De neuf tables en 1962 le groupe Bocuse est aujourd'hui passé à près de 8 000 couverts par jour dans ses restaurants. Une revanche sur l'histoire, la famille Bocuse ayant perdu le droit d'utiliser leur nom à des fins commerciales et publicitaires
L’histoire se répète un peu. Alors que l’institut Paul-Bocuse, via son directeur général Dominique Giraudier, prend des libertés avec l’usage du nom Bocuse (lire Enquête. L’institut Paul-Bocuse dans la tourmente), la famille de cuisiniers avait par le passé déjà perdu le droit d’utiliser son patronyme à des fins commerciales et publicitaires… avant de le récupérer.
Il faut remonter aux années 20, quand le grand-père de Paul cède le restaurant familial, fonds et patronyme, à un cuisinier russe prénommé Borissof. L’établissement a beau être racheté une quinzaine d’années plus tard par Georges (le père de Paul) à ses beaux-parents, Borissof lui interdit d’apposer le nom Bocuse sur le fronton du restaurant.
Un crève-cœur pour Paul qu’on chambre du sobriquet de “Bocusoff”. L’affront est insupportable. Il n’en fait rien paraître, serre les dents et travaille de plus belle. En 1966, un an après l’obtention de sa troisième et ultime étoile, la première chose qu’il fait est de “récupérer le nom de Bocuse qui a été écrit en lettres de deux mètres et de le visser au-dessus de l’Auberge”.
"Il me fallait 17 millions de francs de l'époque pour racheter le restaurant, expliquait Paul Bocuse à Lyon Capitale. Deux amis, l'un était boucher et l'autre marchand de cochons, sont un jour arrivés aux halles avec les 17 millions en liquide dans du papier journal. Ça m'a permis de racheter. J'ai alors mis une énorme pancarte Bocuse au-dessus du restaurant et travailler d'arrache-pied pour rembourser."
"C'est peut-être parce que Bocuse ne veut pas qu'on oublie son nom, lui qui en a été privé près d'un demi-siècle." conclut Patrick Henriroux, chef deux-étoiles de La Pyramide, à Vienne
Trente ans plus tard, l’École d’arts appliqués de Lyon se voit confier la décoration de l’Auberge. Ce sera une façade bariolée, explosive, surchargée et démesurée, avec des pièces montées néoclassiques façon Antonin Carême. Une sorte de Las Vegas féerique en bord de Saône. Désormais, on n’oubliera plus Bocuse, dont les immenses lettres ont été peintes en or pour les rendre encore plus flamboyantes.
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