Le président PS du conseil général des Bouches-du-Rhône a été mis en examen lundi 3 juin par le juge d'instruction Charles Duchaine. Lyon Capitale révèle le contenu de sa garde à vue du 2 avril dernier.
La pression monte autour de Jean-Noël Guérini. Il a été de nouveau mis en examen pour "corruption passive", "trafic d'influence" et "participation à une association de malfaiteurs" en vue de commettre ces délits, et "atteinte à la liberté d'accès ou à l'égalité des candidats dans les marchés publics" lundi 3 juin par le juge Charles Duchaine. Le président PS du conseil général devait s'expliquer lors de sa convocation par le juge sur ses connexions présumées avec le grand banditisme via son frère Alexandre. Cet entrepreneur spécialisé dans le traitement des déchets se serait immiscé au cœur de la gestion des marchés publics de l’institution.
Cette comparution devant le juge fait suite à une garde à vue mouvementée, le 2 avril dernier, dans les locaux de la section de recherche de Marseille. Elle fut interrompue suite aux problèmes de santé de l’élu, qui a depuis subi une intervention chirurgicale. Lyon Capitale a eu accès aux vingt pages de déposition où le gardé à vue cherche manifestement à se défausser sur son frère des sulfureuses relations avec le clan Barresi-Campanella.
D’entrée, les gendarmes et douaniers mandatés par le juge Duchaine ont mis la pression sur Jean-Noël Guérini, comme en témoigne cet échange :
“Vous savez que votre frère est intervenu dans les affaires du département ?”
Jean-Noël Guérini : Absolument pas, si quelqu’un m’avait informé de cette situation, j’y aurais immédiatement mis fin. Je n’ai pas été informé une seule seconde de ces agissements.
“Aujourd’hui, pensez-vous que votre frère se soit immiscé dans les affaire du CG13 ?”
JNG : Comme je vous l’ai dit, je n’ai jamais su les immixtions de mon frère au moment de la commission supposée des faits. Aujourd’hui, je connais ce qui est reproché à mon frère en lisant le dossier dans lequel j’ai été mis en examen ou en lisant la presse. Mais pourquoi personne ne m’a informé de ce qui se passait ? Depuis ma mise en examen je n’ai plus jamais revu mon frère. Je n’ai plus jamais évoqué les faits avec lui.
“Que savez-vous des relations dites mafieuses de votre frère Alexandre ?”
JNG : Rien, j’apprends cela par la presse. Je suis stupéfait.
“Les investigations tendent à démontrer que vous avez non seulement laissé votre frère s’immiscer sans titre dans les affaires du département, mais aussi que dans certains cas vous avez agi personnellement pour favoriser les desseins personnels de votre frère et du milieu marseillais. Avez-vous aidé en toute connaissance de cause votre frère dans ses desseins mafieux ?”
JNG : Jamais. Tout cela est un véritable mensonge. C’est un scandale de tenir ce genre de propos.
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Les enquêteurs touchent ici au cœur du dossier, qui repose sur les interventions d’Alexandre Guérini dans la mise en place d’hommes de confiance au sein de plusieurs satellites du conseil général, notamment Jean-Louis Jaubert à la technopole de l’Arbois près d’Aix-en-Provence ou Jean-Philippe Mignard à la Semidep, la société d’économie mixte chargée de réhabiliter les sites des anciens chantiers navals de La Ciotat. Dans un deuxième temps, Bernard Barresi apparaît pour bénéficier de marchés publics via notamment une société-écran dénommée ABT.
Les gendarmes tentent alors de décrypter la véritable nature des relations entre les frères Guérini. Ils évoquent deux possibilités : la première, celle d’un ascendant naturel exercé sur Jean-Noël par Alexandre, ce qui ressort d’ailleurs de plusieurs écoutes ; la seconde et sans doute la plus embarrassante, l’éventualité qui se précise au fil des mois d’enquête que Jean-Noël Guérini apparaisse “comme la pierre angulaire d’une entente mafieuse (…) en vue de permettre et de faciliter les infractions couvertes par l’information”. La réponse de Jean-Noël Guérini, qui s’énerve et perd son sang-froid à plusieurs reprises, laisse perplexe. Elle fixe les limites de son système de défense : “J’ai déjà répondu. Je répète que je ne mélange pas les genres. Si j’avais su ce qui se lit dans la presse… Le plafond m’est tombé sur la tête. Je me demande comment cela est possible s’il a eu des relations avec ces gens du milieu marseillais. Si tel est le cas je n’en étais pas conscient. Mon frère n’a pas d’ascendant sur moi.”
Les enquêteurs décident alors d’abattre leurs cartes en révélant des faits qui démontreraient que Jean-Noël Guérini a participé à l’entente mafieuse, notamment autour de l’octroi d’une autorisation de maison de retraite à Vauvenargues qui est à l’origine du versement d’un pot-de-vin de 400 000 euros ou du versement par le groupe Kaufman & Broad d’une somme de 900 000 euros sans contrepartie véritable à la société MGC dirigée par les frères Campanella, eux-mêmes associés au caïd Bernard Barresi.
Encore une fois, J-N G. se défausse : “Ce n’est pas à moi qu’il faut poser la question, mais à mon frère. Si j’avais été informé j’aurais mis fin immédiatement.”
La tension va atteindre son paroxysme à l’évocation du conflit qui oppose la municipalité de La Ciotat au conseil général sur certains projets immobiliers qui font intervenir le clan Barresi-Campanella, avec en toile de fond l’intervention de la Semidep.
À 15h50, note le procès-verbal, Jean-Noël Guérini est pris d’un malaise. La garde à vue est interrompue. C’est désormais aujourd’hui au juge Duchaine de poursuivre l’interrogatoire.
MàJ : avec l'annonce de la mise en examen