C’est une première. Trois familles SDF ont fait condamner le préfet du Rhône pour les avoir remis à la rue alors que ses services les avaient hébergées à l’hôtel durant l’hiver.
Depuis le mois de décembre 2009, un collectif d’associations, de syndicats et de professionnels de l’urgence sociale* dénonce le non-respect de la loi sur le droit au logement, dite “DALO” dans le Rhône. L’article 4 prévoit en effet que “toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y demeurer”. Suite à une manifestation du collectif en janvier (lire ici), la Direction départementale de la cohésion sociale (DDCS, ex-DDASS) qui gère le dispositif d’urgence a mis un terme à la rotation qui amenait les personnes à se retrouver à la rue au bout de trois ou sept jours. Pour ce faire, les services de l’Etat ont financé jusqu’à plus de deux cents nuits d’hôtel par jour. Mais le printemps venu, les places d’hôtel ont été supprimés et de nombreuses personnes se sont de nouveau retrouvées à la rue, faute de pouvoir être accueillies dans les foyers d’hébergement d’urgence saturés.
L’Etat sanctionné
Pour les professionnels de l’urgence sociale, la situation est limpide : les services de l’Etat continuent de méconnaître l’article 4 de la loi DALO qui prévoit la continuité de cet hébergement. Suite à une semaine de permanence juridique organisée en avril, trois familles ont été convaincues de déposer un recours devant le tribunal administratif. Ces trois familles ont ce point commun : pris en charge par le dispositif de veille sociale “115”, mis en place par l’Etat, elles ont été hébergées à l’hôtel dans le cadre des renforts hivernaux. Mais arrivés les beaux jours, elles ont été priées de quitter leur chambre d’hôtel au début du mois d’avril. Derrière, aucune solution ne leur a été proposée. Dans ses ordonnances datées du 1er mai, le juge des référés a sanctionné cette remise à la rue en suivant l’article 4 de la loi DALO (article L 345-2 du code de l’action sociale). Pour chaque famille, il a “suspendu la décision du préfet du Rhône de mettre fin au bénéfice du dispositif d’hébergement d’urgence” et a “enjoint le préfet de procéder au réexamen de la situation dans un délai de 48 heures”.
Les familles toujours à la rue
Selon les associations, quatre jours après la notification de la décision, ces trois familles sont toujours à la rue. Contactée par Lyon Capitale, la DDCS n’a pas souhaité réagir pour l’instant. “Ce sont des personnes au bout du rouleau, souligne Adeline Firmin, salarié de l’association ALPIL, qui a reçu les familles. Les parents et dans certains cas les enfants ont de graves problèmes de santé”. Toutes ces familles, d’origine étrangère, sont d’ailleurs en cours de régularisation au titre de la santé.
“Une première victoire” saluée
Malgré tout, les associations, syndicats et professionnels de l’urgence sociale ont salué dans un communiqué commun “une première bataille juridique remportée contre la notion saisonnière de l'hébergement d'urgence”. Selon les avocates Frédérique Penot et Julie Matricon qui ont défendu les trois familles, l’Etat a été condamné, pour la première fois, parce que ses services avaient remis à la rue des personnes. Une décision de plus qui montre que la loi sur le droit au logement, dans toutes ses dimensions, peine encore à être appliquée.
*Action Lyonnaise Pour l’Insertion par le Logement (ALPIL)
Réseau des professionnels engagés auprès des personnes SDF
Les Enfants de Don Quichotte
Les syndicats (UNSA, Solidaires, CGT, CFDT, FSU)