Le Ramadan commence officiellement, selon le CFCM, ce mardi 9 juillet pour les musulmans français. Mais le mercredi 10 juillet selon de nombreuses mosquées françaises dont celle de Lyon. Préjugés, idées reçues... Lyon Capitale vous propose de les répertorier pour discerner le vrai du faux. Avec Fateh Kimouche, animateur du blog de consommation musulmane Al-Kanz (trésor, en arabe). Tour d’horizon.
Idée reçue n° 1
Le jeûne doit être respecté du lever au coucher du soleil
FAUX. En vérité, le jeûne doit débuter bien avant le lever du soleil, à l’aube, et finit au crépuscule, après son coucher. Sa durée quotidienne ne se détermine pas en fonction de la lumière du jour mais des horaires de prière : “Le jeûne commence à l’heure de la première prière (Fajr), et le soleil se lève 1h15-1h30 après (Chourouk), explique Fateh Kimouche. La seule difficulté est là : les horaires de prière varient selon la région et le lieu où l’on se trouve, en fonction du lever du soleil.” À Lyon, par exemple, le Ramadan commencera non pas le 9 mais le 10 juillet. Ce mercredi, les musulmans lyonnais devront donc cesser de manger à 4h06 et pourront rompre le jeûne à 21h30. À Paris, le temps de jeûne sera plus long, ne s’achevant qu’à 22 heures. “C’est l’une des idées reçues les plus admises : moi-même, à 37 ans, je n’ai fait la distinction qu’il y a sept ans, nous confie Fateh Kimouche. Mais, au-delà de ce rythme compliqué à prendre au début, le rituel reste partout le même, avec, à l’aube, un repas nommé le Souhour, et au crépuscule, l’Ispar, pour rompre le jeûne.”
Idée reçue n° 2
Le Ramadan dure du 9 juillet au 8 août 2013
VRAI et FAUX. Fixées par le Conseil français du culte musulman (CFCM) le 9 mai dernier, les dates officielles du Ramadan 2013 le font débuter ce mardi 9 et s’achever le jeudi 8 août avec la fête de l’Aïd el-Fitr. Mais, pour l’animateur du blog Al-Kanz, “là où il y a tout le temps divergence, voire polémique, c’est dans le début du mois de ramadan”. La raison ? Le calendrier suivi par les musulmans n’est pas grégorien (solaire) mais lunaire : quand l’un ne change jamais, l’autre se compose de mois de 29 ou de 30 jours – la durée exacte dépend de la lunaison.
“Chaque début de mois est fixé par l’observation du croissant de lune, toute l’année, mais ce rituel prend une coloration toute particulière lors du mois de Ramadan, parce que des centaines de milliers de musulmans sont impliqués dans leur intimité et leur quotidien”, estime-t-il. Or, si, au soir du 29e jour (nuit du 8 au 9 juillet), le croissant de lune n’est ni visible ni vu, le calendrier lunaire prend un jour de plus. Le Ramadan commencera alors le surlendemain, 10 juillet au matin. C’est le cas de Lyon… “sauf que, le cas échéant, le CFCM a décrété que – selon les calculs astronomiques – la lune sera visible et vue dès le 29e jour pour un début du Ramadan le 9, sauf que les astronomes eux-mêmes ne sont pas d’accord !” Les dates officielles du Ramadan peuvent donc “tomber juste”, mais ce ne seront peut-être pas les dates réelles ni celles suivies cette année par les musulmans dans certaines villes.
Idée reçue n° 3
Se lever à l’aube est une obligation pendant le mois de jeûne
VRAI. “Le Ramadan est une école, rappelle Fateh Kimouche. Pendant un mois, il vise à élever spirituellement l’âme par une pratique contraignante et une expérience proche de celle des plus démunis. Nous devons donc accumuler les exercices et les efforts afin de parvenir à nous élever le plus possible : l’heure de notre réveil en fait partie.” Là encore, pour une raison simple : il s’agit de ne pas rater la première prière, pour être dans les règles. À Lyon, le 10 juillet, il faudra donc être debout autour de 3 heures du matin, afin de pouvoir manger avant 4h06. Mais, cela étant, comme le dit le proverbe : chacun voit midi à sa porte. Certains pourront donc jeûner sans effectuer cette première prière, et inversement - mais il est certes préférable, selon la doxa, d'être debout aux aurores.
Idée reçue n° 4
Avaler sa salive interrompt le jeûne
FAUX. L’exercice serait de toute façon humainement impossible - mais ce préjugé résiste même parfois, chez certains, aux lois naturelles. “L’idée reçue absolue”, selon Fateh Kimouche, qui se souvient de son enfance : “Quand nous étions petits, nous avions peur ! On se disait qu’il ne fallait pas, mais en fait nous étions victimes de ce vieux préjugé stupide !” Puis de rappeler que – lors des cinq prières obligatoires de la journée – les musulmans doivent faire trois ablutions à base d’eau par prière, pour se rincer la bouche, avant de recracher. “Si nous ne devons pas avaler, en aucun cas nous n’avons pas le droit de déglutir et d’avaler notre salive, tant que nous n’ingérons pas un liquide extérieur”, souligne-t-il.
Idée reçue n° 5
Fumer une cigarette interrompt le jeûne
VRAI. Pratique interdite toute l’année suivant le principe selon lequel tout ce qui nuit au corps – physique ou moral – est interdit, fumer n’est pas davantage permis lors du mois de Ramadan. Au contraire, “la simple inhalation peut être un facteur d’interdiction, et le jeûne interrompu par tout ce qui rentre dans le corps par les voies orales”, complète Fateh Kimouche. Et si la cigarette peut pour certains être absolument interdite, pour d’autres fortement réprouvée, elle demeure – comme le vol ou la grossièreté – un péché pouvant conduire au non-respect des principes portés par le Ramadan.
Idée reçue n° 6
Se brosser les dents ou mâcher du chewing-gum sont des pratiques à risque
VRAI. Ces deux mesures d’hygiène buccale ne sont pas fondamentalement interdites mais “hyper dangereuses”, selon le mot du bloggeur. En effet, dans les deux cas du dentifrice et de la gomme à mâcher, le risque est grand d’ingérer un produit extérieur. Et par là même de rompre le jeûne - volontairement ou non. L’astuce : le bâton de siwak, une “racine-brosse à dents naturelle” commercialisée en France dans les boutiques bio. Faisant office à la fois de brosse à dents et de dentifrice, d’un bois proche du margousier, le siwak est utilisé toute l’année par les musulmans pour ses propriétés antibactériologiques et son aspect pratique. “Hélas, ajoute Fateh Kimouche, il ne résout pas un problème d’importance : l’haleine, qui pour certains reste fétide…” En revanche, pas d’astuce pour le chewing-gum, qui, lui, n’a pas de substitut ayant des propriétés qui permettraient de prolonger le jeûne.
Idée reçue n° 7
Prendre des médicaments est interdit
FAUX. Durant le mois de Ramadan, se soigner reste une option tant qu’on a le choix, en vérité. Car “si le jeûne prolonge ou aggrave la maladie, il devient rigoureusement interdit”. Malades, femmes enceintes ou personnes fragilisées quelles qu’elles soient n’ont donc tout simplement “pas le droit de jeûner, et l’interdit s’applique alors à rebours”.
Mais les simples maux de tête ou douleurs de basse intensité peuvent, au contraire, “faire partie des épreuves à s’imposer et des désagréments habituels, et alors nous devons attendre le soir pour nous soigner, explique Fateh Kimouche. Car ces douleurs peuvent être utiles afin de réussir à canaliser sa douleur, à la supporter, et à faire preuve de stoïcisme face à elles si l’on veut aller au bout de sa pratique spirituelle.” Il faut dès lors patienter jusqu'à la fin du jour de jeûne pour prendre ses cachets, à moins d'avoir su réussir à dissiper la douleur par soi-même.
Idée reçue n° 8
Même en pleine canicule, les personnes âgées ne peuvent pas boire
FAUX. Comme dans le cas précédent, le même proverbe s’applique : “nécessité fait loi”, et cette nécessité supérieure lève l’interdit. Interdites de jeûne, les personnes âgées - les plus en danger face aux grandes canicules - ne doivent ressentir aucun remords ni s’en vouloir moralement en aucune façon, car leurs vies dépendent de leur hydratation.
Au contraire, en buvant, elles seront “non seulement dans leur bon droit, mais en plus jeûner serait blâmable car il y aurait alors non-assistance à personne en danger – cette personne fût-elle soi-même”. Le respect de la vie et la vie elle-même sont alors considérés comme “supérieurs à l’obligation rituelle”. Et “ne pas s’hydrater reviendrait à commettre un péché encore plus grand que de boire”.
Idée reçue n° 9
Mariés ou célibataires, les rapports sexuels sont interdits pendant le ramadan – y compris le soir
VRAI et FAUX. Interdits quoi qu’il arrive pour les célibataires en mesure de se marier, les rapports sexuels d’après journée de jeûne sont en revanche permis pour les couples mariés. Le tout étant de parvenir à ne pas céder à la tentation en période de jeûne, et de ne pas se disqualifier par des conduites indignes. D’autant que, pour Fateh Kimouche, “le ramadan réside d’abord dans une épreuve, de faim, de soif, d’abstinence, mais pas uniquement : il vise bien plus largement à unir le corps et l’esprit dans le but de faire leur bien”. Ce pourquoi, pour les époux, faire l’amour est permis voire recommandé – “et même toute la nuit si cela nous chante… car l’islam ne porte pas du tout une vision réprobatrice à l’endroit des actes d’amour. Au contraire ! Le couple et les rapports sexuels sont très fortement valorisés car ils relèvent de l’acte d’adoration, carrément, parce qu’ils peuvent donner l’occasion à l’âme de se porter au mieux”.
Idée reçue n° 10
Se masturber est un péché
VRAI et FAUX. Faisant partie des interdits absolus comme acte sans rapport avec un besoin naturel au cours de l’année, la masturbation peut toutefois être pratiquée comme extrême recours et dans des cas spécifiques pendant le Ramadan.
Pour l’école hambalite par exemple, si elle permet d’éviter l’adultère ou un risque quelconque lié à la santé physique, celui qui n’a pas la capacité de se marier peut y recourir, mais il devra prier pour son pardon.
Pour l’école hanafite, la masturbation est interdite si elle a pour seul objet l’obtention du plaisir. Mais si une personne se retrouve submergée par le désir, qu’elle n’arrive plus à contrôler ses pulsions et craint de tomber dans un plus grand péché – la fornication (Zinâ) –, elle peut avoir recours à la masturbation pour s’apaiser. Et ce, comme un moindre mal. Le péché demeure néanmoins et ne peut être que très ponctuellement commis – seulement lorsqu’il y a un fort risque réel de tomber dans un péché plus grand.