous vide". Mais là où l'on reste comme deux ronds de flan, c'est lorsqu'il est dit que le restaurateur peut utiliser des produits transformés ailleurs, du moment où il est indiqué la "marque du produit ou le nom du professionnel qui l'a fabriqué expressément". J'ai la rate qui s'dilate, j'ai le foie qu'est pas droit, j'ai le vente qui se rentre, j'ai l'pylore qui s'colore....
Si, à Lyon Capitale, vous l'aurez sûrement compris, on s'est notre propre idée de ce label "fait maison", on est allé voir quelques restaurateurs pour savoir ce qu'ils en pensaient et comment ils travaillaient.
Restaurant : Le Fleurie
Chef : Cédric Boyer
Adresse : 123 rue de Gerland, 69007
Ouvert en 2003 par Olivier Paget (aujourd’hui chef de L’Ame Sœur), Le Fleurie propose une cuisine « style bistrot et traditionnelle ». Au menu, pas de choix sans fins, chaque jour les plats changent, au gré des arrivages de produits frais, dont se ravitaille Cédric Boyer. Ce dernier est le nouveau chef depuis 2010, après 10 ans passé dans les brasseries Bocuse (Nord et Est).
Lyon Capitale : Que pensez-vous du label Fait maison ?
Cédric Boyer : Je pense que c’est une bonne chose, pour reconnaître la qualité du travail. Après tout dépend de comment cela sera contrôlé.
Et par rapport à l’intégration du surgelé, de « prédécoupés », ou « nettoyés », dans les produits bruts ?
Le fait maison veut tout et rien dire. Si vous achetez un sachet de mousse au chocolat en poudre, ajoutez du blanc d’œufs et dîtes que c’est du fait maison, c’est faux. Pour ma part ce terme correspond au vrai travail du produit, faire ses propres sauces etc. Le label ne veut pas dire grand chose. Fait maison doit signifier ne plus avoir tous ces sachets et autres. C’est plus sur le produit de base qu’il faudrait un label. Sur ce avec quoi les cuisiniers travaillent. Certains peuvent, cependant, aussi faire du frais, sans savoir bien le travailler.
Votre point de vue sur le label Maître restaurateur ?
Le label Maître restaurateur n’a rien à voir. Il est beaucoup plus significatif que le Fait maison.
D’où proviennent vos produits ?
En légumes nous sommes tous les jours livrés par la maison Fressenon (Caluire), qui livre (entre autres) le groupe Bocuse. Nous travaillons avec Homards-acadiens (Villard les Dombes) et Vanickof (Rungis) pour le poisson. Ils nous appellent le matin pour livrer le lendemain en fonction de la pèche. On se fournit en viande chez Beauvalais restauration (Ain), et d’autres petits fournisseurs, tel que le volailler Landrier (Lyon). Il y a beaucoup de viandes françaises, du charolais, du veau, de l’agneau. On a aussi des viandes allemandes, anglaises, ou un petit peu de Black Angus (Etats-Unis) et de la viande d’Argentine. Ces viandes sont fraiches, maturées sur place et envoyées sous vide. En crémerie nous achetons chez Broc, et pour le fromage, chez une fromagère présente au marché Saint Antoine, qui livre aussi des restaurateurs.
Pour quelle type de cuisine ?
Une cuisine traditionnelle, parfois quelques spécialités lyonnaises. On change tous les jours, tout dépend de la saison, des opportunités du moment. Rien de fixes, pas de cartes.
Pouvez-vous nous décrire un plat maison atypique, et la distinction avec l’industriel ?
Je fais des terrines moi-même, terrines de campagne, de lapin en gelé etc.
Lorsque l’on a des champignons, en ce moment des mousserons et des girolles, on peut faire du veau, qui va bien avec. Je travaille avec les produits qui arrivent, c’est vraiment à l’instinct. On retravaille également les restes de la veille. Il n’y a pas de gaspillages. S’il reste un poisson du jour, on peut faire une brandade, une rillette, servies en entrée. Les carcasses de homard feront un fumé, un jus. On se sert de tout.
Vous souhaitez postuler pour un label ?
Ce n’est pas d’actualité. Le restaurant marche bien ici. On a beaucoup d’habitués, des gens viennent deux à trois fois par semaines. Les clients savent ce qu’ils mangent.