Fin de l’aventure pour Les Atelières, cet atelier de confection de lingerie 100 % français, créé il y a deux ans par d’anciennes salariées de Lejaby, aidées d’une entrepreneuse lyonnaise.
L’entreprise est en cessation de paiement depuis le 5 février, et ce mardi le tribunal de commerce de Lyon a prononcé sa mise en liquidation judiciaire. L'occasion pour Lyon Capitale de revenir sur deux ans et demi d'aventure "utopique" pour ses créateurs.
Victimes de leur succès
La coopérative des Atelières s'est montée il y a deux ans. Au moment où Lejaby menaçait de fermer ses portes, quelques kilomètres plus au nord, à Rillieux-la-Pape, toujours aux portes de Lyon.
À ce moment-là, une femme de poigne, l’entrepreneuse lyonnaise Muriel Pernin, décide de s'allier à deux ex-syndicalistes (une CGT, Jeanine Caillot, et une CFDT, Nicole Mendez, des historiques de l'entreprise Lejaby) pour remonter une coopérative au sein de laquelle les salariées auraient leur mot à dire. Le rêve de toute une vie de combat syndical se réalise. Une société coopérative ouvrière de production (Scop) est montée, des ateliers sont dénichés à Villeurbanne et une partie de salariés de Lejaby retrouve du travail. Des jeunes aussi sont embauchés et l'aventure démarre.
La mode du “Made in France”
En 2012, quand l'idée du projet Les Atelières prend forme, on est alors en pleine mode du "Made in France". Les Atelières se retrouvent vite sous le feu des projecteurs.
Les Atelières ont-elles été victimes de leur succès ? En tout cas, on attendait beaucoup d'elles, peut-être trop. Arnaud Montebourg, nommé ministre du Redressement productif en mai, s'entiche du projet. Et ce d'autant plus que, la plupart des médias oublient de le dire, certains de ses anciens proches collaborateurs sont parties prenantes du projet, comme Laura Gandolfi, son ancienne directrice de campagne dans le Rhône au moment de la primaire PS de 2012, et Richard Llung, son ancien directeur de cabinet au conseil général de Saône-et-Loire. Tous deux croient au projet, ils passent des idées aux actes en devenant associés-fondateurs des Atelières. La Scop voit le jour en janvier 2013.
Le projet est soutenu de tous les côtés, y compris par le préfet de région, Jean-François Carenco. N'oublions pas que les Lejaby, en Rhône-Alpes, ce sont trois sites de production (Belley, Bourg-en-Bresse et maintenant Rillieux-la-Pape) qui ferment l'un après l'autre, et que les couturières sont toujours restées sur le carreau, malgré leur savoir-faire. En pleine période d'accession au pouvoir, la gauche veut éviter de laisser des ouvrières syndicalistes sur le bord de la route. Une occasion se présente, il ne faut pas la laisser passer.
Absence de financements
Mais, en réalité, l'entreprise va rencontrer des difficultés dès son lancement.
D'abord, les fonds investis par les associés ne suffisent pas à lever la somme nécessaire au lancement de l'entreprise. Une souscription publique est lancée : entre 50 000 et 100 000 euros venus du grand public permettent de démarrer.
Un an plus tard, un appel aux dons est de nouveau lancé, sur Facebook. Relayé par tous les médias, y compris nationaux, il permettra de lever 800 000 euros pour recapitaliser l'entreprise.
Arnaud Montebourg a même appelé les banques à soutenir le projet, au nom du “made in France”. Mais celles-ci débloquent les fonds trop tard. Muriel Pernin les met alors directement en cause, les accusant de vouloir tuer l'entreprise. On sent déjà le vent tourner. On n'est alors qu'en mars 2014.
Difficultés économiques
En juin 2012, les associés lancés dans l'aventure parlaient d'une "utopie en cours de réalisation" pour décrire leur projet. C'est à proprement parler le problème. En effet, Les Atelières cherchaient à inventer l'atelier de confection du futur, à mi-chemin entre la grande série, les petites culottes bas de gamme fabriquées à la chaîne en Chine et les culottes haut de gamme à 200 euros pièce, comme leur pendant parisien, Monette, qui fait de la lingerie haut de gamme produite dans l'ancien atelier des Lejaby à Bourg-en-Bresse.
Les Atelières, elles, voulaient inventer la moyenne série. Elles avaient même mis en place un partenariat avec les ingénieurs de l'Insa de Lyon, pour réfléchir à un modèle de production rentable, mais en vain. Force est de constater que Les Atelières n'ont pas trouvé leur place, ni sur le marché français ni sur le marché international.
Crise du marché russe
D'autant qu'on a appris ces jours-ci que Les Atelières misaient sur le marché russe pour écouler leur production, via notamment Maison Lejaby, l'ancienne entreprise Lejaby de Rillieux-la-Pape, rachetée en 2012, qui produit maintenant en Tunisie. Maison Lejaby s'était engagée sur 14 000 commandes auprès des Atelières. Elle n'en aurait honoré que 6 500, moins de la moitié, a-t-on pu lire dans les pages du Figaro ces jours-ci.
Les banques ont tardé à débloquer leurs prêts pour compenser le manque à gagner l'année dernière, dénonce Muriel Pernin, et la vente en ligne des collections des Atelières, une collection moyenne gamme, n'a pas séduit. Ceux qui ont souscrit pour soutenir Les Atelières ne sont pas devenus clients de produits peut-être un peu "datés" ou trop "moyenne gamme" pour eux. Bref, Les Atelières n'ont jamais décollé. Elles ont réalisé leur rêve en revanche, et c'est cela peut-être le principal, car il n'y a pas que l'argent qui fait tourner le monde.