des vignes à Bagnols dans le beaujolais
Bagnols ©Tim Douet

"Les beaujolais nouveaux sont des vins gouleyants qui appellent à boire"

Ils sont arrivés les beaujolais nouveaux. Goût de banane ? On vous explique la raison et pourquoi ça n'arrivera plus.

"Le beaujolais est avant tout un vin de lutte des classes. C’est le vin des canuts et le vin des rad-soc’s. Le vin de Gnafron et le vin d’Édouard Herriot. Le vin des bleus de chauffe et le vin des costumes-lavallière. Le vin de la Vache-qui-rit et le vin du gigot-qui-pleure. Le vin des mâchons entre vieux potes et le vin des déjeuners de famille. Le vin de la gauche-saucisson et le vin de la droite-pot-au-feu. Le "beaujolpif" des meetings et le saint-amour des mariages."

Bernard Pivot, propriétaire d'une maison à Quincié, a tout dit dans son Dictionnaire amoureux du vin (Plon, 2006). La langue de Molière au service d'un vin qui a toujours souffert d'une mise à l'écart, d'un certain "ostracisme moutonnier".

Montée en gamme

Faute, dans les années 80, à un vignoble qui s'est vu trop beau : gros rendements, surchaptalisation (ajout de sucre au jus de raisin pour augmenter le degré d'alcool final du vin, après la fermentation alcoolique). Et manque de discernement de certains viticulteurs.

Résultat : le vignoble a profité de son privilège de pouvoir sortir des vins avant tout le monde (les primeurs) en forçant sur les beaujolais nouveaux, ces vins fruités et très souples en bouche, résultat d'une processus d'élaboration spécifique (la macération carbonique en grappes entières qui fait ressortir le fruité naturel du cépage).

Pour en savoir plus : La vinification beaujolaise, un procédé à nul autre pareil

"Il y a tout le travail d'un vin normal, toutes les opérations habituelles, on n'élude aucune étape, explique Didier Falque, directeur technique et maître de chai d'Oedoria (caves coopératives de Liergues, Theizé, Létra et Gleizé). C'est même très technique parce qu'il faut être prêt le jour J."

"Aujourd'hui, les beaujolais, y compris les primeurs, sont montés en gamme. Dans le beaujolais générique aujourd'hui, on doit être de l'ordre de 6-7 000 hectares. Alors qu'avant on était à 14 000 dans les beaujolais générique. Je ne parle pas avec les crus. Ça a permis d'assainir, le marché qu'il y ait bien moins de production et les vignes sont beaucoup plus vieilles qu'avant donc elles produisent beaucoup moins. Donc le côté qualitatif a été rehaussé."

Vins de gourmandise et de bonne humeur

Les beaujolais nouveaux sont des vins de gourmandise, des vins joyeux, de bonne humeur, "à la bouche de printemps dans un automne mélancolique" (Pivot).

Quand les villages se teintent d’ocre, que les arrondis se dessinent au loin, entre collines vineuses et vallées serpentines, ses petites routes sinueuses vous emmènent d’un village à l’autre où, parfois, la nature a été transformée en tableau de maître. Festival de galbes, agapes graphiques, récital écologique majeur à seulement quelques encablures de Lyon l’australe et de Mâcon la septentrionale. Plus au nord, c’est l’ère des beaujolais-villages avec ses bourgs pittoresques et ses vignobles pentus. Les troublantes ressemblances du pays des Pierres Dorées avec le val d’Orcia, dans la province de Sienne, et ses collines argilo-calcaires, l’ont naturellement révélé comme "la petite Toscane beaujolaise".

Lire aussi :
- Vignes et dérèglement climatique : le grand enjeu économique
- La route des vins. Les beaujolais, de l’ocre en bouteille


La retranscription intégrale de l'entretien avec Didier Falque

Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau rendez-vous de 6 minutes chrono, nous recevons aujourd'hui Didier Falque bonjour.

Bonjour.

Didier Falque, vous êtes directeur technique et maître de chai à Oedoria, fusion réunion de quatre caves coopératives du Beaujolais Liergues, Theizé, Létra et Gleizé. Ça représente à peu près 250 vignerons sur 800 hectares de vignobles c'est situé dans le sud-ouest du Beaujolais. Peut-être une première question pour les Beaujolais nouveaux qui sont débloqués le 3e jeudi de novembre en termes de volume ça représente quoi Oedoria ?

Oedoria représente environ 15 000 hecto de beaujolais nouveaux, dont 2 500 hecto de beaujolais nouveaux rosé qui est une particularité, et 13 000 et quelques hecto de beaujolais nouveau rouge.

Donc ça c'est de la bouteille ou c'est aussi du négoce ?

C'est du négoce et de la bouteille voilà. Donc nous on fait une grosse partie de vente aux négociants et une petite partie de vente de bouteilles qui représente environ 140 000 bouteilles sur le réseau traditionnel français, caviste, restauration en particulier, et les boutiques.

Et alors cette année parce que forcément c'est la question le beaujolais nouveau alors quel goût il va avoir ? De toute façon, le beaujolais c'est fruité mais est-ce qu'il y a une typicité de ce Beaujolais nouveau cette année en 2023 ou pas ?

Moi j'ai l'habitude de dire que le beaujolais nouveau a le goût de raisin et surtout du gamay, qui est un vin fruité donc voilà. Donc cette année, où il n' a pas fait très, très chaud quand même durant toute l'année, malgré une très grosse chaleur pendant les vendanges, le beaujolais nouveau a des goûts fruités de petits fruits rouges etc. .

Oui ce sont des vins simples finalement mais ce qui ne veut pas dire simple ce qui ne veut pas dire que derrière il n'y a pas un travail de macération. Il y avait quand même une question que je voulais vous poser effectivement pour nos téléspectateurs c'est que finalement le beaujolais nouveau c'est un primeur mais qu'est-ce qu'on appelle un primeur en termes de savoir-faire de macération ? Est-ce que vous pouvez rapidement nous expliquer ?

Un primeur, en fait, c'est un vin on va dire qui a le droit d'être vendu avant les autres vins de garde, qui ne peuvent être vendus qu'à partir de certains vins courant d'année de janvier, février, mars en fonction des appellations. Et c'est des vins qui sont prêts à boire de bonheur donc le gamay y prête beaucoup très bien et donc c'est fruité. Mais il y a tout le travail d'un vin normal qui est fait, toutes les opérations habituelles sont faites et on n'élude aucune étape.

Oui c'est pas comme certaines mauvaises langues le disent les primeurs c'est pas simplement ramasser le raison le mettre dans une cuve et puis on laisse faire.

Pas du tout, au contraire, c'est même très technique parce qu'il faut être prêt le jour J.

Il faut être prêt le jour J exactement. Alors pendant très longtemps on a entendu cette ritournelle, et on l'entend parfois encore un peu même, si effectivement les beaujolais nouveaux sont clairement montés en gamme ces vingt dernières années, ce fameux goût de banane on est d'accord ça vient d'une levure ?

Il n'y a pas un goût de banane mais des arômes qui se rapprochent du goût de banane. Autrefois il y avait une levure qui avait tendance à donner ces goûts-là. Mais aujourd'hui c'est quelque chose qui n'est plus employée et on travaille plutôt sur un assemblage de levures ou du sans levurage. Mais c'est fruité parce que c'est des vins jeunes et le gamay se prête bien à ce type d'arôme.

Oedoria je crois que ça a été monté en 2009 ?

Exactement.

Dans ces années-là, aux alentours de 2010, le beaujolais se portait quand même très, très mal. Aujourd'hui, quelle est l situation du beaujolais ?

On va dire que le Beaujolais se porte bien mais il ne faut pas oublier qu'on a perdu beaucoup d'hectares. Beaucoup de vignes ont arrêté ou les vignes n'ont pas été reprises par des successions. On a peut-être perdu 30%, 40% de nos surfaces. I

l y a quelle surface aujourd'hui vous diriez dans le Beaujolais ?

Dans le Beaujolais générique aujourd'hui, on doit être de l'ordre de 6-7 000 hectares. Alors qu'avant on était à 14 000 dans les beaujolais générique. Je ne parle pas avec les crus. Ça a permis d'assainir, le marché qu'il y ait bien moins de production et les vignes sont beaucoup plus vieilles qu'avant donc elles produisent beaucoup moins. Donc le côté qualitatif a été rehaussé.

Et est-ce qu'en parallèle il y a eu aussi des efforts des travaux faits sur le rendement à l'hectare ou pas ?

Bien sûr mais il y a eu des années où les vignes étaient jeunes et on faisait beaucoup de rendements donc les vignerons faisaient des efforts pour faire baisser la quantité de raisin. Mais aujourd'hui, avec le vieillissement des cépages et l'ensoleillement, aussi, il faut savoir qu'aujourd'hui il fait chaud, ça a profité aux beaujolais pour monter en richesse. Et aujourd'hui les beaujolais ce n'est plus les beaujolais d'il y a 25 ans qui étaient très légers. Aujourd'hui il y a du vin c'est agréable.

Et alors il y a une particularité Oedoria, ce sera ma dernière question c'est qu'effectivement vous avez une très large gamme de vins rosés blancs rouges. Vous faites aussi des crémants de Bourgogne je crois 400 mille bouteilles par an. les crémants de Bourgogne expliquez-nous un peu pourquoi ça rencontre un tel succès.

Donc nous, quand on a fusionné avec la cave de Liergues, qui était précurseur dans les crémants de Bourgogne, on a développé cette activité. Aujourd'hui on va dire on fait 250 hectares pour les crémants de Bourgogne, une partie qui est vendue au négoce, et l'autre partie qui est fait pour notre mise en bouteille, 400 000 bouteilles. Et c'est quelque chose qui progresse et on progresse sur des cuvées spécifiques de terroir. Et donc le crémant de Bourgogne c'est un vin qui est fait avec une méthode traditionnelle, comme le champagne. Et c'est quelque chose qui demande beaucoup de personnel et beaucoup de temps.

Merci beaucoup Didier Falque. Merci au revoir.

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