Rhônexpress sur son quai de départ à la Part-Dieu © Tim Douet
Rhônexpress sur son quai de départ à la Part-Dieu © Tim Douet

30 millions d’euros pour solder l’épineux dossier Rhônexpress à Lyon

Le feuilleton Rhônexpress va connaître un dénouement à la lyonnaise. Le Sytral, par l’intermédiaire de son président, Bruno Bernard, a trouvé un accord avec le groupement d’entreprises, dont Vinci, qui exploitait la ligne de tramway desservant l’aéroport de Lyon. Tous les participants peuvent s’estimer gagnants. Bruno Bernard a obtenu un geste de 10 millions d’euros des grands groupes qui avaient obtenu le contrat. Ces derniers ont minimisé leurs pertes autour d’un contrat souvent présenté comme déséquilibré.

C’est la fin d’une époque marquée par une multitude de décisions politiques polémiques. La métropole de Lyon a trouvé un accord avec les exploitants de la ligne de tramway Rhônexpress qui relie la Part-Dieu à l’aéroport Saint-Exupéry pour clôturer le dossier de la résiliation de la délégation de service public. Ce jeudi après-midi, Bruno Bernard, président de la métropole de Lyon et du Sytral (le syndicat public qui gère les transports en commun de l’agglomération lyonnaise) a convoqué un conseil syndical officieux pour présenter aux administrateurs les conclusions de ses négociations. Selon nos informations, le Sytral versera autour de 30 millions d’euros au groupement Rhônexpress (principalement constitué de Vinci, Transdev et de la Caisse des Dépôts et consignation).

Contrat “léonin”

En février 2020, en pleine campagne électorale et sur fond de querelle entre Gérard Collomb et David Kimelfeld, le Sytral avait procédé à la résiliation du contrat qui le liait à Rhônexpress pour l’exploitation de la ligne éponyme desservant l’aéroport de Lyon. David Kimelfeld qui avait mené et remporté cette bataille pointait un contrat de délégation de service public trop favorable à l’exploitant privé. Il s’appuyait sur un rapport de la chambre régionale des comptes soulignant le déséquilibre du contrat : “les installations ne sont pas à la charge du concessionnaire, qui n'en assure pas le financement in fine. Le concessionnaire ne prend donc en charge que la simple exploitation et le gros entretien, sur la base des recettes de billetterie. Le risque du délégataire est donc faible et ne concerne aucunement l’investissement”. Votée en février 2020, la résiliation est devenue effective le 7 novembre 2020. Le Sytral a repris à son compte l’exploitation de la ligne. Il ne restait donc qu’un dernier chapitre de la tumultueuse histoire de Rhônexpress à solder : l’indemnisation du délégataire de service public. Le contrat prévoyait une “pénalité” de 38 millions d’euros à verser au groupement Rhônexpress. Ce dernier, sitôt la résiliation effective, a réclamé 41 millions d’euros au Sytral. Bruno Bernard qui a hérité du dossier parlait d’un contrat “léonin” et laissait planer le spectre d’une action en justice tout en ouvrant la porte à une négociation lors du comité syndical du 2 novembre 2020. C’est cette dernière option qui a été retenue.

À la lyonnaise

“Nous ne voulions pas payer les 41 millions d’euros. Aller au tribunal face à Vinci, c’est un combat qui pouvait tout à fait se mener politiquement pour nous. Ils ont estimé qu’il y avait un intérêt à trouver une solution. Les grands groupes du consortium n’ont pas eu envie de sa fâcher avec la métropole”, souligne-t-on dans l’entourage de Bruno Bernard. Transdev qui continue d’exploiter le tramway pourrait par exemple se positionner sur le renouvellement de la délégation de service public pour l’exploitation du réseau TCL en 2022 et actuellement par Keolis, une filiale de la SNCF.

C’est finalement un arrangement à la lyonnaise qui a été trouvé entre la collectivité et les exploitants de la ligne. “Les conditions de la négociation font que Vinci peut dire que le contrat a été respecté. Cela ne crée pas un précédent”, avance une source proche du dossier au Sytral. La métropole peut, elle, brandir les 10 millions d’euros de rabais obtenu lors de la négociation. Du fait de sommes provisionnées pour l’entretien, la balance de l’opération descend même à 23 millions pour le Sytral. Bruno Bernard et les écologistes à qui sont régulièrement intentés des procès en idéologie apportent avec cette négociation des gages de pragmatisme. “Aller au tribunal, c’était une prise de risques. Le dossier juridique n’était pas assez costaud. Nous aurions attaqué un contrat signé il y a plus de dix ans par le département avec un risque de prescription. De plus le Sytral et la métropole l’ont repris lors de la fusion de 2015 sans le contester. Les services juridiques poussaient plutôt pour une négociation”, relate un membre du Sytral qui a participé aux négociations. Contacté, Bruno Bernard s’est contenté d’une déclaration laconique : “Je me satisfais que nous ayons trouvé un point d’équilibre pour clore ce dossier complexe”.

Un effet covid

La conclusion de cet accord met aussi fin à différents recours juridiques qui existaient. Le Sytral peut repartir d’une page blanche pour écrire le prochain chapitre de Rhônexpress. Cette reprise en main intervient toutefois dans un contexte pour le moins délicat. La résiliation a été décidée en février 2020, alors que la Covid-19 n’était qu’une lointaine menace. Le trafic aérien est depuis devenu l’une des principales victimes collatérales de cette pandémie. La puissance publique récupère donc un outil au moment où ses recettes dégringolent. “S’il n’y avait pas eu la résiliation, je suis sûr que les exploitants seraient venus nous dire que la perte d’activité n’était pas de leur fait et auraient cherché de l’argent auprès de nous”, nuance-t-on au Sytral. En se prononçant pour la résiliation, David Kimelfeld, qui présidait la métropole à l’époque, estimait que l’indemnisation du groupement Rhônexpress serait rentabilisée assez rapidement et que le Sytral en serait bénéficiaire d’ici à 2038, terme initial du contrat. La nouvelle majorité se satisferait d’amortir les 30 millions d’euros de pénalité d’ici 2038. En 2018, année record, Rhônexpress avait encaissé un bénéfice de 2,8 millions d’euros. Les baisses de tarifs rendus possibles par la reprise en main par la collectivité et qui étaient dans les cartons de la métropole sont pour l’instant suspendues par ce contexte économique morose. Le Sytral a toutefois voté cet automne une baisse de tarif pour les salariés de la zone aéroportuaire. À court terme, l’intégration de cette ligne dans le giron du syndicat des transports en commun est surtout vue comme un moyen d’améliorer la desserte de l’Est lyonnais. Rhônexpress partage en effet ses voies avec une ligne T3 victime de son succès.

 

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