À l’occasion des 90 ans de Paul Bocuse, ce jeudi 11 février, 5 chefs lyonnais plébiscités par Lyon Capitale ont revisité, avec son approbation, les classiques du “pape de la gastronomie”. Une première.
Un exercice un brin périlleux car jamais, de son vivant, un cuisinier n’avait imposé autant de “plats signatures” passés au rang d’incontournables de la gastronomie française et mondiale. En d’autres termes, des plats dont on se souviendra encore dans cent ans. Car la force de Paul Bocuse – seuls ceux qui n’y sont jamais allés en doutent encore – est justement de vous faire venir de très loin, un peucomme en pèlerinage. La définition d’un trois-étoiles au Michelin n’est-elle pas “Mérite le voyage” ?
Au-delà de s’être pris au jeu, les cinq chefs ont mis leur recette “bocusienne” revisitée à la carte de leur restaurant ce 11 février, jour de l’anniversaire de Paul Bocuse.
5 plats “signature” de Paul Bocuse
revisités par 5 chefs lyonnais
Le filet de sole aux nouilles Fernand Point, par Julien Gautier
La petite histoire. Il s’agit d’une recette de Fernand Point, trois étoiles à Vienne (1933-1986) pour son restaurant La Pyramide, dont Paul Bocuse fut l’élève. Il a repris cette recette en hommage à son pygmalion, tout en la modernisant. Ce sont deux filets de sole posés sur des tagliatelles fraîches, dans un sabayon gratiné, accompagnés de dés de tomate et de champignons cuisinés au vin blanc. L’un des plats les plus bouleversants du répertoire culinaire français.
La recette de Julien Gautier
Les filets de sole sont cuits à la vapeur (8 minutes à 80°C) et farcis d’une duxelles de champignons, le tout présenté dans un cerclage de nouilles.
M Restaurant – 47 avenue Maréchal-Foch, Lyon 6e
Le rouget barbet en écailles de pomme de terre croustillantes, par Jérémy Galvan
La petite histoire. Une recette à la fois simple et très ouvragée, d’une grande finesse mais qui exige un montage particulièrement minutieux : des disques très fins de pomme de terre, blanchis dans de l’eau salée, sont soigneusement rangés sur la peau des rougets (enduite de jaune d’œuf), en remontant de la queue vers la tête comme pour reconstituer les écailles. Inévitable.
La recette de Jérémy Galvan
Ici, le rouget a perdu ses écailles de pomme de terre. Le chef a privilégié des topinambours fumés et une émulsion de Noilly Prat au foin. Jérémy Galvan a prévu de mettre la recette à son menu “Lâchez prise”.
Restaurant Jérémy Galvan – 29 rue du Bœuf, Lyon 5e
La soupe aux truffes noires VGE, par Augusto Barro
La petite histoire. “Quelques semaines avant d’être reçu à l’Élysée, en 1975, je vais dîner chez mon ami Paul Haeberlin, en Alsace. Là, je déguste une truffe entière enveloppée avec des dés de foie gras dans une pâte feuilletée, le tout présenté dans une petite cocotte blanche qu’on utilise pour les soufflés. Je fais remarquer à Paul que c’est une très belle invention. “L’idée n’est pas de moi, me dit-il. Je me suis inspiré du chicken pie qu’on prépare en Angleterre.” Peu après, je suis allé rendre visite aux producteurs de truffes de Basse-Ardèche. Comme chaque année, le soir, on a été invités à manger la soupe de légumes chez les paysans. Le pépé a posé le panier de truffes au milieu de la table et a dit : “Allez, monsieur Bocuse, prenez une truffe et coupez-la en petits morceaux dans votre bol !” En rentrant à Collonges, j’ai mis au point la recette avec mon chef Roger Jaloux en utilisant une soupière à gratinée lyonnaise. Nous y avons ajouté des dés de foie gras et des blancs de volaille cuits. Dès le lendemain de la réception à l’Élysée, j’ai mis cette entrée à la carte sous le nom de “soupe aux truffes VGE”. Des années plus tard, quand François Mitterrand est venu dîner à Collonges, il m’a lancé : “Surtout, ne me servez pas vos cailles de la cohabitation !”” Citation extraite de Paul Bocuse, le feu sacré, d’Eve-Marie Zizza-Lalu (éditions Glénat).
La recette d’Augusto Barro
Des tortellinis de poulet, foie gras et truffes sont plongés dans un bouillon de bœuf-carottes-céleri, évidemment recouvert de la fameuse croûte feuilletée qui permet de cuire le bouillon à l’étouffée.
Restaurant Augusto – 6 rue Neuve, Lyon 2e
Le loup en croûte feuilletée, sauce Choron, par Younghoon Lee
La petite histoire. Le loup, aussi appelé bar, garde toute sa finesse grâce à la préparation en croûte, c’est-à-dire qu’il est cuit (après avoir été farci d’estragon, de cerfeuil et de persil) au milieu d’une pâte feuilletée pour garder tout son arôme. La sauce Choron (base de sauce béarnaise tomatée) est à se damner. Quand le loup arrive, entier, présenté sur son plateau en argent, et qu’il est découpé sur place de façon très cérémoniale par l’un des maîtres d’hôtel, la salle ne peut s’empêcher de lorgner votre table.
La recette de Younghoon Lee
Le chef coréen (qui voue un véritable culte à Paul Bocuse) ajoute à la farce d’herbes originelle une mousse de sandre, de noix de Saint-Jacques, de pistaches et d’estragon. La sauce Choron est servie en espuma à l’aide d’un siphon.
Restaurant Le Passe Temps – 52 rue Tronchet, Lyon 6e
Le filet de bœuf Rossini, sauce Périgueux, par Alexis Lauriac
La petite histoire. Encore une fois, c’est à travers le registre des sauces que le répertoire bocusien s’identifie. Pour ce filet de bœuf Rossini (sur lequel sont superposés un médaillon de foie gras poêlé et une tranche de pain grillé), c’est la sauce Périgueux qui est à l’honneur : emblème de la gastronomie aquitaine à base de truffe et de cognac, beaucoup plus légère qu’on ne l’imagine.
La recette d’Alexis Lauriac
Le chef fait une interprétation froide et graphique du plat de Collonges, mélange de tradition et de contemporain. Le foie gras est poêlé en petits cubes, deux rondelles de pommes de terre au centre desquelles est insérée une julienne servent de socle au plat.
Les plats autant que les pâtisseries ont l'air délicieuses ! Cela doit être un plaisir gustatif. Et bon appétit bien sur 😉