François Pipala, qui a soufflé sa trentième bougie chez Paul Bocuse, à L'Auberge du Pont de Collonges, vient de se voir décerner le Prix du Service 2016 lors des Trophées Le Chef. Une reconnaissance de ses pairs puisque 6 000 chefs français ont pris part au vote.
Article publié dans le mensuel de janvier 2014.
Il est impeccable dans son deux pièces couleur sombre, sa médaille de Meilleur ouvrier de France au cou, son oeil malicieux et son sourire qui résument toute la félicité des lieux. Élégance naturelle, politesse élémentaire, rituels implacables. François Pipala, c'est le sommet de l'art de recevoir à la française. Un art porté au zénith, un art qui dépasse les simples notions culinaires. L'alchimie que l'on retrouve dans les bonnes maisons, l'énigmatique et juste dosage qui rend les gens heureux.
Bocuse/Pipala : le duo immuable
Collonges-au-Mont-d'Or. L'académie de la cuisine classique, la pinacothèque de la gastronomie mondiale. L'inimitable et l'impalpable. Le pays du Général, les terres papales. Bocuse et Pipala.
En dépit des vingt huit années passées à L'Auberge du Pont de Collonges, le temps ne semble pas avoir de prise sur lui. Ni le hasard, d'ailleurs ; tout est réglé au millimètre et à la seconde près.
Pourtant, le destin de François Pipala a basculé un après-midi d'automne 1985. Alors qu'il met le cap sur Monte-Carlo où il est appelé à faire l'ouverture de l'Hôtel Métropole, Roger Jaloux, chef exécutif (et accessoirement chasseur de tête) de Paul Bocuse – déjà à son apogée – l'invite à déjeuner à Collonges, en compagnie de Jean Fleury, le directeur du prestigieux établissement trois-étoiles, et de Christian Bouvarel, second de cuisine. Le quatuor est assis à la meilleure table, celle qui donne sur la grande cheminée. On lui propose une offre qui ne se refuse pas. Quinze jours après, il rencontre Paul Bocuse. "C'est le coup de foudre. J'approche l'inapprochable. Le monstre sacré. J'entre dans le restaurant le plus connu au monde." Jean Fleury le nommera premier maître d'hôtel et directeur de la restauration. François Pipala n'a alors que 30 ans. Paul Bocuse et François Pipala ne se quitteront plus.
Le théâtre de la vie
Il y a, ici, lovée dans une boucle de la Saône, comme un mouvement perpétuel. "Le ballet de la vie" glisse celui pour qui "Monsieur Paul" n'a plus de secrets. Et inversement. "Chez Monsieur Paul, quand on rentre, on ne ressort plus. C'est une famille, il y a quelque chose d'impalpable." Le théâtre de la vie.
Quand François Pipala, issu d'une famille modeste, décide d'arrêter net l'école à 13 ans, il veut devenir cuisinier, comme sa grand-mère et son grand-père paternels. Sa mère, une femme déférente, veut la meilleure école pour son fils. Ce sera le seul étoilé d'Angers, Le Vert d'Eau, tenu par Robert Gillet. Il ne reste plus qu'une place en salle. Vaille que vaille ! À Pâques de l'année suivante, le patron déconseille à sa mère de lui faire quitter la salle. Le récit du petit François s'écrira dès lors en lettres capitales dans le service et les arts de la table. Un art qu'il poussera, incité par Paul Bocuse, jusqu'au titre de Meilleur ouvrier de France ("l'une des épreuves les plus difficiles de ma vie, j'étais broyé de l'intérieur"). Le Saint-Graal - et l'une des plus grandes fiertés du pape de la gastronomie, avec l'Institut Paul Bocuse qui a pour vocation de transmettre aux jeunes venus des quatre coins de la planète.
Happy Birthday Mister McCartney
La Voie lactée se donne rendez-vous à Collonges. Et à l'instar de Paul Bocuse, qui a rencontré tout ce que la planète compte de stars, François Pipala a toujours fait en sorte de conserver une certaine distance. Le premier se sent cuisiner avant tout, le second maître d'hôtel. "Je suis un travailleur manuel, je reste à ma place." Son rôle est de mettre les gens à l'aise. "Un jour, un client m'a dit : "ouh là là, je n'ai pas de veste." Je le rassure : il s'est offert Bocuse. Chacun a droit à la considération, à un bel accueil. L'important, ce n'est pas la façon dont on sert ou ce que l'on sert, c'est la personne que l'on sert". Et de raconter le jour où - c'est une habitude à Collonges - François Pipala, le groom, et son pittoresque orgue de barbarie, entament une "Joyeux anniversaire" à une cliente et ses petits-enfants. Paul McCartney, juste derrière avec sa femme Linda, se retourne, vient en catimini à la table et chante. Et la vieille dame de demander : "ce monsieur est gentil mais qui était-ce ?". C'est aussi ça Paul Bocuse : un éternel spectacle. "Ce que l’on appelle l’art de recevoir, c’est surtout donner du plaisir à travers une bonne cuisine, une belle table, un sourire, une foule de petites attentions" chuchote Paul Bocuse.
Gamin, François Pipala voulait être en haut de l'affiche. "Paul Bocuse, c'est immense. Je ne suis que le résultat de son travail". François Pipal aussi est devenu immense.
Il est vrai que le duo Bocuse/Pipala fait des étincelles...encore une fois, happy B-day Mr le génie, que de belles choses à venir! 🙂
Bravo à lui ! Une belle victoire pour la gastronomie Lyonnaise, un véritable éloge à l'alimentation saine et délicieuse que l'on maitrise si bien par chez nous 😉