Bernard Pivot (et Périco Légasse), grand défenseur du beaujolais

“Le Beaujolais est victime d’un ostracisme moutonnier”

INTERVIEW - Bernard Pivot, le célèbre homme de culture et de télévision, propriétaire d'une maison à Quincié, prend la défense d'un "vignoble extraordinaire". Un vin de lutte des classes, victime d'une "vieille jalousie lyonnaise". La capitale des Gaules est selon lui voué aux Côtes du Rhône.

Lyon Capitale : Vous avez récemment créé, avec Périco Légasse, journaliste à Marianne, le Comité de défense du Beaujolais. Le Beaujolais est donc réellement en danger ?
Bernard Pivot : Ce n’est pas nouveau. Le Beaujolais va mal, il est souffrant. En plus d’une grave crise économique, le beaujolais est victime, depuis pas mal d’années, d’un ostracisme moutonnier, d’une sorte de défiance, souvent irrationnelle. Il existe un snobisme à dire que le beaujolais, ce n’est pas bon. C’est complètement aberrant. C’est un vignoble extraordinaire. Les vignes sont arrachées, abandonnées. C’est pour cela qu’on a créé ce comité de défense, avec Périco Légasse. Il ne faut pas laisser mourir ce vignoble.

Pourquoi, selon vous, cet ostracisme anti-beaujolais ?
C’est assez curieux, je ne sais pas trop à vrai dire... D’autant qu’il est surtout lyonnais. Lyon est aujourd’hui une ville vouée aux côtes-du-rhône. Est-ce qu’il s’agit d’une vieille jalousie lyonnaise qui remonte à l’époque où le beaujolais nouveau flambait à Paris, dans les années 70 ? Ce qui est certain, c’est que dans les années 80/90, le beaujolais a commis des erreurs de stratégie et de vinification. Les viticulteurs se sont vus trop beaux. Ils se sont reposés sur leurs lauriers et ils l’ont payé très cher.

Pour vous, le beaujolais, c’est...
Le beaujolais est avant tout un vin de lutte des classes. C’est le vin des canuts et le vin des rad-soc’s. Le vin de Gnafron et le vin d’Édouard Herriot. Le vin des bleus de chauffe et le vin des costumes-lavallière. Le vin de la Vache-qui-rit et le vin du gigot-qui-pleure. Le vin des mâchons entre vieux potes et le vin des déjeuners de famille. Le vin de la gauche-saucisson et le vin de la droite-pot-au-feu. Le "beaujolpif" des meetings et le saint-amour des mariages.

Le beaujolais est-il mort ?
Non, je ne crois pas. Mais le beaujolais va mal, il est souffrant, il demande une assistance. Si on ne lui porte pas remède, il ira de plus en plus mal. La presse n’arrange rien. Aujourd’hui, quand un journaliste à Paris veut faire un reportage un peu malin ou pervers sur le vin, hop ! Il va en Beaujolais, automatiquement car il sait que la région est fragile et qu’il va trouver des gens qui alimenteront sa diatribe contre le vin. C’est consternant !

Retrouver le dossier "Il faut sauver le Beaujolais" dans le numéro de février de Lyon Capitale, actuellement en vente chez les marchands de journaux. Il comprend :

- A quoi ressemblera le pays Beaujolais dans 20 ans ?

- Prospective : vers des premiers crus ?

- Un vin à l'agonie

- Edito : pour une inscription à l'Unesco

- Cépages : d'autres vins dans le Beaujolais à l'horizon 2040 ?

- Suicides de viticulteurs, une réalité occultée

- Arrachage, un plan social nécessaire

- Urbanisation : l'exemple de Lozanne et Civrieux d'Azergues entre 1988 et 2008

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