PORTRAIT - Jean-Christophe Larose ne touche plus terre depuis qu’il a créé le groupe Cardinal.En sept ans, son entreprise de promotion immobilière s’est développée à un rythme effréné. Tout comme ses comptes en banque personnels. Une réussite qui interpelle les plus sceptiques. Surtout que sa success-story est mâtinée de liens proches avec Gérard Collomb. (Article publié dans le numéro de septembre de Lyon Capitale).
Parti de zéro, Jean-Christophe Larose savoure son succès. Le groupe Cardinal est devenu un acteur incontournable à Lyon.
Jean-Christophe Larose a bâti l’une des plus belles success-stories du monde économique lyonnais des années 2000. Son entreprise, le groupe Cardinal, créé en 2003, est le dixième promoteur immobilier de France. “J’ai atteint les objectifs que je m’étais fixés. Je suis le seul du top 10 à être indépendant”, s’enorgueillit-il. Devant lui, on retrouve Nexity, Bouygues, Vinci, Bouwfonds Marignan, Eiffage, etc. Une réussite qui suscite aussi des interrogations. “Il a fait fortune très vite et de manière exponentielle. Je comprends qu’il se soit attiré des jalousies”, glisse un patron du BTP. Des sources judiciaires nous ont expliqué recevoir à intervalles réguliers des dénonciations le concernant.
Le groupe Cardinal, dont Jean-Christophe Larose détient 51 % des parts, est aujourd’hui valorisé, selon ses dires, plus de 10 millions d’euros. Autour de la galaxie Cardinal gravite une dizaine d’entreprises : des SCI, mais aussi des entreprises valorisées plusieurs millions d’euros, tels la Foncière Cardinal (un fonds d’investissement capable de gérer 100 millions d’actifs) ou Cardinal Investissement. La fortune personnelle de M. Larose, d’après nos informations, atteindrait plus de 30 millions d’euros. En sept ans, il s’est construit un solide empire à Lyon. Il est devenu l’homme de la Confluence, où il a sorti de terre les sièges sociaux du Progrès, du groupe Communiquez, d’Espace Group, le restaurant Rue Le Bec et son propre siège social (le Cube Orange). Sa réussite est d’autant plus fulgurante que Jean-Christophe Larose n’est pas un patron issu du sérail de la promotion immobilière.
De la F1 à la promotion immobilière
Sa carrière professionnelle débute au milieu des années 1990 dans les paddocks des écuries de Formule 1. Il y suit son ami Jacques Villeneuve (champion du monde québécois de F1 en 1997). “Quand il vous en parle, vous avez l’impression qu’il était directeur de course. Mais je n’ai jamais su ce qu’il faisait réellement”, s’amuse un homme présent dès la création du groupe Cardinal. “Jacques est un ami d’enfance, j’étais son manager : je gérais ses sponsors et ses activités annexes”, nous a précisé le promoteur immobilier. À la fin des années 1990, parallèlement à ses activités professionnelles, il s’investit en politique auprès de Bernard Saugey, président (RPR) du conseil général de l’Isère de 1998 à 2001. Cet homme politique est un ami de son père et va devenir l’un des proches du fils. Un homme qui lui rendra quelques coups de main dans sa future carrière en lui fournissant, par le biais de ses réseaux, ses premières affaires à Caluire. Il interviendra aussi pour défendre la candidature du groupe Cardinal pour la construction du siège du Progrès à la Confluence. “Jean-Christophe prétend avoir été une sorte de directeur de cabinet occulte, mais je crois qu’il n’était qu’un simple collaborateur zélé”, croit savoir un de ses anciens amis. Sur son rôle exact, le patron du groupe Cardinal se montre évasif : “Je faisais tout ce dont il avait besoin.” Lors d’une rencontre en 2010, il déballait à Lyon Capitale un parcours professionnel bien différent, plus policé, insistant plus sur son parcours dans les banques et sa première entreprise, la société MCE. Jean-Christophe Larose cherche à construire son propre CV en fonction de ses interlocuteurs.
Le syndrome du nouveau riche
Son narcissisme, Jean-Christophe Larose le promène partout dans Lyon. Il affiche dès qu’il le peut ses signes extérieurs de richesse. À la Confluence, il s’est construit un siège social délirant : le Cube Orange, une prouesse architecturale. Auparavant, il avait installé ses bureaux à la très chic Cité internationale. Il est fan de grosses cylindrées et posséderait aussi un bateau. À Lyon, il se fait remarquer par sa présence à tous les pince-fesses. Il en organise aussi, à la Confluence, en version open bar pour happy few. Pour les dix ans du groupe Cardinal, il privatise la Rue Le Bec, un restaurant dont il est l’un des actionnaires. Dans une ville où les patrons se font d’ordinaire discrets, son genre nouveau riche tranche. L’ancien site Internet de sa société affichait en page d’accueil des bimbos sorties d’un clip de rap, langoureusement avachies sur des jets privés. “Je me rappelle qu’il a loué une barge pour tirer un feu d’artifice, ce n’est pas dans la mentalité lyonnaise”, sourit Guy Mathiolon, l’ancien président de la chambre de commerce et d’industrie de Lyon.
Parti de zéro, Jean-Christophe Larose savoure son succès. Le groupe Cardinal est devenu un acteur incontournable à Lyon. À l’origine, il ne connaissait pourtant pas grand-chose au métier. Mais l’une des qualités premières de Jean-Christophe Larose est sa capacité à bien s’entourer. Avant de lancer le groupe Cardinal, il monte quelques opérations avec Renaud Dufer, un marchand de biens. Il réalise à l’époque quelques plus-values qui vont lui permettre de faire décoller son entreprise de promotion immobilière. Les statuts du groupe Cardinal ont été déposés en 2000, mais l’entreprise n’est pas très solide. Jean-Christophe Larose y a investi 31 000 francs et quelques fournitures de bureau. Aujourd’hui, sa société vaudrait d’après lui plus d’une dizaine de millions d’euros. Sans compter toutes les entreprises satellites.
“Vous lui connaissez beaucoup d’amis ?”
Au fil du temps, Jean-Christophe Larose va développer sa société en s’appuyant sur des collaborateurs qu’il n’hésite pas à évincer dès qu’il n’en a plus besoin. Mieux vaut, en affaires, ne pas croiser la route de Jean-Christophe Larose. En sept ans, il s’est fâché avec la moitié de la ville. “Vous lui connaissez beaucoup d’amis ?” feint de s’interroger un de ses anciens compagnons de route. À son contact, les amitiés se gâtent. Il ne les vit que de manière intéressée. En quête de notoriété et de développement, il se rapproche en 2007 de son “frère” Pierre Nallet, un autre promoteur immobilier.
Cardinal absorbe la société de son ami. Il le nomme directeur en lui fixant des objectifs. Pierre Nallet ne les prend pas au sérieux. Il aurait dû : ami ou pas, Jean-Christophe Larose le licencie à peine un an plus tard. “Larose est un opportuniste, c’est sa plus grande qualité, confie un patron du BTP. Il ne réfléchit qu’en fonction de l’argent qu’il peut gagner.” Avec ce critère, ses amitiés sont éphémères. Christophe Mahé, PDG d’Espace Group et associé de Jean-Christophe Larose dans Tribune de Lyon, ne lui adresse plus la parole depuis que Cardinal a bâti son siège social. Même Fernand Galula, son ami depuis 2003, a préféré quitter la présidence de la Foncière Cardinal avant de partir en trop mauvais termes. Le promoteur met lui en avant l’âge de son ex-président de société pour expliquer son départ. “La société va se développer et il n’a pas assez de temps à consacrer à la Foncière Cardinal”, ajoute Jean-Christophe Larose.
Jean-Michel Porte, l’associé de l’ombre des débuts, a lui aussi quitté le navire. Il lui réclamerait aujourd’hui 4,5 millions d’euros en justice. Le promoteur immobilier dit avoir mis fin à ses relations quand il a appris ses agissements au sein de la Sogelym-Steiner. Une prise de conscience qui remonte à 2007, l’année où Jean-Michel Porte est condamné à un an de prison. D’après nos informations, l’ex-directeur régional de la Sogelym-Steiner serait pourtant revenu faire des affaires avec Jean-Christophe Larose une fois sorti de prison. Un autre exemple illustre la primauté du business sur l’affectif. Quand le monde des patrons se déchire à l’automne 2010, sur fonds d’élection à la CCI, Jean-Christophe Larose laisse entendre qu’il ira rejoindre les rangs de la CGPME où il compte de nombreux amis. Au dernier moment, il s’inscrit pourtant sur la liste du Medef. Un choix dicté par ses affaires. Il construit à la Confluence le futur siège de la chambre régionale de commerce et d’industrie. Un marché qui lui a été attribué par Jean-Paul Mauduy, le président (Medef) de la CRCI. Les réactions de Jean-Christophe Larose ne sont pas imprévisibles : elles suivent le courant de ses affaires.
Une fortune intraçable ?
Alors que le vide se fait cycliquement autour de Jean-Christophe Larose, seuls quelques actionnaires de référence restent en poste, comme Norbert Richard ou Jérôme Descateaux. Deux hommes dont il a besoin : ils détiennent les 49 autres pour cent du groupe Cardinal. Ils sont les seuls que Jean-Christophe Larose n’ait pas trahis. Enfin, pas complètement. Une société permet de mettre au jour un montage scabreux : la SCS Esoral (Larose à l’envers). Cette entreprise regroupe une partie du patrimoine de Jean-Christophe Larose. Des biens qu’il loue ou qu’il achète en vue d’une revente probable. Cette société est à commandite simple : les parts sont réparties entre le promoteur immobilier (70 %) et le groupe Cardinal (30 %). JCL a pour mission de gérer la société, et son entreprise de promotion est là pour apporter des fonds. “En gros, quand lui met 30 %, Cardinal met 70 %. Il se sert de l’argent de la société pour acheter des biens sans payer d’impôts dessus”, décrypte un ancien salarié. “Nous avons eu recours à ce procédé pour jouir de l’exonération des plus-values fiscales des entreprises. Mais maintenant que Fillon a supprimé cette mesure, nous allons passer à autre chose”, rigolent de concert Jean-Christophe Larose et son avocat Pierre Moulinier. “Ces affaires sont claires comme du jus de boudin”, s’amuse un ancien de Cardinal. Jean-Christophe Larose nous a certifié n’avoir aucun compte dans des paradis fiscaux.
Bien conseillé par son avocat Pierre Moulinier, dont les bureaux sont aussi dans le Cube Orange de la Confluence, Jean-Christophe Larose est le pro des montages financiers. Il crée à intervalles réguliers des sociétés satellites de Cardinal. À chaque fois, il procède de la même manière. Il prend des parts de l’une de ses entreprises, qu’il amène en apport à la nouvelle société. Les autres actionnaires amènent eux des liquidités. Il investit en faisant supporter le risque à court terme aux autres. Avec l’argent frais, il monte des opérations qui se transforment généralement en dividendes. Si le mode opératoire peut apparaître scabreux, les associés, au bout du compte, s’y retrouvent. Jean-Christophe Larose, au fil des opérations, est devenu un professionnel aguerri. “Il ne vit que pour Cardinal. Il est très bon dans son métier et c’est un très grand manipulateur, un charmeur. Il a un très bon relationnel”, loue un ami parti fâché de sa collaboration avec Jean-Christophe Larose.
Ses réseaux sont aussi très étendus. Alexis Perret, un de ses amis, a joué un rôle dans la réussite du groupe Cardinal. Ce cadre de Nexity est auparavant passé par le Grand Lyon et la Caisse des dépôts et consignations. Cette société qui investit l’argent public va beaucoup travailler avec le groupe Cardinal sur la clinique du Parc (voir page 14) ou à la Confluence durant la période où Alexis Perret y est employé. Aujourd’hui cadre régional du promoteur immobilier Nexity, il présente souvent des dossiers communs avec le groupe Cardinal (prison Saint-Luc ou encore Hôtel-Dieu). Alexis Perret est surtout l’homme qui a mis en relation Jean-Christophe Larose et Gérard Collomb. Aujourd’hui, les deux hommes se tutoient et se tapent sur l’épaule en public. “Je ne comprends pas comment Gérard Collomb peut s’afficher avec un tel personnage”, s’interroge un ami du couple Collomb.
L’ami de Gérard Collomb
La réponse se trouve à la Confluence. Les deux hommes ont noué des attaches à la croisée du Rhône et de la Saône. Gérard Collomb voulait faire sortir de terre ce quartier rapidement. Jean-Christophe Larose souhaitait développer son entreprise et a décelé un filon d’or à la Confluence. “J’ai été voir Collomb pour lui dire que ce terrain m’intéressait. Les terrains étaient en Presqu’île, à flanc de fleuves, avec des voies d’accès. Ce n’était pas dur de se dire que le quartier allait marcher. C’était une évidence, je ne comprenais pas pourquoi les autres n’y allaient pas”, explique le promoteur immobilier. Jean-Christophe Larose a toujours accordé une grande importance à ses relations avec les élus.
Entre son job pour Bernard Saugey et l’aventure Cardinal, il travaillait dans une société de conseil en affaires immobilières auprès des collectivités locales. Il a amassé des contacts à cette époque. Aujourd’hui, il les travaille. “L’essentiel de mon travail se passe à l’heure du déjeuner”, glisse-t-il. Il entretient de bonnes relations avec les élus ou les membres de cabinet. À une époque, son entreprise a aussi travaillé avec le fils de Michel Idé, conseiller technique de Gilles Buna (adjoint à l’urbanisme de la Ville de Lyon). Leurs relations se dégraderont quand Jean-Christophe Larose coupera brutalement les ponts avec le fils Idé. Ses liens avec le monde de la politique attisent aussi les suspicions entourant sa réussite. “En 2001, il n’est rien quand Gérard Collomb arrive au pouvoir. Aujourd’hui, il est le dixième promoteur immobilier de France”, s’agace un élu (UMP) au Grand Lyon.
Il n’est pas le seul à s’interroger. D’après nos informations, la réussite fulgurante de Jean-Christophe Larose a attiré l’attention des services fiscaux. Un contrôle a été conduit en 2007 notamment par un certain Alain Giordano, plus connu à Lyon comme élu écologiste. Ce dernier a refusé de nous confirmer l’information, en se réfugiant derrière le secret professionnel. Deux proches de Jean-Christophe Larose nous ont cependant confirmé que les investigations d’Alain Giordano avaient, dans un premier temps, franchement fait paniquer M. Larose. “Jean-Christophe avait les jetons au début. Les impôts avaient commencé à se pencher sur l’affaire de la clinique du Parc et sur SAN Parc. Ensuite, ils l’ont élargie à d’autres entreprises du groupe.”
“La déontologie est quelque chose d’important pour moi”
Pour Jean-Christophe Larose, l’histoire se termine avec un redressement sévère, 800 000 euros, mais le fisc retient sa bonne foi et n’engage pas de poursuites. La situation d’Alain Giordano dans cette affaire interpelle. Ce dernier nous a confié : “Vos informations sont fausses. La déontologie est quelque chose d’important pour moi. Je me suis occupé de la formation des futurs vérificateurs et on ne m’aurait pas laissé cette fonction s’il y avait un risque quelconque.” Le Code électoral n’a d’ailleurs pas prévu d’inéligibilité pour les inspecteurs du fisc, qui peuvent donc tout à fait se présenter sur une liste aux élections municipales, contrairement par exemple aux inspecteurs du travail (art. LO132). Un inspecteur des impôts peut même, comme Alain Giordano, continuer son activité à mi-temps après son élection comme maire du 9e arrondissement. Mais, dans un parti aussi en pointe dans la lutte contre les conflits d’intérêts qu’Europe Écologie-Les Verts, cette situation atypique risque de faire un peu débat.
un sacré dossier, merci. On ne pourra pas dire que l'on n'était pas au courant... Toutefois je n'ai pas compris le rôle de Cardinal dans l'opération Hôtel-Dieu ! à suivre certainement;