Le restaurant Pierre Orsi, qui tient le Relais & Châteaux de la place Kléber, à Lyon, est une incarnation magistrale de la cuisine bourgeoise française.
Depuis 1926, trois chefs se sont succédé dans l'une des plus anciennes maisons du 6e arrondissement de Lyon, construite par l'architecte Morand. C'est aujourd'hui Pierre Orsi, le "vieux sage du Lyon gourmand", qui est à l'oeuvre. C'est un conservatoire de l'art de vivre à la française, une douce boîte à musique, un brin désuète, où l'on célèbre la grande cuisine bourgeoise. Boiseries, tentures, sols anciens de terre cuite cirée, émanations des châteaux du Bordelais, bronzes, immenses glaces, cristal de Baccarat, argenterie à tous les étages, la maison Orsi est une précieuse bonbonnière au cœur de Lyon, où le boléro des ballerines joue l'accord parfait avec le ballet des assiettes clochées. À l'envi d'un Paul Bocuse, dont il fut le disciple, Pierre Orsi a résisté aux modes et aux changements incessants. Le numéro 3 de la place Kléber, dans le chic quartier des Brotteaux, cultive ce goût du passé, où le temps semble s'être figé, symbole d'une France glorieuse, prospère et idéalisée.L'école Bocuse
@Tim Douet Le style, Pierre Orsi l'a ramené des États-Unis, où il officia comme chef à Los Angeles et Chicago, au milieu des années 60, début des années 70. Pourtant, rien ne prédestinait ce Lyonnais, fils de restaurateur corse, a migrer aussi loin des casseroles paternelles. Pierre Orsi est tombé dans la marmite à sa naissance. Son père, Louis, était un fieffé restaurateur-hôtelier à Poleymieux-au-Mont-d'Or - là-même où le physicien André-Marie Ampère y passa son enfance. Sa mère, elle, excellait dans la recette de la langouste Thermidor*. L'auberge attirait alors le tout Lyon (le père avait tenu, après-guerre, Le Comptoir de Lyon, rue Tupin, cédé par la suite à son frère Paul Orsi). "Gamin, j'écossais les petits pois, je tirais le vin, je balayais les feuilles mortes sur la terrasse, je débarrassais les tables... On n'avait pas de vacances. C'était comme ça, il fallait aider les parents." Si le petit Pierre est plus intéressé par la salle que la cuisine, son père l'envoie malgré tout en apprentissage chez Georges Bocuse, le père de Paul qui, à l'époque, n'est encore qu'apprenti à Collonges. "C'était très dur. Monsieur Paul poussait des gueulantes à vous faire vaciller. On en oubliait même de manger...Si on ratait une mayonnaise, il nous en barbouillait le visage." Aujourd'hui, le disciple et compagnon en parle avec déférence et affection. "Pour moi, Paul Bocuse, c'est un deuxième père. Il m'a mis les pieds à l'étrier et a lancé ma carrière."Il vous reste 71 % de l'article à lire.
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