Un authentique bouchon, qui a fait la légende de Lyon, remet au goût du jour un plat de cochonnailles consommé par les Romains de Lugdunum. Et ce n’est pas un poisson d'avril.
Alors que les légumes anciens sont revenus en force depuis quelques années sur les étals des marchés et, du coup, dans les assiettes des restaurants, c'est au tour des recettes disparues de refaire leur apparition. Fin mars, dans son restaurant La Voûte Chez Léa, le chef Christian Têtedoie avait remis au goût du jour quelques plats tombés aux oubliettes gustatives, comme la mousse d'écrevisses bleuette de la "mère Guy", le gratin du chanoine de Charles Morateur, le lapin au rhum de Léa Bidault, les paupiettes de filets de sole en cocon de Joannès Nandron ou la chamoure, un plat qui se mangeait jadis dans les revoles, ces fêtes paysannes qui célébraient la fin des vendanges ou des moissons dans le Beaujolais, le Lyonnais et le Mâconnais.
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"Vraie friandise" chez les Grecs
Vendredi 5 avril, c'est Marc Georgette, l'avenant patron du Petit bouchon chez Georges – l'une des références absolues en matière – qui s'y colle. Cet apôtre de la tripaille et de la cochonnaille du quartier Opéra va revisiter un plat doublement millénaire que les Romains et les Grecs de l'Antiquité mangeaient déjà : la saumate.
Rabelais – qui s'installa à Lyon au printemps 1532 et où il commit Pantagruel et Gargantua – le citait dans Le Quart livre des faictz et dictz Heroïques du noble Pantagruel, paru en 1552. Il écrivait à ce propos que la recette aurait dû s'écrire summate plutôt que saumate, le mot venant du latin sumen, sumata au féminin (graisse du bas ventre en latin; summata, graisse du porc en italien). Ils rappelle aussi que les Grecs en faisaient une "vraie friandise".
Concentré de cochonnailles
Près de quart siècles plus tard, en 1933, dans son livre Myrelingues* la brumeuse ou L'an 1536 à Lion sur le Rosne, Claude Le Marguet décrit la saumate comme "un fin ragoût de cochon surmonté de côtelettes à l’oignon, cervelas fumés, saucissons fumants, couennes grasses, grattons de saindoux fondu, et andouillettes, caparaçonnées de moutarde fine." Autrement dit, il ne s'agit ni plus ni moins qu'un concentré de l'essentiel des cochonnailles lyonnaises. Marc Georgette, le patron du Petit bouchon chez Georges le revisite avec tête, pieds et queues de porc, paquets de couenne, saucisson à cuire, andouillette XXL à la moutarde, côtes à l’oignon et jarret de veau. Pour l'écrivain culinaire Yves Rouèche, en cours d'écriture d'un livre sur les recettes disparues de la gastronomie lyonnaise (et qui a sollicité le cuisinier pour cette proposition hautement condamnable), "la saumate est une véritable carte postale de la gastronomie lyonnaise à elle seule" .
* Myrelingues est une création de François Rabelais pour désigner Lyon (dans Pantagruel), signifiant "mille langues". Brumeuse, car la ville a longtemps été considéré comme secrète et mystérieuse.
Desserts oubliés
Si la saumate est le clou du dîner, le bouchon proposera aussi une soupe de tripes en entrée et deux desserts oubliés, la tourte lyonnaise (tarte à la marmelade de pomme recouverte d'un quadrillage de pâte) et les "Délicieuses lyonnaises" (entremets constitué d’œufs à la neige, aux raisins et fruits confits macérés dans le kirsch, cuits avec du caramel, et servis avec une crème à la vanille).
Nostalgie des plats, mémoire des gourmandises d'antan, références du passé, aujourd'hui on veut manger de la culture gastronomique, de l'Histoire dans son assiette.
Vendredi 5 avril. Menu complet : 45€. Sur réservation uniquement. Au Petit Bouchon chez Georges 8, rue du Garet. Lyon 1er (quartier Opéra) 04 78 28 30 46