11,6 comme les millions volés de son camion de fonds. Le film sur Toni Musulin – condamné en appel à 5 ans de prison, pour vol simple sans violence et escroquerie à l’assurance, en novembre 2010 – était projeté en avant-première ce jeudi soir. Les acteurs, François Cluzet en tête, ont rencontré les journalistes avant la projection. Trois salles combles pour le fait divers qui a marqué Lyon durant l’hiver 2009.
“À 80% c’est son histoire !” Hervé Banbanaste et Christophe Cottet-Bretonnier sont ravis à l’issue de la projection du film à l’UGC Confluence. Il faut dire qu’en termes d’opération de communication il n’y a pas mieux pour leur client. Les deux compagnons de travail de Toni Musulin le jour du casse sont là aussi, presque émus. “François Cluzet a bien joué le rôle, le caractère de Toni”, affirme Philippe Ferrero.
François Cluzet campe un Toni presque attachant dans son mutisme. Les images glacées d’un Lyon industriel sont étonnantes. Il y a un peu de Drive dans ce film à la musique électro percutante, même si la comparaison s’arrête à cette lenteur de l’action et à la rareté des paroles.
La personnalité complexe de Toni Musulin
Dans son film, le réalisateur Phillippe Godeau s’est avant tout penché sur la personnalité
complexe de Toni Musulin. Avec la difficulté de réaliser un film sur un personnage qui se tait. “C’est l’histoire de quelqu’un qui veut recouvrer sa fierté”, explique-t-il lors de la conférence de presse. “Le butin qui manquait ne m’intéressait pas”, précise-t-il avec un sourire.
Effectivement, la première heure est une introspection : qu’est-ce qui a poussé le convoyeur de fonds Toni Musulin à commettre l’irréparable, fût-ce sans armes ni violence ? “C’est, dans ses faiblesses et ses forces, un personnage très complexe”, confie François Cluzet, qui incarne le Lyonnais. L’acteur a refusé de rencontrer au parloir l’ex-convoyeur, qui n’aurait d’ailleurs pas forcément accepté de lui parler. “Rester 10 à 20 minutes avec un homme pour en tirer l’essentiel de sa vie n’a pas de sens”, justifie Cluzet.
Un homme qui se tait
De toute manière, Toni Musulin parle peu. Il s’est livré à la journaliste lyonnaise Alice Géraud-Arfi, qui en a tiré un récit éclairant sur le caractère de cet homme – un ouvrage dont le réalisateur s’est largement inspiré. Il a en tiré des anecdotes de la vie de Musulin, comme son aversion pour Serge Gainsbourg. Dans le film, son passé de Croate est tout simplement passé sous silence. La lampe à UV, la souris, les amours italiennes sont des inventions. Il faut bien savoir embellir au cinéma… Lionnel Astier campe un capitaine de la PJ, Michel Neyret plus vrai que nature dans sa chemise blanche. Les brimades parfois injustifiées de sa direction sont en revanche une réalité. “Ce n’est pas un Robin des Bois, affirme François Cluzet, on assiste plutôt à une succession d’humiliations, il avait une revanche à prendre.”
Une peinture sociale du monde des convoyeurs
Le réalisateur s’est ainsi attaché à dépeindre l’univers professionnel dans lequel évoluait Toni Musulin : le monde des convoyeurs de fonds. “C’est fidèle à la réalité dans le film, explique un ancien du métier, Didier Matrundola. C’est un système qui veut de la rentabilité, ce n’est pas normal de faire un tel métier avec seulement 1.600 euros nets par mois !” “C’est un métier très dangereux”, poursuit-il. Cette situation sociale a été largement retranscrite dans le film et, surtout, appréhendée par les acteurs. Bouli Lanners, qui incarne le fidèle ami de Musulin, a rencontré des convoyeurs de fonds. “Quelque part, le geste de Toni (le vrai) leur a redonné une certaine fierté”, explique l’acteur.
La réhabilitation de Musulin est en cours. Philippe Godeau souhaiterait vivement qu’il puisse voir le film avant sa sortie en salles, le 3 avril prochain. Les demandes sont en cours. Depuis sa mise en détention, Toni Musulin refuse de voir sa famille comme ses amis. Ses avocats espèrent sa libération d’ici à la fin de l’année. L’ex-convoyeur de fonds vient de refuser une libération conditionnelle avec port de bracelet électronique. Il veut être entièrement libre, pas à moitié.