Six ans après avoir été choisie par le gouvernement pour faire partie d’un réseau de vitrines de la culture culinaire française – avec Tours, Paris-Rungis et Dijon –, la Cité internationale de la gastronomie de Lyon ouvre officiellement ses portes le 19 octobre prochain au cœur du Grand Hôtel-Dieu. Ce nouveau "label" a pour ambition déclarée de faire de Lyon la capitale de la gastronomie française. Mais au-delà de l’étiquette, se joue le positionnement de Lyon sur la scène internationale avec, en toile de fond, de puissants enjeux touristiques et économiques.
Lyon a beau être arrosée par trois grands fleuves, ce vendredi 11 janvier 2013 elle a bien failli boire le bouillon. Lorsque, dans la matinée, la Mission française du patrimoine et des cultures alimentaires (MFPCA) rend son verdict, Lyon retient son souffle. La douche est aussi froide que les températures du jour : Lyon n’est pas qualifiée pour accueillir la Cité de la gastronomie. En réalité, aucune des quatre candidatures proposées ne pouvant prétendre seule à la création d’un grand et unique établissement à vocation internationale dédié aux cultures culinaires de France et du monde, "un Beaubourg de la cuisine" pour reprendre les mots du journaliste Jean Ferniot, la MFPCA préconise un réseau de Cités de la gastronomie, avec un ticket "Tours - Paris-Rungis - Dijon”. Lyon est donc écartée, "mise au ban" déclareront certains. Gérard Collomb se dit "sidéré" qu’on choisisse "trois villes et pas Lyon". Son adjoint aux relations internationales Jean-Michel Daclin va même jusqu’à mettre en cause l’impartialité du président du jury qui, pour des raisons de "carrière personnelle", aurait choisi "un réseau de villes" plutôt qu’une seule. Les élus d’opposition s’en donnent à cœur joie pour tacler la majorité en place. Lyon n’est pas dans le classement du New York Times des “Places to go in 2013” ? La faute au rejet de la candidature de la ville. L’ambiance est aux règlements de compte et à la gueule de bois.Si Paris vaut bien une messe...
Il faut dire que Lyon partait avec le handicap de son retard à l’allumage. De l’aveu même de Jean-Robert Pitte, le président du jury, Lyon n’(avait) "pas assez pris au sérieux" le dossier et les chemises de candidature de plusieurs villes étaient déjà sur le bureau de la Mission française du patrimoine et des cultures alimentaires quand Lyon crachait dans la soupe, persuadée que son passé culinaire ne pouvait de toute façon que plaider en sa faveur. Pourtant, en coulisses, Jean-Michel Daclin et les chefs Christian Têtedoie et Régis Marcon se démenaient. Mais devant l’absence de soutiens politiques, des initiatives citoyennes se mettaient aux fourneaux et une page Facebook de soutien à la candidature lyonnaise fédérait les Lyonnais autour du projet. @Thierry Fournier À la surprise générale, un mois avant la présentation du projet, le maire de Lyon raccrochait les wagons et se posait en fervent défenseur de la Cité de la gastronomie. Peine perdue. Lyon était recalée. Mais cinq mois plus tard, les ministères de la Culture, de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire intégraient Lyon au réseau. Contrairement à ce que certains éditorialistes ont écrit, l’occasion manquée n’était pas impossible à rattraper. "Cela aura été un peu long, mais enfin on y arrive, résume Jacotte Brazier, petite-fille de la mère lyonnaise du même nom. Et si Paris vaut bien une messe, alors Lyon vaut bien une Cité de la gastronomie."Un poncif identitaire...
L’impatience de voir l’adage de Curnonsky qui consacrait Lyon "capitale mondiale de la gastronomie" prenait corps. Car de l’aveu même des concepteurs de la Cité de la gastronomie lyonnaise, "à l’issue de sa visite, le visiteur doit avoir compris pourquoi Lyon est considérée comme une, si ce n’est LA, capitale de la gastronomie française". Quelle réalité cette formule, devenue un poncif de l’identité et de la tradition lyonnaises, reflète-t-elle aujourd’hui ? Contrairement à une légende encore tenace, il ne s’agit pas d’une autoproclamation des Lyonnais, mais d’un bon mot du polygraphe et journaliste parisien Curnonsky qui, en 1925, déclara avec le Genevois Marcel Rouff – avec qui il inventa le "guide gastronomique" en publiant un Tour de France gastronomique – "Lyon, nous n’hésitons pas à le dire, à l’écrire et à le proclamer, est la capitale gastronomique du monde." À titre d’arguments, les deux auteurs citent la diversité des produits, la richesse des terroirs environnants, le savoir-faire des métiers de bouche, les productions illustres ou le "culte de la table à tous les degrés de l’échelle sociale".Il vous reste 58 % de l'article à lire.
Article réservé à nos abonnés.