Thierry Braillard, député (PRG) du Rhône, et Martine Martinel, députée (SRC) de Haute-Garonne, avaient déjà courageusement soutenu notre combat sur l’indépendance de l’audiovisuel à la tribune de l’Assemblée nationale et/ou en commission des affaires culturelles, afin que ce pilier essentiel de la démocratie ne soit plus l’otage d’aucun clan politique.
Aujourd’hui, cela semble évident et limpide pour tous, mais, il y a encore quelques mois, ça l’était beaucoup moins, et nous nous sentions un peu esseulés, quand nous n’étions pas accusés d’être de dangereux extrémistes. Mais les faits sont têtus… et les procès en sorcellerie ont vécu. Cette nuit, le Sénat a donc adopté le projet de loi porté par la ministre de la Culture et déjà voté par l’Assemblée. Ce texte reprend la plupart de nos remarques et propositions, et l’on ne peut évidemment que s’en féliciter. L’enjeu est de taille : il s’agit notamment de rétablir l’indépendance du CSA et des présidents de l’audiovisuel public. Et de rompre définitivement avec les pratiques d’une autre époque, qui faisaient honte à notre République.
“Aujourd'hui, dans cette journée solennelle où je vais faire voter au Sénat une loi audiovisuelle, on a une grande avancée”, a affirmé Aurélie Filippetti, invitée mardi sur Europe 1. Il est indéniable qu’avancée il y a, il est de même incontestable que celle-ci est bien réelle et pas simplement symbolique ou “hypocrite”, comme l’a dit ce matin sur France Inter le député sarkozyste Frank Riester, proche de Michel Boyon (l’ancien président du CSA) et de Pascal Houzelot, patron de la nouvelle chaîne Numéro 23, qui diffuse du téléachat et des séries à bas coût. Bref passage en revue de ce qui va changer.
Nomination des patrons de l’audiovisuel public
C'est le plus important changement porté par le projet de loi. Celui-ci revient en effet sur la réforme de 2009 voulue par l’omniprésident Nicolas Sarkozy, lequel avait retiré au CSA – qui n’était plus qu’une chambre d’enregistrement de la volonté élyséenne – le pouvoir de nomination des patrons de France Télévisions et de Radio France, pour l'attribuer à son auguste personne. Il est vrai qu’à la même époque Nicolas Sarkozy s’autoproclamait également “DRH du PS”... Les Sages décideront donc à nouveau de ces nominations et les actuels dirigeants de l'audiovisuel public resteront en place jusqu'au terme de leur mandat, ce qui est élégant – et d’une certaine façon rassurant quant à la réelle volonté de ce gouvernement de couper enfin le cordon.
Autorisation de rendre une chaîne gratuite
Le texte octroie également au CSA le droit d'autoriser une chaîne de la TNT payante à devenir gratuite. “C'est important : des chaînes ont fait certains choix à une époque avec un paysage donné, ces éléments ont évolué depuis”, a indiqué Aurélie Filippetti. Les deux grands groupes privés de télévision gratuite, TF1 et M6, sont évidemment concernés par cette évolution. La direction de TF1 se bat depuis plusieurs années pour le passage de sa chaîne d'information LCI sur la TNT gratuite. LCI, qui est payante, souffre de la concurrence de BFM TV et i-Télé, accessibles gratuitement. De son côté, le groupe M6 a évoqué plusieurs fois le passage en gratuit de sa chaîne Paris Première. Dans cette affaire, on ne comprend pas très bien le soudain malthusianisme du patron du groupe NextRadioTV (propriétaire de BFM TV), Alain Weill, qui affirme qu’il n’y a “pas de place pour trois chaînes d’info en continu sur la TNT”. À vrai dire, c’est surtout aux téléspectateurs d’en décider, et la concurrence ne peut que stimuler la créativité.
Changement du nombre de conseillers et du mode de nomination
Le collège du CSA comptait jusqu'ici 9 conseillers, il n'en comportera plus que 7. Le président de la République, qui nommait trois membres, ne désignera plus que le président du CSA ; on peut cependant regretter que le texte n’aille pas au bout de la logique gouvernementale et n’inclue dans son mode de désignation l’ensemble des conseillers, président compris – cela aurait été plus clair et levé toute ambiguïté. Voilà une piste pour l’avenir ! Le président de l'Assemblée nationale et celui du Sénat continueront à désigner chacun trois Sages, mais ces nominations devront désormais être approuvées par la commission des affaires culturelles de l'assemblée concernée, aux trois cinquièmes de ses membres. Une évolution “révolutionnaire” pour Aurélie Filippetti, car “il faudra associer majorité et opposition”. La ministre de la Culture a ainsi répété que ce nouveau mode de nomination permettrait de donner “un niveau d'indépendance jamais atteint à l'audiovisuel public”.
Oser l’indépendance
Si ce texte ne réglera pas, loin s’en faut, tous les problèmes – car l’indépendance est avant tout une pratique et un état d’esprit –, il marque d’ores et déjà un net progrès démocratique, par la recherche d’un large consensus. Désormais, il sera en effet beaucoup plus difficile de servir des intérêts partisans. Comme le disait Victor Hugo, justement à la tribune de l’Assemblée nationale, le 9 juillet 1850 : “La souveraineté du peuple, le suffrage universel, la liberté de la presse (…) constituent notre droit public tout entier : la première en est le principe, le second en est le mode, la troisième en est le verbe. (…) Là où ces trois principes sont amoindris dans leur développement, opprimés dans leur action, méconnus dans leur solidarité, contestés dans leur majesté, il y a monarchie ou oligarchie, même sous le mot république.” Ne reste plus aux Sages qu’à oser. Oser l’indépendance : tout un programme.
les deux partis majoritaires dans des assemblées non représentatives qui nomment les membres du CSA ... le politique qui nomme les membres du CSA : ceci s'appelle une arnaque ! Il fallait oser une vraie indépendance dans la nomination des membres et une vraie séparation des pouvoirs !
Il faudrait aussi supprimer la taxe audiovisuel 🙂