“Nicolas Sarkozy veut réécrire l’Histoire“

Les élèves de Terminale S bientôt privés d’Histoire Géographie ? Si l’on en croit la réforme du lycée présentée en décembre par le ministre de l’éducation Luc Chatel, l’enseignement de l’Histoire Géographie en filière scientifique sera regroupée sur la seule année de première.

Au moment où le gouvernement organise le débat sur l’identité nationale, la suppression d’une matière propice à forger l’esprit critique engendre une levée de boucliers de la part des enseignants mais aussi des élèves et leurs parents. Retour sur la reforme en compagnie de Bruno Benoit professeur d’Histoire à l’institut d’études politiques de Lyon et président de l’antenne régionale de l’Association des professeurs d’Histoire Géographie.

Lyon Capitale : Pourquoi vous mobilisez-vous contre la réforme ?

Bruno Benoit : La suppression de l’Histoire Géographie en Terminale S est préoccupante. Le ministère de l’éducation nous dit que quantitativement, cela ne changera rien. Les heures perdues seraient reportées en première année. C’est faux, les lycéens vont perdre 1h30 par semaine. De plus, c’est la première fois qu’on enlèverait l’Histoire Géo d’une classe de terminale. Cela peut porter préjudice aux étudiants qui ont besoin d’un excellent niveau de culture générale pour rentrer dans des grandes écoles comme Sciences Politiques. On nous parle de la possibilité d’une option, mais rien de concret. Nous savons bien que tout ce qui est optionnel est voué à disparaitre avec le temps.

Certaines fédérations de parents d’élèves accusent les professeurs d’Histoire Géographie de corporatisme; ils ne feraient que défendre leurs heures de travail, qu’en pensez-vous ?

Ces accusations sont de mauvaise foi. Globalement les fédérations de parents d’élèves nous soutiennent de même que les lycéens. Les anti-réformes font l’unanimité. Quand Luc Chatel dit qu’il a interrogé tout le monde avant d’élaborer son projet, je me demande qui a été questionné. Cette réforme est une remise en cause de la formation intellectuelle de la jeunesse française. On souhaite modeler des scientifiques qui n’auront pas forcement tous les outils pour affronter un monde de plus en plus complexe. A l’heure où l’on parle du débat sur l’identité nationale, cette volonté de supprimer une matière forgeant l’esprit critique est paradoxale.

A votre avis, pourquoi vouloir supprimer l’Histoire Géographie ?

J’ai trois hypothèses. La première est purement technocratique : on fait des économies en supprimant 1h30 par semaine. La seconde est politique : on veut des cadres scientifiques qui soient des bons exécutants avec des formations citoyennes moins élevées, des gens moins contestataires. Enfin, la dernière hypothèse serait que les gens du cabinet du ministère de l’éducation aient un compte à régler avec l’Histoire Géographie. Luc Chatel est essentiellement entouré par des juristes. Ont-ils un problème avec cette matière ? Je ne sais pas, dans la filière technologique, on rajoute des heures d’Histoire Géo. Tout cela me laisse pantois.

Que pensez-vous de ces politiques qui utilisent l’Histoire et militent pourtant pour sa suppression en Terminale S ?

Le président Sarkozy veut réécrire l’Histoire. Nous l’avons vu avec l’affaire du mur de Berlin. Il a tenté de faire croire qu’il était présent le jour de la chute, ce qui était faux. Les américains appellent cela le « Storytelling ». De même, le débat sur l’identité nationale, indissociable de l’Histoire Géographie, ne devrait pas être mis en place par le pouvoir. Il n’est pas inutile en soi. Nous sommes bousculés par le retour du religieux dans notre société. Le débat aurait du venir des citoyens eux même, sans que l’Etat n’ait à intervenir. Il s’agit là d’une boite de pandore.

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