Une nouvelle arme contre l’endométriose

Gil Dubernard, gynécologue croix-roussien, a détourné un traitement qui utilise des ultrasons pour combattre les douleurs de l’endométriose. Deux Françaises sur dix en âge d’avoir des enfants sont concernées.

C’est une première mondiale. Gil Dubernard, gynécologue-obstétricien, a trouvé un moyen de détourner l’utilisation de Focal One, un appareil utilisé pour le traitement du cancer de la prostate, pour soigner l’endométriose. Cette maladie fonctionnelle qui touche deux Françaises sur dix en âge d’avoir des enfants se caractérise par la présence de muqueuse utérine hors de l’utérus. Elle provoque d’intenses douleurs aux femmes pendant leurs règles, voire en dehors de cette période de leur cycle, et peut entraîner l’infertilité.

“Un processus révolutionnaire”

"Ma vision de gynécologue et de chirurgien m’a permis de comprendre comment je pouvais détourner l’appareil Focal One", confie Gil Dubernard. Pour lui qui "s’intéresse beaucoup à l’image de la femme", utiliser des ultrasons pour atténuer les douleurs de l’endométriose est "un processus révolutionnaire". Avec ce système d’ultrasons, "on tue les cellules endométriosiques et les cellules responsables de la douleur en faisant des petits impacts sur la lésion, de la taille d’un grain de riz, à une température de 85 degrés". Un procédé qui dure "moins de cinq minutes", beaucoup moins lourd que les traitements de référence actuels. "Le traitement de base consiste en une chirurgie longue et délicate, avec des risques de complications, une hospitalisation pouvant aller jusqu’à dix jours et des interruptions de travail jusqu’à trois mois". L’objectif principal de Gil Dubernard pour ce nouveau traitement est "d’améliorer nettement la qualité de vie des victimes de l’endométriose". S’il ne permet pas directement d’améliorer la fertilité des femmes concernées, il pourra diminuer les douleurs pendant les rapports et, si ceux-ci sont plus nombreux, augmenter les chances de tomber enceinte.

Selon Léa, 28 ans, victime d’endométriose, cette nouvelle arme permet de mettre en lumière une maladie dont on ne parle pas assez : "Quand je consultais un médecin pour des douleurs qui me clouaient au lit et m'empêchaient de bouger, on me disait que c’était normal pendant les règles et que je devais prendre du Spasfon. Même si l’endométriose commence à sortir de l’ombre, on en parle encore trop peu et beaucoup de victimes ne sont pas prises au sérieux." Pour Caroline, 31 ans, le sujet est encore tabou : "Quand j’en parle avec des étudiants à la fac, ils répondent que c’est “dégueu”. Dès que ça parle de règles, ils ne veulent pas savoir."

“À 31 ans, on a encore envie d’être une femme”

Caroline est victime d’endométriose de stade 4 : la maladie fait saigner ses organes et les "colle" entre eux lors de la cicatrisation, ce qui peut entraîner des opérations lourdes. "Ma maladie a été découverte en 2011, suite à une IRM, confie-t-elle. Depuis, j’ai subi plusieurs opérations très importantes. On n’imagine pas toujours ce que c’est que d’avoir des hémorragies internes chaque mois, à plusieurs endroits du corps. C’est vraiment dur tout le temps." Pour soulager les douleurs sans opérer, les médecins proposent des solutions de substitution médicamenteuses. "J’ai été sous Doliprane et Spasfon tous les jours pendant plusieurs mois, et aujourd’hui je suis en ménopause artificielle. J’ai les effets secondaires qui vont avec, comme les bouffées de chaleur. Ça change la vie mais, à 31 ans, on a encore envie d’être une femme." Caroline a eu la chance de tomber enceinte, par fécondation in vitro, après deux tentatives. "La grossesse et l’allaitement mettent en repos les kystes, et inhibent les douleurs. L’ironie de la maladie est qu’elle provoque l’infertilité, mais que le seul moyen de la soulager est d’être enceinte." Dans le cas de Caroline, malgré les opérations, les kystes reviennent. Gil Dubernard propose alors une "alternative durable" avec ce nouveau traitement : "Avec ce procédé sans opération lourde, si les kystes récidivent, qu’est-ce qui nous empêche de recommencer ?"

“Améliorer durablement le quotidien de ces femmes”

Avant que l’appareil puisse être utilisé pour traiter l’endométriose à grande échelle, Gil Dubernard décrit des processus "très longs et très sécurisés". En effet, il faut obtenir l’autorisation du comité d’éthique et de l’Agence nationale de sécurité du médicament. "Le problème avec l’endométriose, c’est qu’il n’y a pas de modèle animal sur lequel nous pouvons tester l’appareil, car c’est une maladie propre aux femmes, qu’on ne retrouve nulle part ailleurs." Cependant, il pense que "les procédures d’évaluation devraient aller vite", face aux premières avancées prometteuses. "Sur six patientes, cinq ont été traitées. Il en reste encore cinq à inclure dans l’étude, et je connais les étapes suivantes." L’avis de l’Agence nationale de sécurité du médicament a par ailleurs évolué : "Les tests étaient limités aux patientes de plus de 45 ans qui ne comptaient plus avoir d’enfants. Maintenant, ils peuvent être destinés aux patientes de plus de 25 ans n’ayant pas de projet de grossesse dans les trois mois suivant la procédure."

Pour l’instant, l’étude en partenariat avec Focal One a permis de montrer qu’avec la sonde d’échographie de l’appareil, il était possible de voir la lésion endométriosique. Il sera ensuite question de traiter cette lésion, de voir s’il y a des complications, et s’il peut permettre d’améliorer la qualité de vie des patientes. La société EDAP TMS, qui a développé Focal One avec les HCL et l’Inserm, réfléchit aujourd’hui au développement d’une sonde plus compatible avec la morphologie féminine. Cette innovation pourrait concerner deux femmes sur trois atteintes d’endométriose. Pour Gil Dubernard, "l’avenir est de combiner une chirurgie classique, où l’on traite les kystes, à un traitement par ultrasons, afin d’améliorer durablement le quotidien de ces femmes souffrant d’endométriose".

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