Le banc de la maison Sibilia aux halles de Lyon © Antoine Merlet
Le banc de la maison Sibilia aux halles de Lyon © Antoine Merlet

Récit. 50 ans des Halles de Lyon-Paul Bocuse

Le ventre de Lyon fête ses 50 ans (51 en fait). Retour sur l'histoire du coeur palpitant de la capitale des gueules.

C'est le temple de la gastronomie lyonnaise. Là où se concentrent toute la richesse et la diversité des produits de la région (poissons, viandes et volailles, fruits et légumes, fromages, etc.) – véritable terre d'abondance – qui constituent le socle de la gastronomie lyonnaise. Le "ventre"  de Lyon (où les "pauvres gens" ne s'entassent pas, confer Le Ventre de Paris de Zola) est aujourd'hui le haut lieu gastronomie-touristique de la ville, là où Bocuse s'imposa comme le pygmalion de la haute gastronomie française. Paul Bocuse dont le nom est associé depuis 2007. Certains week-end, jusqu'à 10 000 personnes s'y pressent. Les halles incarnent la lyonnitude (qui "n'est pas autre chose que l'ensemble des éléments qui font que l'on se sent lyonnais" explique l'historien Bruno Benoît).

Anciennes halles de Lyon, aux Cordeliers © Archives municipales (4FI 1388)
Anciennes Halles de Lyon, aux Cordeliers © Archives municipales (4FI 1388)

En ce froid 3e jour de janvier 1971, l'émotion est grande à Lyon. Aux Cordeliers, les commerçants des halles, vaste bâtiment métallique imaginé par Tony Desjardins  (qui lui valu une mention honorable du jury international de l’Exposition des Beaux-Arts de Paris), sous l'instigation du préfet Vaïsse; cessent toute vente à midi pile. En octobre 1970, le conseil municipal de Lyon, présidé par Louis Pradel, avait décidé de livrer les halles des Cordeliers aux démolisseurs la carcasse de verre et de métal, véritable "maison des courants d'air". Au-delà du fait qu'il faisait aussi froid dedans que dehors et, que de mémoire de commerçants, les serpillères gelaient et les chauffe-eau éclataient en hiver, c'était le stockage des denrées qui ne correspondait plus aux normes d'hygiène, sans compter le stationnement qui posait également de nombreux problèmes.

En vidéo, le traditionnel tiercé des cochons organisé autour du bâtiment, en plein centre de Lyon

Des courants d'air... à l'air conditionné

Son édification, par la Compagnie de la rue Impériale, avait débuté au printemps 1858. Elle dura une année.  "Les Halles Cordeliers", comme elles furent rapidement dénommer, ouvrirent leurs portes le 1er mars 1859. Au départ, le marché couvert (308 cases de deux mètres par deux !) était destiné à réunir les étals de certains marchés de plein air. A l’usage, il se transforma en véritable halle, dès lors que les commerçants furent autorisés à laisser en permanence leurs bancs et leurs balances.

Grosse émotion donc début janvier 1971 quand les grues attaquent la grande carcasse de verre et de métal. Le déménagement, dont on imagine le chantier, était programmé du 4 au 8 janvier (qui s'échelonneront en réalité jusqu'à la fin du mois) pour un début d'activité le 9 janvier. 68 commerces élisent domicile "dans des installations, euh, très fonctionnelles" raconte la télé de l'époque, le présentateur ne manquant néanmoins pas de souligner  "(l')air conditionné, (le) modernisme des installations (et les) parkings aux environs du bâtiments"

En 2004, la Ville de Lyon engage à nouveau un chantier d’importance, entre rénovation, restructuration et mise aux normes européennes d’un lieu qui participe aujourd’hui largement au rayonnement culturel et économique de la Ville. Le "ventre de Lyon" avait vieilli avec ses allées sombres, ses façades grises et ses entrées quasi invisibles. On greffe au bâtiment une grande façade verrière qui coiffe l’existant.

Le lieu a été rebaptisé "Halles de Lyon – Paul Bocuse", en en hommage au célèbre chef qui en a fait la notoriété, tant au plan local et qu'au niveau international.

Dans l'ouvrage pluridisciplinaire Voyages en gastronomie - L'invention des capitales et des régions gourmandes  (éditions Autrement, 2008), Isabelle Lefort, professeur de géographie à l'université Lyon 2, écrit : " 'Exceptionnelles', les Halles le sont sans doute par leur quasi-unicité. Certes, il en existe d'autres mais, plus modestes en taille et en offre commerciale, elles s'apparentent davantage à de "petites halles couvertes" demeurées dans leur cadre XIXe. Seules les Halles Paul-Bocuse méritent la majuscule. Si elles sont assez "exemplaires", c'est par le maintien d'un souci de "tradition" et de "qualité"."


"C'est là qu'officient les grands noms des Halles lyonnaises (...), que se fournissent les grandes tables lyonnaises (...), que se tisse le réseau entre fournisseurs et cuisiniers, que réside le creuset de la gastronomie lyonnaise, le sanctuaire de l'authenticité gastronomique lyonnaise."
Isabelle Lefort, professeur de géographie à l'université Lyon 2, spécialiste des questions d'histoire et d'épistémologie de la géographie


Charcuterie Sibilia – Halles de Lyon © Antoine Merlet

"Au coeur, les figures de la notoriété, hauts lieux de fréquentation et de visite, telle une mise en abime du territoire touristique lyonnais.  C'est là que se trouvent les maisons de l'identité lyonnaise, celles-là mêmes que l'on retrouve dans le centre historique de la ville (principe de réseau), celles qui font la référence des cartes des bouchons, et que l'on retrouve sur l'ensemble des sites de promotion touristique. Dans le langage touristique, il s'agit du sight seeing : lieux incontournables ancrés dans les pratiques à grand renfort de communication".

Et d'ajouter, dithyrambique, que "c'est là qu'officient les grands noms des Halles lyonnaises (...), que se fournissent les grandes tables lyonnaises (..., que se tisse le réseau entre fournisseurs et cuisiniers, que réside le creuset de la gastronomie lyonnaise, le sanctuaire de l'authenticité gastronomique lyonnaise."

Au menu des 51 ans (les festivités du cinquantenaire ayant dû être déplacées en raison du Covid), célébrés  jusqu'au 20 novembre, un atelier de cuisine, une exposition photo intitulée "Les Halles de Lyon, une histoire lyonnaise" est ouverte à tous, une ouverture nocturne est prévue le 17 novembreou encore des visites guidées gratuites, des réductions...


Pouces-pieds et plateau de fruits de mer de la maison Pupier – Halles de Lyon © Antoine Merlet
Pouces-pieds et plateau de fruits de mer de la maison Pupier © Antoine Merlet

Les Halles de Lyon-Paul Bocuse en chiffres

13 500 m2 répartis sur 3 niveaux
56 commerçants, dont 12 restaurateurs
17 tonnes de marchandises
60 millions d'euros de chiffre d'affaires annuel
450 salariés y travaillent
3e site le plus visité à Lyon, avec 1 million de visiteurs/an


Un régime de concessions aux Halles de Lyon

La fromagerie de la Mère Richard, aux Halles de Lyon © Tim Douet

Claude Polidori, le président des commerçants des Halles de Lyon-Paul Bocuse explique que le système de d'installation est  un régime de concessions, qui, selon lui, permet de maintenir une saine concurrence et d’harmoniser l’activité commerciale.

Pour bien comprendre, le Halles sont un service public communal : la ville met à disposition de commerçants privés un bâtiment qui appartient au domaine public, en échange, les commerçants doivent s'acquitter d'une double redevance. La première sert à couvrir les charges supportées par la ville de Lyon, il s'agit essentiellement du nettoyage, de l'eau et de l'électricité des parties communes, de la collecte des déchets, du gardiennage, de la masse salariale des personnels municipaux intervenant sur le site. La seconde est un droit de place que les commerçants paient pour pouvoir occuper les Halles à des fins commerciales.

En 2015, les les magistrats de la chambre régionale des comptes mettaient les pieds dans le plat en réprouvant fermement la cession illégale des fonds de commerce des Halles de Lyon, sanctuaire de la gastronomie lyonnaise.

Lire aussi : La cour régionale des comptes (2015) réprouve fermement la cession illégale des fonds de commerce des Halles de Lyon, sanctuaire de la gastronomie lyonnaise.

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