Ecole de la deuxième chance : "ici on t’écoute"

Ce lundi, la 44e école de la chance fait sa 5e rentrée à Vaulx-en-Velin depuis son ouverture en avril 2010. Nouvelle forme de centre de formation, elle tente de redonner un élan aux jeunes perdus par l’Education Nationale et en quête d’un nouveau départ. Jusque là réservée aux Vaudais l’E2C se prépare à accueillir d’ici 2011 les jeunes des communes avoisinantes. Rencontre.

"Dans les autres formations, on ne t’écoute pas. Ici on t’écoute." Naoufel est un expert. Ce grand jeune homme n’est arrivé à l’Ecole de la deuxième chance que très récemment, mais les formations, il connaît et il sait les juger rapidement. A 22 ans, son histoire est déjà noircie du divorce de ses parents et d’expériences professionnelles dans plusieurs domaines : 3 mois de mécanique qu’il n’a pas aimés et des petits jobs en restauration. La parole rapide, le regard franc, il explique : "Quand j’étais jeune, j’aimais pas l’école. Mais maintenant je regrette". Pourtant, il a réussi à aller jusqu’au CAP de cuisine, une exception dans cet établissement où la très grande majorité des stagiaires n’a aucun diplôme.

L’Ecole de la deuxième chance (E2C) a été conçue à la base, pour ces jeunes de 18 à 25 ans, sortis très tôt du circuit scolaire sans qualification. Pour Pascale Bouysset, directrice de l’E2C de Vaulx-en-Velin : "L’Education nationale ne s’adapte pas à ces parcours très compliqués."

« Inscris moi, j’ai pas le choix »

Naoufel a des projets plein la tête. "Je veux faire une formation en cuisine, et partir aux Etats-Unis". Et c’est autour de ces projets, propres à chacun que la formation à l’école s’articule : une formation théorique qui revient sur les fondamentaux (maths, français, informatique), mais aussi, des matières spécifiques. Cette flexibilité dans la formation est assurée par les petits effectifs. Pas plus de quinze par promotion.

"Parfois, ils peuvent se retrouver seuls avec leur intervenant, c’est du sur mesure", précise Pascale Bouysset. Mis à part le socle théorique, l’E2C fait entrer l’apprenant dans l’entreprise, la moitié du cursus, qui dure de 9 à 12 mois, étant consacrée aux stages. L’entremêlement de l’école et de l’entreprise sera renforcé par des dirigeants d’entreprises locales qui occuperont bientôt des postes décisionnaires au sein de l’établissement.

Mais au-delà de l’enseignement, l’E2C elle a aussi l’ambition d’aider l’élève dans ses difficultés en dehors des murs de l’école. Pascale Bouysset explique : "Nous nous occupons de lever toutes les entraves qui pourraient freiner l’élève dans son apprentissage. On essaie de les aider dans tous les domaines : social, santé, les transports et justice parfois…" Elle commente : "Si on trouve un stage pour un jeune et qu’on sait qu’il n’a pas de quoi payer le bus pour s’y rendre, alors on lu prend un abonnement pour éviter qu’il ne fraude." Exemple le jour même de notre visite. Une jeune femme qui devait venir en cours, ne trouvait personne pour garder son bébé. C’est l’école qui a fait jouer son réseau pour lui trouver une garde d’enfant.

C’est cet esprit, cette démarche qui ont plu à Naoufel qui voit ici une ultime solution: « je suis allé à la mission locale et je leur ai dit : ''inscris moi j’ai pas le choix''. Pascale Bouysset confie, d’une voix feutrée : "Ici, on est au cœur de l’humain, il y a des émotions, parfois des larmes et d’autres fois ça peut même être explosif."

« L’école fait peur »

Pourtant par opposition aux quelques élèves de l’E2C, nombreux sont ceux qui ne franchiront pas le seuil de cette école. Pour Anne Dufaud, qui dirige la mission locale de Vaulx-en-Velin, l’E2C n’est pas parfaite : "Le nom est déjà un problème. Pour certains il fait peur. Comment faire rentrer des jeunes qui ont gardé une image négative de l’école dans un établissement qui porte le même nom ? Au contraire, d’autres, imaginent qu’ils vont pouvoir préparer le bac ou un autre examen de ce type là. Il faut alors leur expliquer que non."

Après quatre rentrées, Pascale Bouysset est satisfaite du résultat : "tout n’est pas simple car il y a de nombreux freins sociaux à lever mais nous avons atteint le taux d’exigence réclamé par le réseau des écoles de la deuxième chance. Deux élèves se sont même vus proposer un CDI." Mais les petits effectifs qui font le point fort de l’école peuvent aussi en être la faiblesse du dispositif. Car si, sur les 4500 stagiaires que dénombrent les 44 E2C de France, plus de 60 % trouvent dès la sortie de l’école, un emploi ou une formation qualifiante, il faut rappeler qu’en 2009, 120 000 jeunes quittaient le système scolaire sans aucun diplôme.

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Objectif : une E2C par département

Les E2C ont séduit le gouvernement et plus précisément Fadela Amara, qui a intégré les écoles dans la dynamique du plan Espoir banlieues. La secrétaire d’Etat à la politique de la Ville espère la création en France de 39 e2c avant la fin 2010, pour atteindre 15 000 places dans les E2C en 2012. A terme, une E2C devrait donc voir le jour dans chaque département. Il y a 15 ans, déjà, les E2C sont nées d’une volonté politique, sous l’impulsion de la fondation pour l’école de la deuxième chance, fondée par l’ancien Premier ministre Edith Cresson. La fondation fait profiter aux écoles d’un réseau de partenaires fort et dense. Autre structure qui encadre les E2C, le réseau des écoles de la deuxième chance : une association qui définit, une charte qualité stricte à laquelle les E2C ont obligation de répondre.

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Repères :

44 écoles de la deuxième chance en France

4500 stagiaires

15000 places en écoles de la deuxième chance en 2012

À l’issue de la formation :

22% d’embauche.

11% en formation en alternance

22% engagés dans une formation qualifiante

7% dans d’autres types de formation

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