Police lyon
© Tim Douet

Policier à Lyon : mélange de tristesse et de colère après l’attentat

Secrétaire général adjoint du syndicat de police Fpip et policier dans la région lyonnaise, Yann Rouchier réagit après l’attentat de ce jeudi soir sur les Champs-Élysées. Vers 21h, un homme a ouvert le feu à l’arme automatique sur un camion de police : un agent a perdu la vie et deux autres sont gravement blessés. Le tueur, qui aurait agi, selon toute vraisemblance, pour le compte de l’État Islamique, a été abattu.

Lyon Capitale : Après l'attaque d'hier soir sur les Champs-Élysées à Paris, quel est le moral au sein de la police de la région ?

Yann Rouchier : Nos premières pensées vont évidemment à la famille de la victime. Aujourd'hui, la tristesse et la colère se mélangent : la tristesse parce que nous avons encore un collègue qui est décédé, et la colère car, malheureusement, tout cela est prévisible. Nous ne cessons d'alerter les dirigeants et notre administration sur la montée crescendo en matière d'attentat depuis deux ans. Sur la soi-disant plus belle avenue du monde, en plein état d'urgence et à deux jours du premier tour de l'élection présidentielle, un multirécidiviste n'avait rien à faire dehors. L'auteur avait déjà été condamné à vingt ans de prison en 2003, avec une peine amoindrie à quinze ans en 2005. Cet homme avait déjà essayé d'assassiner des policiers et il se retrouve dehors maintenant. Tant que l'on n’appliquera pas des réponses concrètes, cela perdurera.

Quelles sont ces “réponses concrètes” selon vous ?

Il faut des mesures fortes et fermes. Il faut nécessairement du renseignement et le fichier S est très bien pour cela, mais que faisons-nous exactement ? Pour pouvoir suivre un fiché S 24 heures sur 24, il faut au minimum 20 fonctionnaires. Je n'ai pas refait le compte des fichés S dernièrement, mais je pense qu'avec quinze ou vingt mille personnes, le calcul est vite fait. Juste pour ce problème-là, il faudrait 400 000 policiers. Si la condamnation du tueur de flic des Champs-Élysées avait été respectée, même avec une réduction de peine en 2005, il n'aurait dû sortir de prison qu'en 2018. C'est un mélange de beaucoup de choses, mais le problème est aussi selon moi que cette forme de terrorisme est issue de la délinquance de droit commun. Les délinquants de droit commun qui sont en contact avec des fanatiques idéologiques peuvent verser du jour au lendemain. Même si nous avions un service de renseignement qui prenait en compte toutes les fiches S, beaucoup passeraient encore entre les mailles du filet parce qu'ils n'auraient pas encore agi dans ce sens-là.

Avez-vous une inquiétude particulière pour la tenue du premier tour de l'élection présidentielle ?

Nous savions très bien que ces élections, au vu de la tournure qu'elles prennent, allaient être forcément tendues. S'attaquer aux institutions quelques jours après qu'une cellule a été démantelée à Marseille et à quelques jours des élections présidentielles, bien sûr que pour les terroristes ce serait une victoire que d'impacter fortement les élections en France, comme ils l'ont fait hier soir. Je ne pense cependant pas qu'il y ait un risque plus fort qu'avant, les services de sécurité qui gèrent les candidats sont performants, d'ailleurs des candidats ont mis leur campagne en suspens aujourd'hui. Maintenant, surveiller 67 000 bureaux de vote de façon uniforme avec un risque zéro relève du miracle. On ne peut pas dire que la sécurité sera maximale, comme on ne peut pas dire qu'il y a un risque supplémentaire. Le risque zéro n'existe jamais, mais je ne pense pas que l'attaque d'hier soir implique des risques plus grands pour dimanche. Même si cela reste dans l'inconscient collectif, d'une manière ou d'une autre.

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