Le Café des Artisans - Bouchon de Muriel, authentique bistrot lyonnais diplômé des Francs-Mâchons et littéralement adulé au pays du Soleil-Levant, est en passe de fermer.
On a tous ses petites adresses. Son gras double préféré (Le Jura), ses œufs en cocotte au saint-marcellin attitrés (Chez Georges), son gâteau de foies de volailles favori (Chez Hugon), sa quenelle bien-aimée (Café du Soleil, Chez Paul), son ragoût de béatilles affectionné (Chez Brunet), son tablier de sapeur vénéré (Le Morgon), sa tête de veau langoureuse (Le Garet)...
Perdu au cœur du 3e arrondissement, au 116 de la rue du Dauphiné, Muriel Ferrari excelle dans le dauphinois, le gratin. Comme celui de cardons d'ailleurs. Et que dire de son fromage de tête ("avec moults oreilles de cochon dans la préparation" s'enthousiasme l'amicale de gueules des Francs-Mâchons dont le diplôme trône en bonne place sur un mur du bistrot) ? Des pieds de porc panés, de la tétine de vache poêlée... Élu parmi les meilleurs bistrots français par la chaîne de télévision japonaise NHK, le bouchon de la rue du Dauphiné est idolatré au Japon.
"Escrocs" en tablier blanc
Au Café des Artisans (doublement baptisé Le Bouchon de Muriel), c'est la cuisine de ménage qu'on pratique. La popote domestique, celle de tous les jours, l'ordinaire quoi (ses recettes ici). Le meilleur morceau donc.
Muriel est originaire d'Hyères. Amourachée d'un pur gone, elle s'installe dans la capitale des gueules dans la foulée. Et ouvre son bouchon en 2003. "Ça marche alors super bien". Jusqu'en juin 2012. Histoire de souffler un peu, elle met son bistrot en gérance. Pas de bol, le couple qui prend l'affaire n'a pas les compétences. L'affaire, comme les pots de beaujolais, tournent au vinaigre. "Je me suis fait escroquer. J'ai appris que la femme qui avait repris en gérance était interdite de gestion mais qu'elle avait mis un jeunot à la tête d'une société qui a repris mon restaurant. Quatorze mois après, ils sont partis à la cloche de bois" - ils auraient, depuis, fait le même cirque en Saône-et-Loire.
Loyers de retard, gérance impayée et, olive sur le foie de volaille, perte de la licence IV... Bref, tout partait en eau de boudin.
Financement participatif
Pour perpétuer son sabodet et sortir de ce sabotage, Muriel Ferrari a lancé une opération de financement participatif. Il lui faut trouver 3 500 euros pour sauvez le navire. "À 60 ans, je trouverai plus de boulot. Et puis, les minima sociaux, c'est pas mon truc. Ce qui m'intéresse c'est de continuer à cuisiner pour les clients !".
Voraces Gardiens du Temple, les bouchons nous permettent d'avoir une mémoire. Ce sont, pourrait-on dire, des lieux de prière où l'on se recueille sur son enfance. Comme l'écrivait si justement feu Bernard Frangin, grand journaliste au Progrès : "on dit parfois que l'histoire d'un pays, c'est l'histoire de ses cafés. Peut-être pas partout. Mais chez nous sûrement".