Le mardi 9 avril à l’Assemblée nationale, Pierre Moscovici a accusé Jean-François Copé de cumuler son activité de député avec celle "d'avocat d'affaires". "Nous, nous sommes dans une démarche de vérité. Nous ne tolérons pas les conflits d'intérêts. Ce n'est pas dans ce Gouvernement que l'on trouvera des avocats d'affaires qui soient en même temps députés", s'est exclamé le ministre. Bien imprudemment.
Quand on revêt des habits de probité candide et de lin blanc, il faut être soi-même irréprochable. Or, il semble que les conflits d’intérêts soient toujours bien "tolérés" dans le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault. En effet, depuis la vague de départs des plus importants membres du cabinet de la Garde des Sceaux Christiane Taubira, emblématique ministre du "mariage pour tous", un homme pose question. Il s’agit de Jean-François Boutet, officiellement présenté comme le "conseiller spécial" de la ministre.
Conseiller spécial, l’expression est vraiment bien choisie, en ce sens que cet intime de Christiane Taubira, qu’il a connue au Parti radical de gauche (PRG) et dont il a été secrétaire national et tête de liste à Paris, est avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation. Une activité qu’il exerce toujours, en dépit de son entrée en fonction auprès de la ministre, laquelle, rappelons-le, propose aussi les nominations au parquet général de la Cour de cassation. Plaidant tantôt pour l’État, tantôt contre, comme il l’a fait récemment pour l’assureur AXA contre le musée du Quai Branly, M. Boutet n’en est pas à un conflit d’intérêts près et intervient également dans le secteur de l’audiovisuel. Il était par exemple l’avocat de Radio Nostalgie dans un dossier d’attribution de fréquence par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).
Nostalgie, quand tu nous tiens
Il se trouve que le CSA, Jean-François Boutet connaît aussi très bien : il n’est autre que le fils de Jacques Boutet (décédé en mai de l’année dernière, à l’âge de 84 ans), ancien président de TF1 et… du CSA. Jacques Boutet, haut fonctionnaire, a passé lui-même une grande partie de sa carrière au Conseil d’État, avant d'être nommé, en juin 1981, président-directeur général de TF1, à l'époque chaîne publique. En 1989, il est nommé président du CSA, nouvellement créé, fonction qu'il a exercée six années durant. Michel Boyon, président du CSA jusqu’en janvier 2013, lui avait alors rendu un vibrant hommage, saluant une "personnalité brillante et respectée, inventive et chaleureuse". "L'œuvre accomplie sous son impulsion a été essentielle pour affermir l’autorité de l’institution", avait ajouté le guide Michelin des fromages de la République.
Reste à savoir, dans cette affaire, ce que M. Moscovici entend justement par la curieuse expression "avocat d'affaires". Dans le cas présent, il s’agit d’affaires publiques et si cette situation de conflit d’intérêts patent devait se poursuivre, cela deviendrait alors une nouvelle affaire d’État. Si M. Hollande entend mettre en route la grande machine à laver plus blanc que blanc, après les dégâts de la grande lessiveuse suisse, il va falloir que ses amis et les amis de ses amis y passent aussi. Comme le disait un humoriste parti trop tôt : "Moi j'ose plus changer de lessive, j'ai peur que ça devienne transparent après !"
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