Antoine Pariset, porte-parole de la Confédération paysanne du Rhône, et Marc Rivoire, membre d'Agribio Rhône-Loire, sont les invités de 6 minutes chrono/ Lyon Capitale.
Le 27 novembre dernier, sur le plateau de 6 minutes chrono/Lyon Capitale, le président du département du Rhône, Christophe Guilloteau, expliquait vouloir baisser les subventions à l'agriculture bio, confronté - comme de nombreux départements - à un dramatique effet ciseau, entre la chute des recettes et celle des droits de mutation à titre onéreux, et la hausse des dépenses imposées par l'État. "Tout ce qui relève, par exemple, de l'agriculture bio, tout ce qui est l'agriculture qui n'est pas l'agriculture lourde, économiquement importante pour nos territoires et pour les hommes et les femmes qui en vivent, on va être obligé de baisser un peu les subventions." avait expliqué Christophe Guilloteau.
La Confédération paysanne du Rhône et l'association de producteurs biologique Rhône-Loire AgriBio ont souhaité réagir, "le caractère optionnel de l'agriculture biologique, exprimé par le président du département du Rhône, (ayant) scandalisé nombre de nos adhérents".
"Il y a une vision complètement caricaturale, regrette Antoine Pariset, porte-parole de la Confédération paysanne du Rhône. C'est-à-dire qu'on ne peut pas dire qu'il y a une agriculture lourde - on n'a pas très bien compris d'ailleurs ce que c'était - et une agriculture bio, ou de qualité, qui serait de niche. La question, c'est plutôt de savoir ce qu'on veut comme agriculture, c'est-à-dire une agriculture qui préserve les sols, une agriculture qui fait envie, qui fait aussi envie aux jeunes de s'installer et de reprendre des fermes. C'est ça qu'on doit encourager."
L'intégralité de l'entretien avec Antoine Pariset et Marc Rivoire
Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau rendez-vous de 6 minutes chrono. Nous accueillons aujourd'hui deux invités. Nous avons Marc Rivoire, maraîcher membre d'Agribio Rhône-Loire et Antoine Pariset, porte-parole de la Confédération paysanne du Rhône. La semaine dernière, sur ce plateau de 6 minutes chrono nous avons accueilli le président du département du Rhône Christophe Guilloteau qui, confronté, comme tous les départements, à des baisses de recettes a dû composer un "budget de rigueur". Effectivement il avait dit sur ce plateau que tout ce qui n'est pas agriculture lourde économiquement importante pour nos territoires, dans le département du Rhône, et pour les hommes et les femmes qui en vivent sera un peu mis de côté. En tout cas les interventions vont baisser et l'agriculture bio était dans le collimateur. Est-ce que ça vous scandalise un peu ces propos Antoine Pariset ?
Très clairement il faut dire ce qu'il en est : ce sont les convictions en matière de politique agricole qui sont optionnelles chez Monsieur Guilloteau parce que l'agriculture biologique c'est d'abord, et avant tout, un engagement de l'État, notamment auprès des collectivités territoriales. Le département, accompagné de la Chambre d'agriculture et des autres structures, doit mettre en place le 50%, jusqu'au 100%, d'agriculture bio dans les cantines. Pour cela, on a besoin de financement et de soutien. Monsieur Guilloteau serait bien avisé de se rappeler des obligations du département au niveau de l'agriculture biologique.
Je regardais un petit peu des chiffres : selon l'Agence bio, dans le département du Rhône, le bio c'est 20 000 hectares, 15% des surfaces agricoles, 806 fermes engagées, soit 18% des fermes totales du Rhône. Pour autant, les indicateurs au niveau national sont dans le rouge. C'est même la première fois qu'on voit ça : les surfaces cultivées sont en baisse, le nombre de cheptels, en tout cas pour les vaches laitières, est en baisse et les entreprises certifiées bio sont en baisse. Comment on fait face à tout ça Marc Rivoire ?
Ce sont des chiffres sur l'année précédente. On sent déjà une reprise de l'agriculture biologique même si des déconversions ont été faites. Le consommateur reprend conscience de l'impact et de l'importance du "consommer bio", notamment au niveau de l'environnement. C'est-à-dire que c'est un acte de préservation de l'environnement de consommer bio, de préservation de l'eau puisque l'agriculture biologique préserve l'eau puisqu'on sait qu'il y a 1/3 des eaux en France qui sont au-dessus de la norme de pollution au niveau des pesticides (Auvergne-Rhône-Alpes : 52 % des cours d'eau "en bon état écologique" selon un état des lieux des eaux du bassin Rhône-Méditerranée et Corse de l'Agence de l'eau, NdlR).
Donc l'agriculture biologique a toute sa place. Et puis aussi, le fait est que suite à l'inflation, en général, le consommateur a un petit peu restreint son budget alimentaire. Mais ce n'est pas spécifique à la bio.
Vous faites une transition. C'est important aussi d'en parler. C'est qu' effectivement, avec l'inflation, le portefeuille, le pouvoir d'achat des Français reste la préoccupation, si on regarde les sondages, la préoccupation numéro 1 des Français. C'est vrai que les produits bio sont 20 à 30 % plus chers en moyenne. Ça s'explique comment que le bio soit plus cher ? Parce que justement il n'y a pas de traitements?
Antoine Pariset : Alors je vous remercie de donner la parole à ce sujet parce que, justement, au niveau des collectivités territoriales, les expériences ont montré que fournir du bio dans les collectivités territoriales coûte moins cher à la collectivité à la fin. Souvent, ce qui peut faire que le prix du bio arrive plus cher, où le prix de produits de cycles de qualité aussi, c'est généralement au niveau des distributeurs qui font en sorte de marger plus sur les produits bio. C'est ce qui a justement concouru, un peu, à la baisse de la bio parce qu'il y a une image qui était dégradée à ce niveau-là. Mais on sait aujourd'hui que l'agriculture biologique n'a pas de problème technique de production. Elle a des difficultés de mise sur le marché. Et c'est justement pour ça qu'on a besoin de la commande de l'État et des collectivités pour démontrer que produire sainement coûte moins cher et que c'est bénéfique à la société.
Est-ce que les rendements sont un peu plus faibles en bio parce qu'il y a moins de rendement à l'hectare. Et donc du coup on n'a pas les mêmes économies d'échelle en raison de production moindre. Est-ce que ça justement pour rebondir à ce que disait Antoine Pariset, c'est pas un peu le problème. Il y a moins de pour revenir à ce que disait Chsitophe Guilloateau l'agriculture lourde disons économiquement importante. Il y a des problèmes d'économie d'échelle du bio ?
Marc Rivoire : Non il n'y a pas de problème d'économie d'échelle. Et puis, de toute façon, si on a une vision long terme, l'agriculture biologique est une agriculture de conservation. C'est une agriculture qui va permettre au sol d'être préservé, à l'eau d'être préservée. Il y a une étude d'un chercheur d'Agro Bordeaux qui a démontré qu'on pouvait aller jusqu'à 60% de bio au niveau mondial et être suffisant alimentaire. C'est pas le sujet en fait. Le sujet c'est la préservation de l'environnement de la santé humaine, puisque, par exemple, les collèges sont alimentés, comme le disait Antoine Pariset, par les agriculteurs bio du Rhône.
Antoine Pariset : Et puis il y a une vision complètement caricaturale, c'est-à-dire qu'on ne peut pas dire qu'il y a une agriculture lourde - on n'a pas très bien compris ce que c'était - et une agriculture bio ou de qualité qui serait de niche. La question c'est plutôt de savoir qu'est-ce qu'on veut comme agriculture c'est-à-dire une agriculture qui préserve les sols une agriculture, qui fait envie, qui fait aussi envie aux jeunes de s'installer et de reprendre des fermes. Et ce sont ces démarches de qualité-là qui encouragent l'agriculture dans le département et partout en France. Donc c'est ça qu'on doit encourager. Je prends justement vous disiez que par exemple il peut y avoir des difficultés dans la culture biologique. On sait au niveau de la viticulture, ça a été une année extrêmement compliquée dans le Beaujolais notamment, mais aussi dans les coteaux du Lyonnais, on aurait bien besoin justement du département et de la métropole pour encourager et soutenir cette production-là parce qu'on sait très bien que la culture biologique et les démarches de qualité amènent du progrès dans nos campagnes et de l'apaisement avec les riverains notamment au niveau des questions phytosanitaires. On a besoin de l'argent public à ce niveau-là.
Voilà en tout cas c'est le message que messieurs Antoine Pariset et Marc Rivoire vous voulez faire passer sur ce plateau c'est une chrono. L'émission touche à sa fin on pourra en parler des heures. En tout cas voilà vous avez répondu au président du département qui vous répondra peut-être aussi.
Avec plaisir.
Le fric et ses impératifs tueront le "bio".
C'est la guerre des intérêts économiques sans fin avec la guerre commerciale. Il est temps de comprendre que la solution est postmonétaire. 🙂