Détenu à la prison de Lyon-Corbas, Annice M demandait seulement une cellule individuelle. Il a pris plus de deux mois de mitard. Le Conseil d’Etat vient de confirmer la sanction.
La scène se passe à la maison d’arrêt de Lyon-Corbas, au début du mois de février 2010. Annice M., 46 ans, à la fois condamné et en attente de jugement pour des affaires de vol, refuse de regagner sa cellule qu’il partage avec un autre détenu. Aux surveillants, il explique qu’il ne “supporte plus” la présence d’une autre personne et qu’il veut être seul dans une cellule. La direction de Corbas, qui fait face à un surpeuplement chronique, n’accède pas à se demande. Au contraire. La commission de discipline le condamne à trente jours de quartier disciplinaire même si elle ne lui reproche aucune violence ou insulte.
Plus de deux mois de mitard
Le quartier disciplinaire, autrement appelé mitard, c’est l’enfermement 23 heures sur 24, dans une cellule qui a pour seul mobilier un lit et une table fixée au sol. Le prisonnier n’a accès ni à la radio, ni à la télé. Et la promenade se fait seul dans une minuscule cour grillagée. Cette réalité, Annice M., va la vivre pendant près de deux mois.En effet, à la fin de ses trente jours de cellule disciplinaire, il ne veut toujours pas regagner une cellule doublée. Il reprend sept puis deux jours de mitard. La direction de Corbas finit par le placer dans une cellule individuelle du quartier “arrivants”. Le 25 mars, Annice M. refuse de nouveau de partager une cellule avec un codétenu. La commission de discipline prend la même sanction de trente jours que lors de son premier refus.
Via l’Observatoire International des Prisons (OIP), il saisit la justice administrative d’un référé-liberté. Une mesure d’urgence en cas d’“atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale”. Le 8 avril, le tribunal administratif de Lyon, dans son ordonnance, donne raison à Annice M. qui est alors transféré dans la nouvelle prison de Bourg-en-Bresse pour y être détenu seul. Le tribunal de Lyon a jugé “disproportionnée” une sanction disciplinaire contre une demande “légitime” d’encellulement individuel que le législateur a inscrit dans la loi. L’ordonnance souligne que cette cette “sanction” est la plus sévère est qu’elle peut avoir des “effets” sur l’état physique et psychique d’un détenu.
Le Conseil d’Etat restreint la portée de la loi pénitentiaire
Mais le Conseil d’Etat, saisi en appel, a annulé le 22 avril la décision du tribunal administratif en estimant qu’Annice M. “n’invoque aucune circonstance propre à sa situation physique ou psychique de nature à caractériser une situation d’urgence”. Alors que la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a réaffirmé la possibilité pour un détenu d’utiliser un référé-liberté, le Conseil d’Etat en réduit profondément la portée puisqu’il ne retient pas, contrairement au tribunal administratif, que la longueur de la durée du placement en quartier disciplinaire peut comporter un risque pour le détenu.
“Le Conseil d’Etat enferme le référé-liberté dans des conditions drastiques. Il faudrait que le détenu produise des certificats médicaux ! En agissant de la sorte, il le rend sans effet. Il faut prendre en compte les risques en amont et pas attendre des passages à l’acte suicidaires”, analyse Céline Reimeringer, coordinatrice Rhône-Alpes de l’OIP. L’association cite notamment un rapport du ministère de la Justice de 1996 qui note que “la mise en quartier disciplinaire accroît de façon majeure le risque de suicide”.Annice M. va prochainement saisir la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
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