L'Insee vient de publier les chiffres détaillés de son recensement 2019 de la population française. La région Auvergne-Rhône-Alpes passe le cap des 8 millions d'habitants tandis que les Lyonnais sont de plus en plus nombreux. Lyon Capitale revient sur ces chiffres avec Stephan Challier, directeur adjoint de l'Insee Auvergne-Rhône-Alpes.
La région Auvergne-Rhône-Alpes passe le cap des 8 millions d'habitants et reste à la deuxième place des régions les plus peuplées de France, derrière l'intouchable Île-de-France et ses 12 millions d'habitants. La population de la Métropole de Lyon ne cesse d'augmenter : les chiffres de l'Insee publiés la semaine dernière indiquaient près d'1,5 million d'habitants au 1er janvier 2019 dans la Métropole de Lyon. Un chiffre qui augmente depuis des années, tout comme en Auvergne-Rhône-Alpes et partout en France. Lyon Capitale fait le point avec Stephan Challier, directeur adjoint de l'Insee Auvergne-Rhône-Alpes.
Un équilibre solde naturel et solde migratoire en Auvergne-Rhône-Alpes...
Les statistiques de populations, entrées en vigueur le 1er janvier 2022 et millésimées en 2019, suivent une croissance démographique de 0,6 % en moyenne par an en Auvergne-Rhône-Alpes ; soit un peu plus que la moyenne nationale. Pour comprendre et analyser ces chiffres, Stephan Challier insiste sur la méthodologie employée. Il faut donc comprendre et accorder une certaine importance au distinguo entre l'évolution du solde naturel (l'excédent des naissances par rapports aux décès) et l'évolution du solde migratoire (différence entre le nombre de personnes qui viennent s'installer sur le territoire et le nombre qui le quittent pour ailleurs).
En région Auvergne-Rhône-Alpes - tout comme au niveau national - le solde naturel "s'érode peu à peu" explique le directeur adjoint Insee de la région. Sur la période 2013 à 2019, l'Insee calcule un taux d'évolution du solde naturel à 0,3%. "D'une part, cela est dû au vieillissement de la population" justifie-t-il. "Mais d'autre part, sur une très longue période, on fait moins d'enfants qu'il y a 50 ou 60 ans", complète Stephan Challier. L'un dans l'autre, le solde naturel reste positif mais ne permet pas de maintenir une évolution moyenne constante. Pas de quoi s'inquiéter néanmoins. D'ailleurs, "ce n'est pas à moi de vous dire si c'est inquiétant ou non", fait savoir le directeur adjoint. Cependant, "la France reste quand même parmi les pays d'Europe avec la plus forte natalité", rappelle le spécialiste.
Pour ce qui est du solde migratoire, qui étudie la différence entre le nombre de personnes qui arrivent et qui partent, il reste stable à 0,3 % entre la période 2008-2013 et la période 2013-2019. Preuve que la région continue d'attirer. Depuis toujours, le dynamisme démographique d'une région est corrélé à l'attractivité du territoire. En d'autres termes, "un territoire est attractif lorsqu'il y a des emplois, des transports en commun, ou même une autoroute" remarque Stephan Challier. Par exemple, en Auvergne, "les populations sont structurées autour des axes A71 et A75" observe-t-il. Cependant, le spécialiste reste mesuré "ce n'est pas toujours vrai. Le solde migratoire de l'Ardèche est largement positif". Selon lui, c'est aussi lié à un autre phénomène. "Les gens qui viennent s'installer dans ce département recherchent une qualité de vie" analyse-t-il tout en précisant que c'est un facteur parmi tant d'autres.
Parmi tous ces chiffres, Stephan Challier "retient volontiers le fait que la croissance de la région est portée à part égale par le solde naturel et migratoire [0,3 pour les deux, ndlr]. Rare sont les régions à bénéficier d'un tel équilibre" se réjouit le spécialiste.
... mais des départements très hétérogènes
Cependant, au sein de la région Auvergne-Rhône-Alpes, la comparaison de ces taux d'évolution département par département peut s'avérer très différente. La situation du département du Rhône, porté par la Métropole de Lyon, ne se trouvera pas partout dans la région. En terme d'accroissement, "l'Ain, le Rhône et la Haute-Savoie [respectivement 0,9%, 0,9% et 1,2%] forment le trio de tête de population qui augmente le plus dans la région", explique le spécialiste. Incomparable avec les départements du Cantal et de l'Allier qui perdent tous deux des habitants.
La Haute-Savoie est très largement portée par le dynamisme de son territoire et "sa proximité avec Genève il faut le souligner aussi", admet le directeur régional. L'Ain bénéficie "de la double polarité avec d'un côté la Suisse, et de l'autre la Métropole de Lyon", explique le directeur adjoint qui n'omet pas non plus la plaine de l'Ain et son secteur industriel qui recrute.
Le Cantal et l'Allier sont touchés par "un vieillissement de la population indéniable réel et qui n'est pas neuf". Les deux départements subissent une dynamique différente du solde migratoire avec le Cantal qui augmente de 0,4 % alors que pour l'Allier ce chiffre est nul. "On vient s'installer dans le Cantal mais pas suffisamment pour compenser l’excédent des décès sur les naissances" conclu Challier.
La périurbanisation à Lyon
L'interprétation de ces chiffres doit également passer le phénomène de périurbanisation, particulièrement présent ces dernières années. Du point de vue purement démographique, "la périurbanisation est un phénomène qui fait en sorte que les pôles urbains des aires d'attractions des villes ou des métropoles perdent des habitants au profit des couronnes"
Une étude de l'Insee publié l'année dernière sur la Métropole de Lyon explique le phénomène. Le Grand Lyon attire des habitants qui viennent de Paris ou de d'autres régions. Ces arrivants s'installent dans un premier temps "au cœur de la métropole". Puis, ils vont "ensuite s'installer en périphéries et en couronne" dans un second temps. "On dit que l'hypercentre de la métropole attire depuis l'extérieur et diffuse ensuite en proximité" résume Stephan Challier. La raison : "les gens ont tendance à s'éloigner des cœurs de métropoles pour trouver un logement plus grand, moins cher, et avec une qualité de vie supérieure".
La métropole de Lyon perdrait ainsi des habitants en terme de migration résidentiel, au profit des périphéries. Autre facteur de ce phénomène : la décohabitation. "Nous sommes de moins en moins nombreux à vivre dans les ménages", assure le directeur adjoint. "Car on vit plus vieux, plus longtemps et donc parfois seul. Par ailleurs, les familles se décomposent, se recomposent", détaille Stephan. Ainsi, le calcul est rapide : "on a besoin de plus de logements pour loger le même nombre de personnes avec ces décohabitations".
À Lyon, le constat de l'augmentation du nombre d'habitants est le même. Selon les chiffres de l'Insee, les populations continuent de venir s'installer entre Rhône et Saône mais ce n'est pas ce facteur qui porte majoritairement cette évolution. Avec une évolution annuelle de 0,9 % sur la Métropole, l'augmentation est davantage portée par le solde naturel et ses 0,8 % (contre 0,1 % pour le solde migratoire).
De plus, entre Rhône et Saône, les chiffres de recensement sont difficiles à comparer avec ceux de la moitié du 20e siècle. Deux pics de populations (un petit peu) venus de nulle part ont suscité la curiosité de certains. Une étude réalisée par un chercheur en 1968 révèle que la ville de Lyon gonflait ses chiffres de recensement avant que cela ne rentre dans le champ de compétence de l'Insee. Quoi qu'il en soit, la population au sein de la capitale des Gaules continue d'augmenter. Preuve en est avec ces chiffres d'arrondissements.
Avec 522 000 habitants, la ville de Lyon ( 9 arrondissements) retrouve son niveau de 1968: 570 000 habitants !