Après Lille et Paris, le service de vélos partagés sans borne Gobee.bike arrive à Lyon. Comment ce concurrent de Vélo'v va-t-il s'en sortir alors que les mauvais retours se multiplient dans d'autres villes en France ? Quels sont les 6 écueils possibles pour Gobee.bike.
Sur le papier, Gobee.bike, financé en partie par le géant chinois Alibaba, a tout de l'excellente idée qui pourrait s'imposer dans nos cités. Ce service de vélos partagés fonctionne sans borne. L'utilisateur se contente de télécharger une application et de payer 15 euros de caution immédiatement débitée et rendue lors de la clôture du compte (tarif promotionnel). Ensuite, il peut géolocaliser l'un des 400 vélos Gobee.bike qui seront déployés sur la Presqu'île, une partie du 6e arrondissement et la Part-Dieu. Il lui suffit alors de flasher un code sur le deux roues pour le déverrouiller. La location est facturée 50 centimes pour 30 minutes. Une fois le trajet effectué, il est possible de déposer le vélo à n'importe quel endroit, puis d'enclencher le verrou électronique. À ses débuts, les utilisateurs pourront même laisser leur Gobee en dehors de la zone hyper-centre, un des dix salariés se chargera ensuite de venir le récupérer. Plus tard, le service réfléchit à d’éventuels "frais supplémentaires" pour ce cas de figure, selon Geoffroy Marticou, Manager France de Gobee.bike.
Même si l'équipe de Gobee se défend de proposer un concurrent de Vélo'v "les services étant complémentaires", ce nouveau système semble, en théorie, plus intéressant sur certains points. Les Gobee.bike affichent un tarif plus avantageux pour les utilisateurs occasionnels, puisque à partir de 2018 le ticket Vélo’v journée passera à 4 euros et le ticket trajet à 1,80 euro. Néanmoins, Gobee.bike devrait déployer 400 deux-roues dans les rues de Lyon (chiffre que refuse de confirmer la start-up). Cela reste très loin des 4 000 Vélo’v de JCDecaux et son tarif à 50 centimes la demi-heure n’est pas intéressant pour les abonnés à l’année, qui bénéficient d’une gratuité sur cette durée. Gobee pourrait également se heurter à plusieurs écueils.
La casse
À Lille comme à Paris, Gobee est déjà sujet au problème de la casse. Les Lyonnais n'ont pas toujours été tendres avec Vélo'v, notamment en 2013 où un quart du parc a été détruit (1000 sur 4000). Par ailleurs, la couleur verte du vélo Gobee ne devrait pas aider à ce que les Lyonnais fans de football en prennent soin. Du côté de Gobee, on avance le chiffre de 6 % de vol et de dégradation à Lille et Paris, même si les derniers retours sur ces points commencent à être très négatifs. À Lille, la start-up a déjà restreint les zones couvertes, "le service était à l'origine très métropolitain", précise Geoffroy Marticou. Gobee qui refuse de donner le prix d'un vélo et se défend de mettre dans les rues des deux roues jetables "S'il le faut, nous irons les chercher dans le Rhône comme nous en avons récupéré dans la Seine". Néanmoins, avec un courant plus fort, pas sûr qu’une opération de sauvetage sous-marine soit intéressante financièrement pour Gobee. Enfin, les vélos étant fabriqués entièrement en Asie, nous avons demandé le bilan carbone de leur assemblage avant leur arrivée dans les rues françaises, Gobee n'a pas été en mesure de répondre à cette question.
La fiabilité du système
Les vélos cassés sont autant de deux roues qui ne peuvent être utilisés dans le service ; il y a aussi la question des bugs. À Paris, sur les réseaux sociaux, plusieurs utilisateurs en colère n'ont pas manqué de rappeler les problèmes qu'ils rencontraient : vélos qui ne se déverrouillent pas, problèmes techniques. Geoffroy Marticou assure que ces bugs sont en cours de résolution "le service sera entièrement opérationnel dans les prochains jours, si nous le lançons durant la période hivernale, c'est pour être prêt au printemps". De même, des astuces circulent déjà pour forcer le déverrouillage, là encore, Geoffroy Marticou se veut rassurant : "les équipes travaillent sur une prochaine version du vélo qui prendra en compte ce genre de situation". Alors que Paris amorce la transition entre les Vélib' de JCDecaux et ceux de Smoove, les pannes rencontrées par Gobee et les dégradations arrivent au mauvais moment et font perdre des opportunités à la start-up. À Lyon, les utilisateurs déçus pourront immédiatement se rabattre sur Vélo'v, le droit à l'erreur est encore plus faible.
La colère du Groupe JCDecaux et Vélo'v
En novembre, dans les colonnes de Lyon Capitale, le groupe JCDecaux prévenait déjà la métropole de Lyon sur la possible multiplication des services comme Gobee. Une source interne au groupe précisait : “Quelques centaines de vélos en partage ont un impact limité, mais si demain ce sont des milliers dans les rues de Lyon, sans régulation ni obligation de moyens ou de performance, ils vont impacter directement notre service, sa qualité et ses résultats. Nous ne voyons pas Lyon laisser faire ce type de développement sans réguler.” La déclaration est sans équivoque : “Il faudra que chacun prenne ses responsabilités, ces services visent l’hyper centre-ville quand dans nos contrats nous couvrons aussi les périphéries, ils peuvent menacer l’équilibre. Il faut garder en tête que si l’offre devient excessive il y aura une cannibalisation.”
Un possible arrêté de la ville de Lyon
En 2004, alors que Gérard Collomb découvrait Vélo’v et préparait le nouveau marché public (celui qui se termine cette année), il avait bloqué l’installation de l’Allemand Call a Bike pour raison d’occupation de l’espace public. Avec des vélos qui peuvent être garés n'importe où, y compris sur les trottoirs où la place Bellecour, la patience de la ville de Lyon pourrait vite atteindre ses limites. Confrontées aux problèmes de ces nouveaux services, les métropoles et villes réfléchissent déjà à un arsenal pour contrôler les nouveaux arrivants : arrêté d'interdiction, charte de bonne conduite, redevance d’occupation de l’espace public, voire paiement d’une licence. La future loi d’orientation sur les mobilités que prépare le Gouvernement devrait fournir des outils aux municipalités pour mieux réguler les services.
Chez Gobee, tout en mettant en avant son dialogue avec la ville de Lyon et la métropole, ont tente d'apporter des gages : "Si un vélo est garé dans une zone qui gène ou place Bellecour, nous enverrons l'un de nos salariés le déplacer". Promesse louable, mais qui pourrait être difficile à tenir dans un délai rapide puisque la start-up ne compte que dix salariés à Lyon. Gobee admet également travailler sur un système permettant de "restreindre les zones de stationnement qui arrivera ces prochaines semaines", mais là encore, la précision de la localisation des GPS qui équipent les vélos suffira-t-elle à les interdire sur certains trottoirs ?
Pour ne pas arranger la situation, selon nos informations, les services de la ville avaient demandé à Gobee de se déployer du côté de Caluire, le 8e arrondissement, ainsi que vers Bron et Saint-Priest. Pourtant, la start-up a choisi l'hyper-centre. Dans sa présentation à la presse, la Gobee ajoute viser "des zones moins bien desservies en transport en commun", ce qui est loin d'être le cas pour le lancement. Cela témoigne aussi d'un certain paradoxe cultivé du côté de Gobee. Dans sa feuille de route l'entreprise vise dans un premier temps l'hyper-centre, d'autres arrondissements, puis la métropole de Lyon, tout en rappelant que : "ça ne fonctionne pas d'aller de partout". Il suffit de voir l'exemple lillois où le service tend vers une diminution des zones couvertes.
La concurrence arrive
Il y a la concurrence Vélo'v, et puis toutes les autres qui arrivent. Selon nos informations, les services de la métropole de Lyon ont déjà rencontré une dizaine d'entreprises qui veulent faire du vélo partagé en libre-service. De nombreuses start-ups, financées par des fonds chinois, sont dans les starting -blocks, à l'image d'Ofo, leader mondial. D'autres ont aujourd'hui des arguments forts pour tenter de convaincre : Indigo, ex-Vinci Parc, prépare son offre Weel pour Lyon après un déploiement à Metz. L'entreprise met en avant son statut "d'acteur français" qui pourrait faire mouche. D'autres start-ups développent des systèmes ultrafins de géolocalisation pour interdire des zones précises et contenter les municipalités qui craignent une occupation chaotique de l'espace public. Quand certaines se lancent et promettent, elles préfèrent attendre que tout fonctionne parfaitement pour ne pas froisser les élus.
Etre premier
En arrivant le premier à Lyon, sans faire d'effort sur les demandes de la ville en matière de zones desservies et de blocage, Gobee.bike s'expose directement à payer les pots cassés. En novembre, Pierre Hémon, élu chargé des mobilités actives à la métropole de Lyon, nous confiait : “Il n’en restera qu’un ou deux à la fin, ils vont se bouffer entre eux.” Les prochains mois seront sans pitié.