Une vingtaine de braquages à leur actif, des prises d’otage, et une technique époustouflante de simplicité pour rendre utilisables les billets de banque volés. Étendus sur trois années, les faits sont impressionnants. Six hommes du gang dit “des lessiveurs” ou encore “de la souris verte” sont jugés du 14 au 29 janvier à Lyon, à l'occasion d'un procès exceptionnellement long.
“À l’origine, c’est une cellule familiale”, décrit Christian Roussel, qui représente le parquet au procès. La bande organisée qui aurait donc sévi à travers la région entre 2003 et 2006, se serait en effet constituée autour de Laurent Cocogne, surnommé Lorenzo. Ce personnage est d’autant plus intrigant qu’il est le fils d’André Pruteau, une ancienne figure du banditisme lyonnais. Cocogne aurait convaincu Serge Quemin, le mari de sa sœur Dominique Pruteau, de commencer avec lui les premiers braquages. Lors d’un séjour en détention, les beaux-frères rencontrent David Gellee, ancien militaire. Ce dernier aurait ensuite amené au sein du gang présumé un autre ex-militaire, Hervé Carlier, et son fils, Philippe Carlier.
Un sixième comparse est mis en cause, Philippe Gascon, ami d’enfance de Cocogne. Une autre personne comparaîtra devant la cour d’assises, mais libre pour sa part, Fatima Ounes, la compagne de Cocogne, qui aurait détenu dans une villa à Romans-sur-Isère tout l’arsenal servant aux braquages, ainsi que du matériel volé, dont des motos. C’est notamment la découverte de ces éléments par la police qui a rapidement contraint les accusés à reconnaître la plupart des faits. Ils correspondent à plusieurs centaines de scellés. Considéré comme l’un des plus redoutables de ces dernières années, selon des magistrats enquêteurs de la JIRS (Juridiction interrégionale spécialisée), le gang des lessiveurs est toutefois jugé sans celui qui a toujours été considéré comme son leader, Lorenzo Cocogne.
“Si vous avancez, je tire”
C’est au cours de ce que les présumés gangsters pensaient être leur “dernier coup” qu’ils ont finalement été arrêtés, par la gendarmerie. Attaque d’un fourgon blindé, prise d’otage, fusillade et course-poursuite. Ce jeudi d’avril 2006, le scénario est digne d’un film policier au rythme effréné. Les voleurs, pris sur une route en Isère, sont entourés par une brigade de la gendarmerie. “L’un des gendarmes présents décide de maîtriser les voleurs avec un Taser, raconte Gaël Candela, avocat des quatre gendarmes constitués parties civiles. Il n’a pas voulu faire usage de son arme, il n’a pas voulu tuer, dans un acte de bravoure insensé.” En face, Laurent Cocogne, plutôt que de se faire arrêter, décide de retourner son arme contre lui. Pointée en direction du cœur. Il crie “Si vous avancez, je tire”. Puis s’exécute.
Trempez-les dans l’huile, trempez-les dans l’eau
Ce gang aussi bien structuré qu’organisé dans son mode opératoire, a rapidement été affublé des expressions “souris verte” et “lessiveurs”, du fait du procédé employé pour faire usage des billets de banque volés. Enfermées dans des mallettes de la société Axitrans, dont le système de sécurité était vendu comme inviolable, les liasses sont en effet censées être recouvertes d’encre en cas d’ouverture forcée. Mais plusieurs des accusés révéleront au juge d’instruction, et non sans une certaine fierté, une méthode on ne peut plus ingénieuse pour éviter cette projection d’encre. Les voleurs parvenaient à obtenir une très légère ouverture de la mallette en exerçant dessus une pression calculée, avant de la plonger dans un bidon rempli de dizaines de litres d’huile de cuisine classique. Après quoi les billets se retrouvaient recouverts d’une pellicule grasse empêchant l’encre, lors de l’ouverture complète de la mallette, de pénétrer dans le papier. Les billets étaient ensuite soigneusement lessivés à l’eau et au liquide vaisselle, avant d’être suspendus avec des pinces à linge pour le séchage. Comme la comptine de la souris verte le raconte : “trempez-la dans l’huile, trempez-la dans l’eau”, etc.
“Je serai là pendant les quinze jours d’audience, annonçait Gaël Candela avant le procès, ils ont des profils très particuliers et je ne pourrai pas avoir un mode de défense habituelle, il faudra que je les entende parler de leur histoire.” Pour assumer les deux semaines et demi d’audience, avec une possibilité de rallonge, prévues pour le procès, Christian Roussel est assisté d’une jeune substitut générale, Anne Boisjibault.
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