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Expulsion du bidonville de la Part-Dieu : l’errance des Roms lyonnais continue

Article actualisé à 19h07. Ce mercredi, à l’aube, la préfecture a procédé à l’expulsion puis la démolition du campement de la Part-Dieu, le plus grand bidonville de toute l’agglomération lyonnaise, à une encablure de la gare SNCF. 51 personnes d’origine rom ont été évacuées.

A 5h30, ce mercredi, les gendarmes mobiles prennent position autour du terrain squatté par des Roms de Roumanie, à quelques centaines de mètres de la gare de la Part-Dieu. Tous les quatre mètres, un gendarme en tenue anti-émeute. Les trams et les trains circulent normalement, mais entre les voies, plus personne ne peut accéder à ce qui était jusqu’alors le plus grand bidonville de l’agglomération lyonnaise. Ni les associations humanitaires, ni les journalistes. “Il y a des choses qu’on ne veut pas montrer : ça”, commente Carole Martin, coordinatrice de Médecins du Monde à Lyon.

“Ça”, c’est l’expulsion des occupants du terrain en application de décisions du tribunal de grande instance et de la cour d’appel de Lyon (lire ici), saisis par les deux propriétaires du terrain : Réseau Ferré de France (pour une petite partie) et surtout le Conseil général du Rhône qui veut y construire ses archives départementales.

51 personnes dont 24 enfants délogés

Suite à plusieurs évacuations d’autres squats et bidonvilles, ces baraquements de fortune ont pu accueillir jusqu’à 200 personnes. Mais ce mercredi matin, à 6 heures, quand la trentaine de policiers foncent sur les cabanes, il n’y a plus qu’une cinquantaine d’occupants. 51, dénombrera précisément la préfecture dans un communiqué, dont 24 enfants. Car la date de l’expulsion était connue depuis ce week-end. Mises au parfum par la police, les associations ont pu prévenir les Roms qui avaient décidé de rester après le 26 octobre, même une fois le délai de six mois, confirmé par la cour d’appel de Lyon, écoulé. Certains sont donc partis avant l’arrivée des forces de l’ordre. Restent ceux qui n’avaient nulle part où aller. Ni squat, ni bidonville. Et ils sont nombreux.

Cela s’explique, en partie, par l’expulsion, le samedi 30 octobre, d’un autre squat, ouvert il y a deux semaines, dans une ancienne usine du 3e arrondissement. 80 personnes dont la moitié d’enfants y avaient élu domicile, en majorité en provenance du bidonville de la Part-Dieu. Expulsés de la rue Fiol, ils sont retournés dans le bidonville qu’ils avaient quitté. Comme Simona, son mari et leur enfant de neuf mois. A 7h30, ils sortent les premiers du terrain bouclé, à pied. Les associations les accueillent, les journalistes les pressent de questions.

Aux micros qui se tendent, Simona, 25 ans, raconte qu’elle s’est déjà faite expulser “beaucoup de fois” et que “ça fait un an” qu’ils appellent le 115 (le numéro de l’hébergement d’urgence), sans succès. Elle a connu les principaux bidonvilles de l’agglomération qui ont été évacués ces derniers mois. Retourner en Roumanie ? Elle ne veut pas. “On a des cabanes aussi. Mais ici au moins on peut gagner un peu d’argent en faisant la manche”.

Pas de places d’hébergement d’urgence malgré le Plan froid

Les familles sortent au compte-goutte. A 8h30, on compte au moins 35 personnes assises sur les trottoirs adjacents avec leurs gros sacs. Le reste de leurs affaires est resté dans les cabanes qu’une pelleteuse commencent à démolir. Les membre du collectif d’association Rrom (Ligue des droits de l’homme, CLASSES, Médecins du Monde, Secours Catholique,...), présent sur place, appellent le 115 mais n’obtiennent pas de place.

L’expulsion intervient pourtant le jour de l’ouverture du renforcement hivernal de l’hébergement d’urgence, autrement appelé Plan froid, qui doit se traduire par l’ouverture d’au moins 200 places supplémentaires. “D’une certaine manière, ceci équivaut à dire qu’il y aurait des personnes dignes d’être hébergées et d’autres d’être évacuées”, déclare Sylvie Guillaume, adjointe (PS) aux affaires sociales à la mairie de Lyon, dans un communiqué envoyé en milieu de matinée.

Un énième appel à la concertation

Comme à chaque expulsion, les élus de gauche en appellent à une “table ronde” ou à une “concertation” sur le sujet. Comme Sylvie Guillaume : “cette nouvelle évacuation ne fait évoluer en rien la situation des personnes concernées. En effet dès ce soir, de nouveaux camps de fortunes seront nés dans des conditions certainement encore pires que celles de la Part-Dieu. (...) Cette situation n’a que trop duré et se “refiler la patate chaude” n’a jamais constitué de politique crédible”. Roland Jacquet, élu communiste du 3e arrondissement, présent sur les lieux, va dans le même sens : “il faut faire pression sur le préfet pour qu’il invite d’urgence toutes les collectivités du Grand Lyon autour de la table pour discuter du relogement des Roms”.

Le coup de com’ du Conseil général

Le propriétaire de la majeure partie du terrain, le Conseil général, par la voix de son président, le ministre de l'Espace rural et de l'Aménagement du territoire Michel Mercier, a annoncé le 1er octobre travailler à la “réinsertion” des Roms mais en Roumanie. Le week-end dernier, le quotidien Le Progrès relatait le voyage du directeur de cabinet de Mercier, Pierre Jamet, dans le département ("Judet" en roumain) de Timis qui a donné son “accord de principe”, après le Judet d’Alba pour la mise en œuvre d’un “programme axé sur la formation professionnelle (...) et les opportunités d’emploi qu’offrent l’agriculture et le tourisme rurale”, comme l’énonçait le conseil général dans un communiqué de presse.

“Deux ou trois familles”, selon Pierre Jamet (cité par Le Progrès) auraient été identifiées à Lyon par le consulat de Roumanie. Bien peu par rapport aux quelque 200 personnes que comptait, au maximum, le bidonville. Les membres du collectif Rrom ont une explication simple : très peu des familles du terrain sont originaires des deux “Judet” avec lesquels le Conseil général est en train de créer des partenariats. La grande majorité des Roms lyonnais sont originaires des régions de Bihor et de Craiova. “C’est une opération médiatique, tranche Carole Martin de Médecins du Monde. Le Conseil général n’a même pas pris la peine de prendre contact avec nous”. Dans 20 Minutes Lyon, le consul général de Roumanie à Lyon, Gabriel Stanescu, avance une autre explication : “La plupart d’entre elles semblent trouver la situation meilleure ici qu’en Roumanie”, indique-t-il.

La volonté de rester en France explique également que peu de Roms de la Part-Dieu aient accepté un “retour volontaire” en Roumanie, avec à la clé, la somme de 300 euros, versée par adulte. 15 personnes sur 51 selon la préfecture. A noter qu'une seule obligation de quitter le territoire (OQTF) a été notifiée ce mercredi. Ce qui porte à environ 60, le nombre d'OQTF délivrés aux occupants de ce bidonville depuis fin août.

“Pas d’expulsion, sans relogement”

La semaine dernière, une trentaine de membres des associations du collectif Rrom s’étaient réunis sur le bidonville, pour redemander, symboliquement, qu’il n’y ait pas d’“expulsion sans relogement”. Ce mercredi, plusieurs bénévoles ont emmené une trentaine de Roms dont la moitié d’enfants à la Maison du Rhône, place Saint-Anne, à un pâté de maisons de l’ancien bidonville. Ce lieu regroupe notamment les services petite enfance du Conseil général. “Le Conseil général est le propriétaire du terrain et, en plus, il est compétent en matière de petite enfance. Il doit prendre ses responsabilités pour reloger ses familles”, explique une bénévole.

A la fin de la journée, les Roms ont quitté la Maison du Rhône. Selon la coordinatrice de Médecins du Monde, sur les 35 personnes restantes, 10 ont été abritées pour une nuit à l’hôtel. "25 n’avaient aucune solution ce mercredi soir à la fermeture de la Maison du Rhône, à 17h, malgré de nombreuses interpellations des associations en direction de la Direction Départementale de la Cohésion Sociale, des élus et du 115".

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