La bande des "Daltons" a rencontré un large écho médiatique avec ses actions "sauvages" dans les rues de Lyon, entre rodéos urbains et clips de rap. Mais, loin des plateaux télévisés, de quoi ce gang est-il le nom ?
C'est une action qui a marqué une rupture dans les "raids" menés depuis plusieurs mois par les "Daltons" dans les rues de Lyon. Le 13 novembre, cette bande d'anonymes du 8e arrondissement, déguisée avec la célèbre tenue jaune et noire des bandits de la bande-dessinée Lucky Luke, a réalisé une maraude dans les parages de la gare Part-Dieu. Filmés en direct sur les réseaux sociaux, les Daltons ont distribué de la nourriture à des sans-abris. Pourquoi un tel acte, loin des rodéos urbains et des clips de rap que la bande avait plutôt l'habitude de réaliser ?
Quelques jours après cette "maraude" qu'ils ont pris soin de médiatiser dans les grandes largeurs, l'un des membres des "Daltons" a accepté de répondre à nos questions au téléphone. A une condition, brouiller sa voix pour rester anonyme. Au bout de la ligne, la voix grave s'emmêle un peu les pinceaux au moment de parler de cette action de "bienfaisance". "On a vu que le peuple ne nous comprenait pas. Des gens nous voyaient comme des motards fous. C'est vrai que le rodéo sauvage sur la voie piétonne dans le centre de Lyon c'était une erreur. D'ailleurs, on a engueulé les gars qui ont fait ça. Suite à ça, on a été obligé de montrer au public que l'on pouvait faire de bonnes actions".
Les habitants du quartier sont divisés sur les Daltons
Loin des réseaux sociaux et des milliers de like qui donnent de l'importance aux "exploits" des Daltons, le directeur de la maison des jeunes et de la culture (MJC) de Laënnec-Mermoz nous a accueilli par une fin d'après-midi où le ciel de nuages bas annonçait prématurément la nuit. Dans la chaleur de son bureau, Guy Libercier note qu'une séquence d'un clip de rap des Daltons a été tournée, sans autorisation, devant les locaux de la MJC, qui compte 1000 adhérents dont 500 mineurs. Selon lui, les habitants du quartier sont assez divisés sur le phénomène. "Il y a deux façons de voir qui se télescopent. Les jeunes, on va dire la tranche 8-18 ans, voient les Daltons comme des héros. Ils narguent les flics et ils ont une image très positive pour cette tranche d'âge. Pour eux, ce sont les Daltons les héros et pas Lucky Luke". Leurs aînés, eux, ne portent pas le même regard bienveillant sur la bande de motards-rappeurs. "Les familles trouvent ça insupportable. Pour elles, les Daltons mettent en danger les enfants avec leurs rodéos sauvages. Les gens sont énervés, mais ils n'osent pas dire grand-chose".
"Si les Daltons avaient été à Paris, on n'en aurait pas parlé comme ça"
Un adolescent habitant à Mermoz
Au pied d'une barre d'immeubles défraîchie, à quelques centaines de mètres de là de l'autre côté de l'avenue Jean-Mermoz, deux adolescents nous donnent leur avis sur les Daltons. "A Mermoz, on les voit comme des artistes. J'aime bien leurs clips. Il ne faut pas les prendre en exemple, mais on aime ce qu'ils font". Son compère, capuche sur la tête, ajoute : "si les Daltons avaient été à Paris, on n'en aurait pas parlé comme ça. Là, on a l'impression que les médias en parlent uniquement car ce sont des gars de Lyon".
"Ils ont tout faux sur la pression policière"
Sur le terrain, les Daltons ont compris que leurs provocations rencontraient un large écho médiatique nourri par les déclarations des pouvoirs publics, mais aussi par les réseaux sociaux et les chaînes d'informations en continu. Tout en autosatisfaction, leur membre avec qui nous avons discuté au téléphone estime que les actions des "bandits" ont permis de "réduire la pression policière sur les quartiers du 8e arrondissement".
Un constat que Guy Libercier balaye d'un revers de la main. "Pour faire retomber la pression policière sur un quartier, il ne faut pas produire d'événements qui mettent la police sur les dents. Ils ont tout faux". Pour lui, il n'y a pas spécialement eu un déclencheur à l'apparition des Daltons à Mermoz, même si cette partie du 8e arrondissement concentre depuis longtemps des difficultés sociales. "On est sur un quartier prioritaire où le taux d'échec au bac est de 50%. Les jeunes ont un avenir plutôt sombre, mais c'est comme les quartiers des Etats-Unis, de la Duchère etc. Je n'ai pas eu le sentiment qu'il y ait eu un point de bascule... Les Daltons existent tout simplement, car ce sont des jeunes qui utilisent les moyens qui sont les leurs pour s'exprimer : tourner à moto au pied des tours de leur quartier".
Ce que confirme à l'autre bout du fil le membre du "gang". "Je l'avoue. Quand on fait des rodéos, il y a l'excitation d'avoir les flics derrière nous".
Donc Daltons = Guignols