Banditisme : les secrets d’Armando

PORTRAIT – Interpellé en Hollande puis transféré à Marseille, Marc Armando s’est pendu dans sa geôle de la prison des Baumettes. Il emporte avec lui bien des secrets sur le trafic de cocaïne à l’origine de son arrestation et surtout sur le fabuleux casse de la banque de France de Toulon en 1992.

Un personnage de roman

Marc Armando est un personnage de roman. Et comme beaucoup de personnages de roman, c’est tragiquement qu’il a terminé vendredi 3 mai son parcours d’aventurier du banditisme. Des lanières taillées dans un drap lui ont permis de faire un pied de nez aux magistrats de la JIRS de Marseille qui s’apprêtaient à l’interroger. Il était 23h30 à la prison des Baumettes. Tout près du corps du pendu, les gardiens ont découvert son mandat de dépôt… Comme une signature. Dernier message, celui d’un homme de 57 ans qui a décidé de ne pas retourner en prison. Car Marc Armando devait répondre de faits particulièrement lourds : la saisie de 100 kilos de cocaïne en avril dernier dans le port de Rotterdam.

L’ancien serveur marseillais était l’un des maîtres d’œuvre de cette nouvelle French Connection qui ne “tourne” plus la blanche comme jadis dans les labos de la périphérie marseillaise mais conserve un savoir-faire en matière d’organisation de filière. Ce n’est pourtant pas avec la came qu’Armando a inscrit son nom en lettres d’or dans le Who’s who du grand banditisme. Son heure de gloire fut le casse, le 16 décembre 1992, de la Banque de France de Toulon.

Armando a toujours refusé de livrer les noms de ceux auxquels il avait remis à l’époque la plus grande partie des 146 millions de francs (22,2 millions d’euros) dérobés – sans le moindre coup de feu – dans la salle des coffres de l’établissement varois. De cette histoire, il ne reste que les seconds couteaux. Les apporteurs de l’affaire, d’abord : Hélène Renaux, secrétaire comptable à la Banque de France, et son amant Jean-Claude Lo Piccolo, gérant d’un vidéoclub au Beausset. Puis les membres du commando qui pénétrèrent dans les locaux situés à 200 mètres du commissariat de Toulon après avoir pris le gardien en otage ainsi que sa famille. Un coup méticuleusement préparé grâce aux tuyaux fournis par Hélène Renaux et l’entremise de Marc Armando. Ce dernier est la cheville ouvrière du commando dans lequel on retrouve quelques bons voyous, tel le Marseillais René Bombace ou le Corse Dominique Bernardini dit “le Chinois”.

20 millions d’euros disparus

Armando est décidément partout. Il se rend plusieurs fois en Corse. Il ramènera Bernardini sur le continent pour procéder au partage du butin. Mais il ne s’agit là que de rémunérer les petites mains. Neuf millions de francs (1,3 million d’euros) sont ainsi récupérés par les policiers qui depuis deux mois suivent l’équipe à la trace.

Où est donc passé le reste du magot ? Interrogé par les enquêteurs, Armando explique qu’il a agi pour le compte de mystérieux commanditaires dont il ne peut livrer les noms, de peur de représailles envers sa famille. L’ombre de caïds corses planera durant des années sur cette affaire. Mais Armando garde le silence. Il purgera une condamnation à 18 ans de réclusion criminelle, marquée par une évasion de la prison de Grasse en 1995. Mais il est rapidement repris.

La saga criminelle d’Armando n’est pas terminée. On le retrouve plus de vingt ans plus tard en compagnie du même Dominique Bernardini dans ce “coke en stock” qui a mobilisé un an durant les enquêteurs de la PJ niçoise. Retiré depuis sa libération dans un village de l’Aveyron, il n’avait rien d’un paisible retraité. Il s’était clairement reconverti dans le trafic de drogue à grande échelle. “Armando, c’est une des pierres angulaires du trafic. Il est au contact de chaque membre de l’équipe”, explique le commissaire Maurice Alibert, chef de la division criminelle de la PJ de Nice.

La torpille colombienne

Organisateur d’un trafic qui implique Marseillais, Niçois et Corses, Armando se trouvait le 19 avril dernier dans un hôtel de Rotterdam, en attente de l’accostage du Laguna D, un chimiquier parti le 23 mars de Curaçao au Venezuela. Les douaniers hollandais récupèrent, soudée sous la coque, une torpille qui recèle dans ses entrailles 100 kilos de “colombienne”. Les trois suspects formant l’équipe de plongeurs chargée de récupérer la marchandise sont neutralisés dans leurs chambres. L’équipe était en fait filée depuis son passage en Belgique par des policiers de la brigade de recherche et d’intervention (BRI) de Nice.

Les limiers de la PJ ont été mobilisés sur cette affaire à la suite d’un étrange incident survenu en juin 2012 dans le port de Fos-sur-Mer. Ce jour-là, les gendarmes maritimes interviennent pour porter secours à un plongeur en difficulté. Ils s’étonnent de la présence de cette équipe de quatre plongeurs munis d’engins de propulsion barbotant sans raison à proximité de supertankers. Parmi les suspects qui s’entraînaient ce jour-là, Jean-Michel Dominici, le frère d’Ange-Toussaint D., cerveau du casse de Métalor à Neuchâtel en 2004 (plus de 8 millions d’euros de butin). Deux autres auteurs figurent parmi l’équipe de trafiquants tombés en avril entre les mains de la police.

Comme dans l’affaire du casse de Toulon, Armando était semble-t-il le seul à pouvoir apporter des éclaircissements sur les véritables commanditaires de cette livraison de cocaïne. La vraie zone d’ombre du dossier. Mais il est parti avec ses secrets, respectant la loi des voyous. Celle du silence.

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