Alertés, les étudiants concernés se sont rendus à la gendarmerie, qui n'a pu enregistrer leurs plaintes. Outre la manière de faire, le comité anti-blocage, qui compte une vingtaine de membres (dont certains se trouvent sur les listes), pointe du doigt l'inaction de la présidence de Lyon 2.
Les tensions dans les universités sont loin de s'apaiser. Mardi dernier, Anaïs, en arrivant à la fac, trouve des feuilles affichées sur les murs, avec les noms et photos de certains de ses amis. Ces étudiants sont contre le blocage, et font partie d'un groupe sur le réseau social Facebook, 'Lyon 2, ou l'université bloquée un mois sur deux'. Le principe de ce groupe? Après inscription, les adhérents s'expriment sur un 'mur' virtuel. Les propos sont plus ou moins virulents, et, bien que Facebook soit un espace public, ils n'imaginaient pas retrouver leurs écrits sur les murs de la fac. 'Y'a qu'à Lyon 2 ou en plein milieu de ton cours y'a 350 junks qui débarquent en vélo, avec des bergers allemands et des bières et qui déclarent la fac bloquée','Lyon 2 centre social et crèche','Les bloqueurs ont de vraies revendications comme...Tibet libre', voilà quelques exemples de ce que l'on peut lire sur ces pages.
Anaïs, avec une amie dont le nom et la photo figurent sur les affiches, les arrache. Toutes deux partent au commissariat de Jean Macé, dans le but de porter plainte. Mais la commissaire indique que ce n'est pas possible, car il n'y a aucune menace dans ce geste. Valentine, une des 'fichées', est résignée : 'Parfois, j'en viens à me dire qu'il vaudrait mieux se faire frapper. Au moins, on pourrait porter plainte'.
Mais, si les étudiants concernés sont choqués, les pro-blocage trouvent l'affaire 'ridicule'. Pour Julie, militante FSE et pour le blocage : 'les bloqueurs, enfin, je ne sais pas si c'est eux, ont affiché cela car certains messages sur ce groupe sont insultants, et fascistes'. Et d'ajouter : 'C'est un groupe public sur Facebook, ils n'ont qu'à assumer les conséquences de leurs actes'.
Chloé, du comité anti-blocage affirme, elle, 'assumer totalement d'être contre le blocage', mais refuse la méthode employée : 'Je ne veux pas faire de comparaison hasardeuse, mais afficher publiquement des noms et photos, ce n'est pas une méthode acceptable sous la Vème république'.
De son côté, Yannis Burgat, président de l'UNEF Lyon 2 (principal syndicat), condamne ces agissements : 'Ce n'est pas bien de fustiger des gens qui n'ont pas la même opinion que nous. L'essentiel n'est pas de pointer les anti-blocage du doigt, mais de mobiliser un maximum d'étudiants pour l'instant sans opinion, et les inviter à se joindre au mouvement'.
Un dialogue de sourds
Pour Chloé, l'affaire des affiches est 'digérée' : 'Ce qui nous choque, ce ne sont pas tant les listes, que le mépris total du président de Lyon 2'. Après avoir découvert et arraché ces papiers des murs, les étudiantes croisent le président Olivier Christin dans un couloir : 'Il était en train de ricaner avec des étudiants bloqueurs. Nous lui avons montré les affiches, et demandé s'il n'était pas choqué de voir cela dans son université. Il nous a répondu que ça ne le concernait pas, qu'il n'était pas là pour surveiller tous les murs de la fac. Et qu'il ne voulait de toute façon pas parler avec nous'.
Car entre la présidence et le comité anti-blocage, c'est une guerre ouverte. Le 7 mars dernier, après avoir crée ce comité, les étudiants ont déposé un référé auprès du tribunal administratif, pour que les cours soient dispensés et que la fac reste ouverte : 'Nous n'avons pas fait cela contre lui. Mais, comme il n'agissait pas, il a bien fallu que quelqu'un le fasse'. Le président, on l'aura compris, l'a très mal pris. Même si la présidence 'condamne ce genre de pratiques', elle avoue ne pas vouloir 'parler avec des gens qui l'attaquent au tribunal sans même essayer de la contacter d'abord'. L'argument exaspère le comité qui affirme avoir essayé à plusieurs reprises de dialoguer avec Olivier Christin : 'Je ne sais pas si c'est remonté jusqu'à lui, mais, une fois, on a même pris nos coordonnées. Personne ne nous a jamais rappelé'.
Le comité fustige aussi l''inaction' du président: 'A certaines AG, toutes les issues, y compris de secours, sont bloquées. Niveau sécurité, c'est de l'inconscience totale', relate Chloé. Et d'ajouter : 'Une fois, il y avait un clochard étendu dans la cour, les bras en croix, le visage violacé. On a dû appeler les pompiers de la ville pour le secourir. Un autre jour, nous avons vu un nourisson dans une AG, ainsi que des chiens. Les bloqueurs affirment que leur mouvement est sérieux, mais comment prendre au sérieux des gens qui boivent des packs de bière aux AG, et font des barbecues à l'intérieur de la fac? Cela ne sert qu'à décrédibiliser le mouvement des enseignants-chercheurs'.
'Beaucoup d'étudiants ont peur'
Si le comité anti-blocage comprend peu de membres, Anaïs a son explication : 'Les étudiants ont peur. Aux AG, on se fait traiter de fachos dès que l'on se positionne clairement contre le blocage'. Chloé ajoute : 'Un étudiant à porté plainte mercredi, quand nous sommes allés au commissariat. Lors d'une AG, il a reçu des menaces'.
Pour Anaïs, les étudiants ne vont plus aux assemblées générales, et même en cours, par peur : 'Avec ce qui se passe en AG, beaucoup de mes amis préfèrent ne plus venir. Ils ont peur d'être menacés, voire pire, et préfèrent ne rien faire et attendre'.
Yannis Burgat, le président de l'UNEF, reconnait qu'il y a une 'minorité agressive', mais une minorité seulement: 'Certains étudiants ont des modes radicaux, car ils sont exaspérés par le mutisme du gouvernement. Du coup, les anti-blocage sont assimilés, à tort, avec ce gouvernement'.
A noter que vendredi après-midi, nous avons pu constater sur le campus Lyon 2 (sur les quais) que de nouvelles affiches reprenant les messages des anti-blocage ont été affichées.
Annie-Laurence Ferrero
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